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Note
Février 2021

China Trends #8
L'armée chinoise en Asie : puissance et coercition

 

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Auteurs
Mathieu Duchâtel
Directeur des Études Internationales et Expert Résident

Mathieu Duchâtel est le directeur des études internationales de l’Institut Montaigne. Ses travaux portent notamment sur la sécurité économique et sur les questions stratégiques en Asie orientale. Mathieu Duchâtel est docteur en science politique de Sciences Po.

Jyh-Shyang Sheu

Mathieu Duchâtel est le directeur des études internationales de l’Institut Montaigne. Ses travaux portent notamment sur la sécurité économique et sur les questions stratégiques en Asie orientale. Mathieu Duchâtel est docteur en science politique de Sciences Po.

Viviana Zhu
Analyste Chine - Anciennement Research Fellow - programme Asie, Institut Montaigne

Viviana Zhu était Research Fellow à l'Institut Montaigne jusqu'en janvier 2023. Avant cela, elle était coordinatrice du programme Asie à l’European Council on Foreign Relations (ECFR)

Introduction par Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie de l’Institut Montaigne

"La pensée de Xi Jinping pour une armée puissante" (习近平强军思想) est une entrée à part entière de l’encyclopédie en ligne chinoise Baidu et une rubrique spécifique dans certaines revues spécialisées. Elle est parfois définie comme "une série de principes directeurs pour la construction d’un nouveau type d’armée populaire qui ose mener des guerres et qui remporte la victoire" (建设"敢打仗,打胜仗"的新型人民军队).

La préparation à la guerre est le fil conducteur des discours prononcés par Xi Jinping en présence de l’armée. En visite en octobre dernier dans une base du corps d’infanterie de marine à Chaozhou, dans la province du Fujian, Xi Jinping a appelé les Marines à "consacrer tout leur esprit et toute leur énergie à la préparation à la guerre" (要把全部心思和精力放在备战打仗上). Peint ou gravé, le slogan "oser mener des guerres et remporter la victoire" est souvent vu aujourd’hui sur les murs des sites militaires chinois. Dans la première ordonnance de 2021 émise par la Commission militaire centrale, publiée début janvier et signée par Xi Jinping lui-même, il est demandé à l’Armée populaire de libération (APL) de "résolument mettre en œuvre les directives du Comité central du Parti et de la Commission militaire centrale et de donner corps à un esprit guerrier, sans craindre ni les épreuves, ni la mort" (坚决贯彻党中央和中央军委决策指示,发扬一不怕苦、二不怕死战斗精神).

De plus grandes capacités offrent aux dirigeants chinois des options pour rechercher en temps de crise des issues favorables et conformes aux intérêts nationaux du pays.

Ce ne sont pas là que des paroles. Le Parti communiste chinois investit un effort budgétaire colossal pour construire une "armée de classe mondiale" à l’horizon 2050 - un objectif fixé par Xi Jinping dans son rapport au 19e Congrès du Parti en 2017 et une preuve des ambitions qu’il nourrit pour la Chine sur la scène mondiale. 

La puissance militaire existe pour combattre et vaincre sur le terrain, mais elle est avant tout un outil de politique étrangère. 

De plus grandes capacités offrent aux dirigeants chinois des options pour rechercher en temps de crise des issues favorables et conformes aux intérêts nationaux du pays. Cette réalité simple de la politique internationale soulève pourtant une question pour l’avenir de la sécurité en Asie : la Chine aura-t-elle davantage recours à la coercition dans les disputes territoriales dans lesquelles elle est engagée ? L’action de la Chine sous Xi Jinping en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale, dans le détroit de Taiwan et à la frontière avec l’Inde montre à l’évidence que la politique du fait accompli, les démonstrations de force et la transformation par la force du statu quo font partie intégrante de son répertoire d’options pour conduire sa politique régionale. 

Ce numéro de China Trends explore les liens entre la puissance militaire de la Chine et son attitude régionale, à travers trois perspectives : le détroit de Taiwan, les affrontements frontaliers avec l’Inde dans l’Himalaya et l’état de la coopération sino-russe en matière de défense. 

Capacités amphibies : scénarios dans le détroit de Taiwan

Sheu Jyh-hsiang, chercheur à l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité (INDSR) de Taiwan, nous offre un panorama approfondi des capacités amphibies de la Chine, en analysant notamment le changement d’échelle opéré par le Corps des Marines chinois, qui compte aujourd’hui huit brigades, contre deux avant la réforme de 2017. Il soutient que la géographie et la densité urbaine propres à l’île de Taiwan font de tout débarquement amphibie une entreprise extrêmement risquée, ce qui explique pourquoi il faut attendre du développement du Corps des Marines chinois qu’il mette l’accent sur le développement de ses capacités héliportées. La montée en puissance des forces maritimes chinoises est toujours en cours et devrait encore prendre quelques années. Là encore, cette montée en puissance offrira aux dirigeants chinois de nouvelles options pour protéger les intérêts de la Chine à l’étranger, ce bien au-delà de l’Asie orientale. 

Affrontements frontaliers avec l’Inde : dans l’ombre des États-Unis

Mathieu Duchâtel, directeur de notre programme Asie, s’est plongé dans l’interprétation que fait la Chine des affrontements frontaliers qui ont fait éruption au printemps dernier dans le Ladakh. Les sources chinoises traduites pour ce second article partagent de fortes similarités, au premier rang desquelles les aspects du conflit qu’elles prennent soin de ne pas traiter. Les experts chinois décrivent les affrontements avec l’Inde comme une "lutte entre volontés stratégiques" et adoptent une perspective stratégique large. L’enjeu relève selon eux d’une question d’équilibre des pouvoirs et la Chine doit démontrer sa détermination et ses capacités à l’Inde et aux États-Unis. Malgré les nuances qui distinguent les différents experts, l’impression générale qui se dégage de leurs analyses est que la Chine considère qu’elle peut se permettre une détérioration à long terme de ses relations avec l’Inde. 

La connexion russe : l’impératif stratégique plus fort que les frictions

Viviana Zhu, chargée d’études au sein de notre programme Asie, s’est intéressée aux débats chinois portant sur la coopération militaire entre la Chine et la Russie. Tous les observateurs se demandent si la coopération sino-russe en matière de défense peut résister à la transformation de la Chine en concurrent très sérieux de la Russie sur les marchés d’exportation. Si on ajoute à cette équation l’implication de la Russie dans la modernisation de la défense indienne, la question qui se pose est celle d’un possible essoufflement du partenariat militaire qui lie la Chine à la Russie. La réponse des experts chinois à cette question est catégorique et négative : selon eux, les intérêts stratégiques sont tels que d’inévitables frictions liées à la question des transferts de technologies et les éléments de concurrence dans l’équilibre militaire entre les deux pays ne feront pas dérailler leur partenariat. 

Copyrights :
Amphibious capacities: the Taiwan Strait scenarios: © Mark Schiefelbein / POOL / AFP
The border clashes with India: in the shadow of the US © Mohd Arhaan ARCHER / AFP
The Russian Connection: Strategy Over Frictions © FLORENCE LO / AFP

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