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Primaire de la gauche
Le grand décryptage

Le chiffrage ne permet pas à lui seul de comparer les propositions des candidats. Elles doivent également s'apprécier au regard de leur mise en oeuvre, de leur historique et d'une comparaison internationale.

CandidatPropositionChiffrage *Détail

Benoît
Hamon
Réforme de l’impôt sur le revenu : individualisation, fusion avec la CSG et augmentation du nombre de tranches
Impact incertain (+19 Md€ par an au titre de l'individualisation) Chiffrage
et faisabilité

Arnaud
Montebourg
Annulation progressive des hausses d’impôt de ces cinq dernières années sur les revenus du travail des classes moyennes et populaires, notamment par la mise en place d’une CSG progressive
+ 10 Md€ (compensés par une baisse du CICE) Chiffrage
et faisabilité

Vincent
Peillon
Création d’un bouclier fiscal pour les plus modestes + 1,2 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Manuel
Valls
Défiscalisation des heures supplémentaires + 4,5 Md€ à horizon 2020 Chiffrage
et faisabilité


*+XX Md€ correspond à une dépense supplémentaire ou une diminution des recettes
-XX Md€ correspond à des économies ou des recettes supplémentaires

Quels enjeux pour ces propositions ?

Les candidats avancent tous des mesures qui concernent la fiscalité des ménages, essentiellement sur l’impôt sur le revenu. Ces propositions s’inscrivent dans le cadre d’un débat important sur le niveau d’imposition en France. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 44,7 % du PIB en 2015 contre 40,3 % en moyenne dans la zone euro, la France présente le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de la zone euro.

Benoît Hamon propose l’individualisation de l’impôt sur le revenu (IR), c’est-à-dire le passage d’un impôt calculé au niveau des ménages à un impôt individuel, mais également la fusion avec la CSG (contribution sociale généralisée) et le renforcement du caractère progressif de cet impôt par l’augmentation du nombre de tranches.

Arnaud Montebourg propose quant à lui l’annulation progressive des hausses d’impôt survenues ces cinq dernières années sur les revenus du travail des classes moyennes et populaires. Il propose pour ce faire d’instaurer une CSG progressive.

Vincent Peillon propose de créer un bouclier fiscal pour les plus modestes.

Manuel Valls, enfin, propose la défiscalisation des heures supplémentaires dans le cadre plus général d’une baisse d’impôts pour les classes moyennes et populaires, une mesure qui s’apparente à un rétablissement de la loi "travail emploi, pouvoir d’achat", dite loi TEPA (du 21 aout 2007), mise en place sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Déjà appliquées ? proposées ?

L’impôt sur le revenu, depuis sa création en 1914, n’a jamais été mis en place selon une logique individuelle. Il relève d’une logique d’imposition par foyer. Le mécanisme tel qu’il existe actuellement date de la réforme de l’impôt sur le revenu intervenue en 1946, dans un objectif d’incitation à la natalité. La proposition de l’individualisation est récurrente en France et a notamment été avancée par l’économiste Thomas Piketty dans le cadre d’une réforme fiscale de grande ampleur.

La fusion avec la CSG n’a jamais été mise en œuvre en France. Cet impôt n’a, en outre, pas été modifié sous le quinquennat précédent. L’assiette de l’IR a, au contraire, eu plutôt tendance à s’amoindrir avec la multiplication des niches fiscales.

Le barème de l’impôt sur le revenu a connu des évolutions nombreuses depuis sa création. Le nombre de tranches a diminué. En 1998, l’IR était constitué de 7 tranches (contre 5 aujourd’hui) et la dernière tranche avait un taux d’imposition de 54 %. Le nombre de tranches a ensuite diminué et les taux ont été abaissés.

La création d’un bouclier fiscal pour les plus modestes n’a jamais été appliquée en France en tant que telle. Néanmoins, les mécanismes d’exonération fiscale des faibles revenus s’apparentent à la proposition de Vincent Peillon.

La défiscalisation des heures supplémentaires a déjà été appliquée en France entre 2007 et 2012. La loi "travail emploi, pouvoir d’achat" (dite loi TEPA) du 21 août 2007 a mis en place une défiscalisation des heures supplémentaires, ainsi que des allègements de charges significatifs. Cette mesure avait en année pleine (2010) un coût annuel de 4,4 Md€ pour les finances publiques. Elle a été abrogée par le nouveau Gouvernement en 2012.

Enfin, l’imposition sur le revenu a connu des évolutions importantes au cours du quinquennat précédent. Au début du quinquennat, l’impôt sur le revenu a ainsi fait l’objet d’augmentations importantes, l’objectif du Gouvernement étant alors de réduire le déficit public par une hausse des recettes. Les réformes alors mises en place (gel du barème, création d’une nouvelle tranche supérieure d’imposition) ont ainsi eu pour effet de faire passer le rendement de l’impôt sur le revenu de 59,5 Md€ en 2012 à 68,6 Md€ en 2013.

Déjà testées à l'étranger ?

En Europe, de très nombreux pays proposent un système d’imposition individuelle intégral (Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Autriche, Grèce, Hongrie, Italie, Suède, etc.). Dans ces pays, l’imposition individuelle a souvent simplifié la mise en place du prélèvement à la source. En Allemagne, Espagne ou Pologne le choix est offert aux époux d’une imposition conjointe ou individuelle de leurs revenus. Peu de pays ont mis en place un système d’imposition conjugal généralisé comme en France : seuls le Luxembourg, le Portugal et la Suisse présentent un système similaire. Dans la période récente, on observe une tendance à l’individualisation de l’impôt sur le revenu, plusieurs pays ayant abandonné le système de conjugalisation au profit d’une individualisation (Suède en 1971, Royaume-Uni en 1990).

En Allemagne, le Gouvernement a annoncé pour 2017 et 2018 des baisses d’impôt très importantes (2 Md€ pour 2017, jusqu’à 15 Md€ à partir de 2018) mais dans un contexte de comptes publics en excédent. Avec un déficit public de 3,5 % du PIB en 2015, et une prévision de déficit en 2017 de 2,7 %, la France se situe donc dans une situation très différente.

Les baisses d’impôt ont un effet direct et certain sur les recettes publiques. Si elles ne sont pas compensées ou financées, elles ont donc un impact direct sur le déficit public. Pour cette raison, de nombreux pays font le choix de ne pratiquer des baisses d’impôt que lorsqu’ils ont recouvré des marges de manœuvre budgétaire.

Comment les mettre en oeuvre ?

Les réformes de la fiscalité des ménages proposées par les candidats pourront être mises en œuvre par le biais d’une loi de finances. L’ensemble des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu seront concernés par de telles mesures. Tous les ménages ne s’acquittent cependant pas de l’IR : seuls 46 % des 37,4 millions de ménages payent l’IR en France.

La CSG progressive voulue proposée par Arnaud Montebourg devrait concerner les salariés dont les salaires se situent entre 1 et 1,5 SMIC.

Environ 3,8 millions de foyers fiscaux dont les revenus sont inférieurs à 17 850€ bénéficieraient de la mesure proposée par Vincent Peillon.

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