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Valérie Pécresse
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BIOGRAPHIE

Valérie Pécresse est haut fonctionnaire et une femme politique française. Elle est la candidate des Républicains à l’élection présidentielle de 2022.


Née en 1967, elle est diplômée d’HEC (promotion 1988) et de l’ENA en 1992 (promotion Condorcet). Elle entre ensuite au Conseil d’État en 1992 et y restera jusqu’en 2015. Elle enseigne également à Sciences Po Paris de 1992 à 1998.

En 2002, elle est élue députée de la deuxième circonscription des Yvelines. Elle est réélue en 2012 mais abandonne son mandat en 2016 après avoir été élue présidente du conseil régional d’Île-de-France en 2015, où elle est réélue en 2021.

En 2007, elle est nommée ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au sein du gouvernement Fillon jusqu’en 2011. Elle est ensuite nommée ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État et porte-parole du troisième gouvernement Fillon jusqu’en 2012.

Elle fonde le mouvement Soyons libres en 2017 et quitte le parti Les Républicains en 2019. En juillet 2021, elle se déclare candidate à une éventuelle primaire de la droite qu’elle remporte finalement face à Eric Ciotti au second tour et avec 60,95 % des suffrages exprimés.

Depuis le 4 décembre 2021, elle remporte la primaire de la droite et devient la candidate des Républicains à l’élection présidentielle de 2022.
Site de campagne

Instaurer une taxe carbone aux frontières de l'Europe

« Je militerai pour instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne afin de protéger nos emplois contre le dumping social et environnemental ».

Source : Programme Pécresse 2022

Estimation
Coût
Par l'Institut Montaigne
Précision
Par la candidate
Positif.
Processus d’adoption long mais déjà engagé, mise en œuvre techniquement complexe, risque juridique vis-à-vis de l’OMC et risque de mesures de rétorsion commerciale, effets défavorables sur certains secteurs de l’économie et certains groupes de ménages, négociations complexes entre pays européens affectés différemment.

Valérie Pécresse n’a pas encore explicité comment cette mesure fonctionnerait, deux grandes options étant envisageables :

  • L’option à laquelle la Commission européenne travaille déjà (le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – MACF), consistant à instaurer, pour un bien donné, un sur-tarif douanier dont le montant correspondrait à la différence entre le prix carbone que coûterait ce bien s’il avait été produit au sein de l’UE et celui déjà payé par l’exportateur en raison de la législation en vigueur dans le pays de production (cf. ci-dessous) (1);
  • Une option moins discriminante, qui viserait à appliquer un tarif douanier uniforme s’appliquant à tous les pays dont les engagements environnementaux ne correspondent pas aux objectifs fixés par l’Accord de Paris (2).

La nécessité d’une tarification carbone fait consensus chez les économistes pour contenir les émissions carbonées suffisamment pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. La mesure d’une taxe carbone aux frontières, d’abord proposée à droite par Michel Barnier lors de la primaire avant d’être reprise dans le programme de Valérie Pécresse, aurait en théorie un effet positif en matière de lutte contre le changement climatique en incitant davantage d’États à introduire une tarification carbone similaire à celle de l’UE tout en limitant les émissions importées par l’UE. Elle pourrait toutefois avoir des effets négatifs sur certains secteurs productifs et groupes de ménages, et sera complexe à mettre en œuvre, tant à l’échelle européenne qu’internationale (conformité avec les règles de l’OMC).

Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat

La mise en place d’une « taxe carbone aux frontières de l’UE », comprise comme suivant le modèle du MACF proposé par la Commission européenne, induirait des effets de plusieurs ordres :

  • Un effet a priori positif sur la réduction des émissions globales de CO2 (réduction des « fuites de carbone », c’est à dire de la délocalisation des activités productives fortement émettrices en dehors du marché unique, vers des économies ne taxant pas ou moins les émissions de carbone), l’UE étant aujourd’hui le premier importateur mondial d’émissions de carbone ;
  • Un effet ambigu sur la compétitivité des entreprises françaises : gain de compétitivité pour certains secteurs via un rééquilibrage de la concurrence par rapport aux entreprises extra-européennes bénéficiant de coût carbone moindre, toutefois contrebalancé par un renchérissement des intrants importés par les producteurs européens (l’acier par exemple), ce qui risque de pénaliser en priorité le secteur industriel (industrie automobile par exemple) mais aussi les secteurs qui utilisent ces consommations intermédiaires ou biens d’équipement (notamment la construction, l’agriculture, les transports) qui verraient leurs coûts augmenter ;
  • Un effet négatif sur le pouvoir d’achat moyen des ménages (renchérissement des importations extra-européennes, qui sera plus marqué dans les domaines où l’UE est la plus dépendante de ces importations), avec des incidences différentes selon le revenu des ménages mais aussi leur secteur d’emploi ;
  • De possibles tensions entre pays européens affectés de manière différenciée par la mesure ;
  • Un effet incertain sur les relations commerciales et diplomatiques de l’UE (risque de mesures commerciales de rétorsion et de litiges devant l’OMC pouvant affaiblir cette institution déjà fragile).

L’impact budgétaire serait indirect, sans doute négatif mais d’ampleur incertaine, et son calendrier est incertain (il pourrait pleinement se matérialiser rapidement, ou avec plusieurs années de décalage selon les modalités de mise en œuvre). La recette de la taxe viendrait en toute logique alimenter les ressources propres de l’UE, notamment pour financer le plan de relance européen, se substituant à des transferts budgétaires en provenance des États. En revanche, la mesure aurait des effets indirects négatifs sur les recettes publiques, du fait d’un effet globalement négatif sur l’activité, auquel s’ajouteraient les conséquences d’éventuelles rétorsions commerciales. En outre, les mesures de compensation qui pourraient s’avérer nécessaires au bénéfice des ménages et secteurs les plus affectés représenteront un coût supplémentaire, difficile à mesurer.

L’impact budgétaire, bien que négatif car la mesure constitue une contrainte sur l’offre économique, doit être comparé aux coûts également incertains mais potentiellement importants qu’induirait un scénario alternatif de poursuite d’objectifs de décarbonatation ambitieux sans traitement des émissions importées (conduisant à des pertes de compétitivité croissante sans améliorer l’empreinte carbone de l’UE). Par ailleurs, le coût budgétaire pourrait s’atténuer dans le temps sous l’effet de la diffusion des technologies moins émettrices.

(1) Site de la Commission européenne, 14 janvier 2022.

(2) Cette idée a d’abord été formulée par le Prix Nobel d’économie William Nordhaus en 2015.

Selon Bellora et Fontagné (2021) (3), la mise en place du MACF tel que proposé aujourd’hui par la Commission européenne aurait pour effet une réduction de 15 % des fuites carbone de l’Union européenne, avec un effet macroéconomique quasiment nul par ailleurs (-0,1 % de PIB à l’échelle de l’UE, -0,2 % de la consommation totale). Les exportateurs européens seraient pénalisés par le renchérissement de leurs consommations intermédiaires importées, avec une diminution de 1,5 % des exportations. Les effets sur l’émission globale de gaz à effet de serre seraient faibles (-0,4 %) dans la mesure où les grandes économies mondiales, peu dépendantes de leurs exportations, ne verraient probablement pas dans cette mesure une incitation forte à adapter une tarification carbone similaire à celle en vigueur au sein de l’UE.

Selon les estimations de la Commission européenne, la mise en place du MACF rapporterait environ 1,3Md€ par an (soit moins de 0,01 % du PIB de l’UE), dont 1Md€ servirait à alimenter chaque année le budget européen en tant que nouvelle ressource propre.

Ces chiffrages préliminaires, par construction fragiles, doivent être complétés par une analyse des effets différenciés par secteurs et groupes de ménages. En effet, plusieurs secteurs vont être affectés négativement, plus ou moins directement par la hausse des coûts des entrants (ou par d’éventuelles mesures de rétorsions par des partenaires commerciaux de l’UE). De même, plusieurs groupes de ménages seraient affectés par la mesure, soit à travers leur activité professionnelle, soit à travers leur consommation. Ainsi, 74 % de la consommation des ménages est d’origine importée, et cette moyenne est plus élevée pour les ménages modestes (4).

De manière générale, le chiffrage des effets d’une taxe carbone aux frontières de l’UE est extrêmement incertain à ce stade, dans la mesure où les coûts et bénéfices pour les entreprises européennes et les consommateurs dépendront étroitement du périmètre des marchandises visées par la mesure, de la manière de calculer la taxe et des éventuelles mesures de rétorsion commerciales adoptées par d’autres pays. Valérie Pécresse, qui n’a pas précisé le périmètre de la mesure qu’elle propose, n’avance ainsi aucun chiffrage.

Historique de la mesure

Cette mesure n’a jamais été mise en œuvre en France ou dans l’Union européenne.

Benchmark

L’idée d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) du marché unique de l’Union européenne n’est pas nouvelle. Afin de décliner ses objectifs rehaussés en matières climatique et environnementale (réduction de 55 % des émissions carbone par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030, neutralité pour le climat d’ici 2050), la Commission européenne, sous l’impulsion notamment de la France, a présenté en juillet 2021 un train de mesures, au nombre desquels figure déjà le MACF. Le texte est actuellement en cours d’examen au Parlement européen, avant d’être examiné par le Conseil de l’UE dans le cadre de la procédure législative ordinaire (PLO). La France espère que cette mesure sera définitivement adoptée avant la fin de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, soit d’ici juin 2022.

Ce mécanisme fonctionnerait comme une surtaxe douanière (prenant la forme d’un achat de certificat par l’importateur) s’appliquant à une marchandise importée, équivalent au prix du carbone qu’une entreprise européenne aurait dû payer pour produire la même marchandise sur le territoire d’un État membre (y compris en comptant l’énergie consommée pour la production d’une telle marchandise).

La mise en œuvre de ce système se ferait graduellement par l’arrêt progressif de l’allocation gratuite de droits d’émission (au sein du « système d’échange des quotas d’émissions » – SEQE) aux secteurs en bénéficiant aujourd’hui afin de ne pas être pénalisés par le prix du carbone au sein de l’UE par rapport à la concurrence internationale.

La Commission européenne prévoit dans un premier temps (à partir de 2026) que ce système ne s’applique que pour les secteurs d’importation où le risque de fuite carbone est particulièrement élevé ; ciment, engrais, acier, fer, aluminium et électricité.

Ce mécanisme, de par l’ampleur des secteurs du marché unique couverts, serait le premier en son genre. D’autres États, comme le Canada (avec les Ajustements à la frontière pour le carbone – AFC) ou le Japon ont également lancé une réflexion pour la mise en place de systèmes similaires.

Mise en œuvre

La première étape consistera pour l’UE à adopter un texte législatif actant la création de ce mécanisme. Les discussions à Bruxelles entre le Parlement et le Conseil de l’UE devraient également tenir compte des préoccupations des grandes industries européennes, pour lesquelles la perspective conjointe d’un renchérissement des intrants d’une part et de la suppression à terme de l’allocation gratuite de droits d’émission d’autre part devrait être synonyme de perte de compétitivité. La question d’une compensation pour ces secteurs, financée à partir des recettes tarifaires dégagées par ce mécanisme, demeure ouverte. Les États européens étant affectés de manière différente par la mesure, selon les modalités et le périmètre choisis, la décision finale fera l’objet de négociations entre gouvernements. À cet égard, le gouvernement français, s’il soutient une taxe aux frontières ambitieuse, pourrait devoir faire des concessions sur d’autres dossiers également prioritaires.

Dans un deuxième temps, l’UE devra prouver devant l’OMC que ce mécanisme respecte les règles internationales du libre-échange. En effet, la mise en place de cette mesure se ferait au détriment des importateurs venant de pays où la tarification carbone imposée aux entreprises est moindre – à titre d’exemple, la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) estime que les exportations des pays en voie de développement diminueraient de 1,4 % avec cette mesure, dans un scénario où la tonne de carbone coûte 44$.

Ces États extra-européens, qui estiment que le MACF est une mesure protectionniste ne respectant pas le concept clef de « responsabilité commune mais différenciée » dans la répartition de l’effort international contre le changement climatique, pourraient introduire des recours devant l’Organisation mondiale du commerce. Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE serait dès lors jugé conforme au cadre de l’OMC à condition de respecter les grands principes de libre-échange fixés par cette organisation (non-discrimination, préférence pour les taxes indirectes – sur les biens – plutôt que directes – sur les producteurs), ce qui présupposerait possiblement une mise en convergence préalable des politiques de tarification du carbone entre États membres de l’UE.

Une alternative serait que la Commission de l’UE démontre que le MACF correspond à une mesure de protection de la santé des êtres humains, de la faune et de la flore ou participe à la conservation d’une ressource naturelle épuisable, auquel cas ce mécanisme pourrait bénéficier d’un régime d’exception générale au titre de l’article XX du GATT (5).

Enfin, l’UE pourrait faire face à des mesures de rétorsion commerciale de la part des économies non européennes les plus affectées par ce mécanisme – la Russie laisse déjà planer cette possibilité. Un investissement diplomatique serait ainsi nécessaire afin d’éviter de telles réactions, qui pourraient renchérir le coût de cette mesure pour les entreprises et les consommateurs, et compliquer la négociation entre pays européens.

(3) Bellora, Cecilia et Fotagné, Lionel, La Lettre du CEPI n°415 (février 2021).

(4) Insee, 2019, « Le « made in France » : 81 % de la consommation totale des ménages, mais 36 % seulement de celle des biens manufacturés« .

(5) Cf. Parra Ramirez, Kevin, Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : quelles voies possibles ?, Focus n°059-2021 du Conseil d’analyse économique (avril 2021), pp9-12.

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