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Marine Le Pen
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BIOGRAPHIE

Marine Le Pen est une avocate et femme politique française. Elle est la candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle de 2022.


Née en 1968, elle est diplômée d’une maîtrise de droit et d’un DEA de droit pénal de l’Université Panthéon-Assas. Elle devient avocate au barreau de Paris en 1992. En 1998, elle pilote la création du service juridique du Front national, parti fondé par son père Jean-Marie Le Pen.

Elle est élue conseillère régionale de la région Nord-Pas-de-Calais et occupe ce poste de 1998 à 2004 puis de 2010 à 2015. Elle est également élue conseillère régionale d’Île-de-France entre 2004 et 2010, puis conseillère régionale des Hauts-de-France de 2016 à 2021. Elle est députée de la circonscription du Pas-de-Calais depuis 2017. En 2004, elle est élue députée européenne puis réélue en 2009 et en 2014.

En 2007, elle prend en charge la direction stratégique de la campagne à l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen  et en 2011, elle lui succède à la direction du parti. Elle se présente à l’élection présidentielle d’abord en 2012, puis en 2017 où elle atteint le second tour face à Emmanuel Macron. En 2018, le Front national devient le Rassemblement national.

En janvier 2020, elle annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 et renonce en juillet 2021 à la direction du parti pour se consacrer à sa campagne.
Site de campagne

Réformer la politique de l’asile

« Je réformerai la politique de l’asile qui coûte une fortune à notre pays : les demandes d’asile seront faites depuis les ambassades de France à l’étranger ».

Source : Twitter

Estimation
Économie par an
Par l'Institut Montaigne
1,6 Md€
1 Md€ estimation basse
2,5 Md€ estimation haute
Précision
Par la candidate
Pour faire voter au référendum le projet de loi envisagé, contenant des modifications législatives et une révision constitutionnelle, la candidate devra suivre les procédures d’adoption, relativement longues, décrites aux articles 11 et 89 de la Constitution.

La réforme du droit d’asile est un axe phare du programme de la candidate du Rassemblement National à l’élection présidentielle. Marine Le Pen considère que le droit d’asile a été trop largement assoupli et détourné de ses objectifs originels. Elle estime que la procédure du droit d’asile est devenue l’une des voies principales de l’immigration illégale en France du fait des demandeurs déboutés qui demeurent sur le territoire (1).

Elle propose donc de durcir les modalités de présentation d’une demande d’asile et d’octroi du statut de réfugié, en instaurant notamment l’obligation de déposer la demande dans les services des ambassades et consulats français à l’étranger (2). Pour l’application de cette mesure, elle prévoit de signer des accords avec des États sur lesquels seront accueillis les demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur dossier. Marine Le Pen envisage d’inscrire ces nouvelles modalités dans la Constitution, en faisant voter une révision constitutionnelle par la voie du referendum.

La mesure de la candidate provient du fait qu’un nombre important de demandeurs d’asile déboutés restent souvent sur le territoire. En 2015, la Cour des comptes estimait que 96 % des personnes déboutées resteraient en France (3) à cause d’un taux d’exécution très faible des OQTF (obligations de quitter le territoire) et des recours engagés par les demandeurs d’asile.

Cependant, ce chiffre ne prend pas en compte les régularisations postérieures des demandeurs d’asile et ceux partis volontairement. Selon la Direction générale des étrangers en France, il est difficile de savoir combien de déboutés de l’asile restent en France (4). En 2019, 152 000 mesures d’éloignement (qui ne concernent pas seulement les déboutés de l’asile) ont été prononcées, dont 12,5 % ont été exécutées de force. Un pourcentage qui monte à 20 % si on y ajoute les départs sans recours à la force (5). Les éloignements forcés ont par ailleurs cru ces dernières années, augmentant de 41 % entre 2012 et 2019 (6). Comme le note la Cour des comptes dans son rapport de 2020 (7), les services français compétents rencontrent des freins objectifs à la reconduction qui correspondent, dans bien des cas, à des impasses juridiques du fait de la souveraineté des États d’origine ou des droits protégés. Or les demandes d’asile représentent approximativement la moitié des premiers titres d’entrée sur le territoire et en moyenne un peu moins de quatre cinquièmes des demandes sont déboutées (8).

Le droit d’asile est un droit fondamental reconnu par la Constitution française de 1958, la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 et la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Cette dernière, complétée par le Protocole de New York de 1967, consacre les bases juridiques de la protection internationale des réfugiés. Elle proclame notamment le principe de non-refoulement qui interdit aux États de renvoyer des personnes arrivant sur leur territoire, légalement ou non, vers un pays où elles risqueraient d’être persécutées.

En France, en 2020, 93 264 demandes d’asile ont été enregistrées en guichets uniques pour demandeurs d’asiles (GUDA) (9). Ce chiffre, en baisse de 41 % par rapport à 2019, n’est pas représentatif de l’étendue de l’asile en France car la crise sanitaire liée à le Covid-19 a entrainé une baisse des flux migratoires à destination de la France et de l’Europe en 2020 et 2021. Selon le gouvernement, la levée progressive des restrictions devrait conduire à une augmentation de 10 % des demandes d’asiles en 2022 par rapport à 2019, où plus de 150 000 demandes de protection internationale ont été déposées (10). Concernant la part de l’asile dans l’immigration française, sur les 5,1 millions d’étrangers résidants en France au 1er janvier 2020, on compte 308 600 personnes sous la protection de l’Ofpra (statut de réfugié ou protection subsidiaire), soit 6,2 % des étrangers.

Au cours de leur séjour en France, les demandeurs d’asile bénéficient de divers moyens de subsistance comprenant notamment une allocation financière, un hébergement, un accès aux soins de base ainsi qu’une scolarisation de leurs enfants. Celles-ci sont comprises dans le budget de l’État alloué à l’asile qui inclut également les frais de fonctionnement des autorités administratives et judiciaires en charge des procédures de demande d’asile. Au regard notamment de ce qui est alloué chaque année par l’État à sa politique d’asile dans la loi de finances (1,2 Md€ pour 2022) et de l’estimation faite par la Cour des comptes du coût des demandeurs déboutés qui demeurent sur le territoire (1 Md€), le coût total de l’asile en France est environ de 2 Md€. La réforme de la candidate n’empêchera cependant pas la France de prendre en charge les demandeurs d’asile hébergés dans les pays tiers, ce qui implique de nouvelles dépenses que nous pouvons estimer à 0,6 Md€. Les économies potentiellement générées par cette réforme de l’asile varieraient donc entre 1 et 2,5 Md€ par an.

Aléas du chiffrage et difficultés de mise en œuvre des mesures

Premièrement, la réduction estimée du budget de l’asile ne prend pas en compte les nouvelles dépenses qui résulteront des accords signés avec les pays tiers pour héberger les demandeurs d’asile sur leur sol. Outre les réticences fort probables des États tiers d’accueillir les demandeurs d’asile sur leur territoire, qui risquent au mieux de déboucher sur des contreparties financières importantes, l’expérience australienne nous donne une idée relativement coûteuse de l’externalisation de l’asile : le pays ayant délocalisé ses procédures d’asile dans des îles voisines souveraines aurait dépensé autour de 0,6 Md€ par an pour la gestion et l’hébergement de quelques milliers de réfugiés annuels, contre plus de 100 000 chaque année en France.

Deuxièmement, la mise en pratique de ces mesures drastiques sur la gestion des demandes d’asile vont se heurter à de nombreux obstacles d’ordre juridique et pratique :

D’une part, les révisions constitutionnelles en France répondent à une procédure relativement lourde fixée à l’article 89 de la Constitution, qui exige l’assentiment des 3/5e du Parlement réuni en congrès avant d’être soumises au referendum. Si la candidate peut tenter de contourner l’accord du Parlement et du Conseil constitutionnel en passant par l’article 11 de la Constitution, relatif aux projets de loi référendaires, cette démarche n’est pas garantie au regard des controverses entourant l’usage de cet article pour des révisions constitutionnelles, plus jamais utilisé à cet effet depuis le Général De Gaulle.

D’autre part, la marge de manœuvre de la France sur ces sujets est contrainte par les traités internationaux qu’elle a signés et les obligations qui en découlent. Parmi elles, l’obligation de non refoulement inscrite dans la Convention de Genève de 1951 empêcherait en théorie la France de refouler des personnes arrivant sur son territoire pour demander l’asile afin qu’elles repartent pour déposer leur dossier dans leur pays ou dans des pays tiers, si ces pays sont à risque.

Néanmoins, il convient d’observer que la mesure proposée par Marine Le Pen ne s’éloigne pas considérablement de la politique d’asile vers laquelle tend l’Union Européenne. En effet, l’organisation communautaire cherche depuis longtemps, et plus sérieusement depuis 2015, à externaliser ses procédures d’asile afin de limiter le flux de migrants pénétrants les frontières de l’Union (cf. Partie Benchmark comparatif). En proposant d’instaurer une telle politique à l’échelle nationale, Marine Le Pen accélèrerait sans doute le processus européen mais conduirait une réforme solitaire qui serait moins efficace qu’un processus commun négocié à l’échelle communautaire. La candidate risque par ailleurs de se heurter au cadre réglementaire européen qui protège les migrants qui arrivent sur le territoire européen et respecte encore, dans une certaine mesure (11), le principe de non-refoulement.

Impact macroéconomique

Les modalités et procédures d’accueil liées à la politique du droit d’asile n’influe que très peu sur l’économie structurelle du pays.

(1) Projet pour la France de Marine Le Pen : Contrôler l’immigration, Livret thématique présentant les principales mesures du programme présidentiel en matière d’immigration, 2021.

(2) Aujourd’hui, il n’est possible de déposer des demandes d’asile que sur le territoire français. Depuis l’étranger, les demandeurs peuvent solliciter un visa au titre de l’asile auprès des autorités diplomatiques françaises de leur lieu de résidence, qui leur permettra de rejoindre la France pour y déposer leur demande.

(3) Référé de la Cour des comptes du 30 juillet 2015 relatif à l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile.

(4) France info, Désintox. Non, il n’y a pas 95% de demandeurs d’asile déboutés qui restent sur le sol français, 21/09/2021.

(5) Ministère de l’intérieur, Les chiffres clés de l’immigration 2019, p.76-77.

(6) Ressources du ministère de l’intérieur, Mesures exécutées.

(7) Rapport public thématique de la Cour des Comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, Avril 2020.

(8) Ibid. Calcul à partir des données pages 43 et 53 notamment.

(9) Les guichets uniques pour demandeurs d’asiles (GUDA) ont été mis en place par la réforme de novembre 2016 qui institue ces nouveaux espaces réunissant les services de la préfecture et de l’OFII afin de centraliser les demandes et simplifier la coopération entre les différentes autorités en charge de l’asile en France.

(10) Ministère de l’intérieur, Les chiffres clés de l’immigration 2020.

(11) Le principe de non-refoulement en droit de l’UE : analyse des conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-391/16 concernant la validité de la directive 2011/95/UE à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH.

Le coût de l’asile en France

Pour estimer les économies que pourrait générer une telle réforme, la référence la plus fiable est sans doute le budget alloué chaque année par l’État, dans la loi de finance, à la mission « Immigration, asile et intégration » qui constitue la clé de voûte du financement des politiques publiques intéressant les étrangers, bien qu’elle ne recouvre pas la totalité des dépenses engagées par l’État dans ce domaine. Dans le projet de loi de finances pour 2022, les crédits demandés pour le Ministère de l’intérieur et ses opérateurs au titre de cette mission s’établissent à près de 2 Md€ (12), en progression de 8,5 % par rapport aux crédits figurant dans la loi de finance initiale (LFI) pour 2021. Au sein de cette mission, la majorité des crédits sont alloués au Programme 303 « Immigration et asile » qui représente environ 1,6 Md€, en progression de 18 % par rapport à la LFI 2021. Les montants de la mission sont en progression constante depuis 2012 et ont augmenté d’environ 50 % depuis 2017 (13). L’asile explique un tiers de cette progression.

La politique d’asile fait l’objet de dépenses spécifiques, dont notamment une ligne de crédits intitulée « Garantie de l’exercice du droit d’asile » incluse dans les actions du Programme 303. Cette action finance les lieux d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) qui instruit les demandes d’asile. Pour 2022, elle s’élève à 1,3 Md€.

Tableau 1 : Evolution des crédits de paiement du programme 303 par actions (en millions d’euros) (14)

Action 1 Circulation des étrangers et politique des visas Action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile Action 3
Lutte contre l’immigration irrégulière
Action 4
Soutien
Total des crédits examinés
2017 (exécutés) 0,6 1 136 76,1 25,4 1 238
2018 (exécutés) 0 1 109,5 100,9 41,4 1 252
2019 (exécutés) 0 1 287,9 109,3 29,9 1 427
2020 (exécutés) 0,6 1 292,1 102,5 2,9 1 398,1
LFI 2021 0,52 1 276,8 127,9 5,7 1 410,9
PLF 2022 0,52 1 311,4 143,9 5,7 1 461,5
Variation 2017-2022 – 13,3 % + 15,4 % + 89,1 % – 19,7 % + 18,05 %

Comme le montre le premier tableau, les crédits de paiement de l’action 2 « Garantie du droit d’asile » ont évolué de 15,4 % entre 2017 et 2022.

En 2015, un rapport provisoire de la Cour des comptes révélé par le journal Le Figaro (15) chiffrait le coût global de l’asile à 2 milliards d’euros (16). Au coût des demandeurs d’asile, la Cour ajoute le coût des personnes déboutées, quand elles sortent des radars budgétaires, qu’elle estime à 1 Md€ (17). Ces estimations sont toutefois à prendre avec précaution. La Cour des comptes considère en effet que seulement 1 % des déboutés repartent du territoire. Or le ministère de l’intérieur évalue plutôt cette proportion entre 10 % et 20 %, ce qui réduit conséquemment l’estimation du coût des personnes déboutées (18).

Le budget alloué par l’État français à la politique d’asile comprend différents postes de dépenses. En particulier, à partir du dépôt de leur demande d’asile à la préfecture, les demandeurs d’asile bénéficient des conditions matérielles d’accueil prescrites par la législation européenne. Ces dernières comprennent notamment la perception d’un revenu de subsistance appelé « Allocation pour demandeur d’asile (Ada) » dont la gestion est confiée à l’Ofii. En 2020, le montant moyen d’allocation versé par mois représentait 390 euros par ménage et le coût du pécule sur l’année s’est établi à 171,3 millions d’euros. En septembre 2021, le nombre de bénéficiaires de l’Ada s’élevait à 113 374 en retrait de plus de 30 000 bénéficiaires sur un an. Ainsi, la dépense associée à l’Ada est passée de 314 millions d’euros en 2016 à plus de 500 millions d’euros en 2021 (19).

Les conditions matérielles incluent également l’hébergement. Celui-ci se fait dans le cadre du Dispositif national d’accueil (DNA) qui est constitué de l’ensemble des structures d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, pendant la durée de traitement de leur demande, financées par le ministère de l’Intérieur (20). En l’absence de solution d’hébergement, ils bénéficient d’une majoration de l’Ada. Malgré un doublement des capacités d’accueil depuis 2015, la moitié des demandeurs d’asiles ne sont pas orientés vers un lieu dédié en raison du sous dimensionnement du DNA. Ces dépenses sont principalement inscrites au titre de l’action 15 « Accompagnement des réfugiés » du Programme 104 qui a prévu un peu plus de 90 millions d’euros pour 2022.

Les demandeurs d’asile bénéficient aussi d’un accès privilégié à la couverture maladie universelle (CMU), de base et complémentaire, qui leur ouvre le droit à un remboursement des dépenses de santé par l’assurance maladie française et à des réductions sur les factures de gaz, d’électricité ou de transport. Quand les demandeurs d’asile ne peuvent être affiliés à la sécurité sociale et bénéficier de la CMU, en particulier lorsqu’ils plongent dans la clandestinité après avoir été déboutés, ils peuvent bénéficier de l’aide médicale d’Etat (AME), qui prend en charge les soins médicaux et d’hospitalisation en cas de maladie ou de maternité (21). Par ailleurs, les demandeurs d’asile ont droit à la scolarisation de leurs enfants dès l’âge de 3 ans, qui devient obligatoire de 6 à 16 ans, comme pour tous les enfants français et étrangers vivant en France (22). Le coût de la couverture maladie pour les demandeurs d’asile et la scolarisation de leurs enfants sont difficiles à estimer à partir du budget de l’Etat du fait de leur intégration à des budgets plus généraux qui concernent l’ensemble de la population.

Enfin, les charges de l’État relatives aux demandeurs d’asile vont également concerner les autorités administratives et judiciaires en charge de l’instruction et de la gestion de leurs dossiers. En particulier, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), chargé de statuer sur les demandes d’asile et d’assurer une protection judiciaire et administrative des réfugiés, se voit accorder, comme en 2021, une subvention pour charges de service public d’un peu plus de 90 millions d’euros dans la loi de finances pour 2022, en augmentation de 50 % depuis 2015. Les autres autorités concernées sont notamment les préfectures et la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) rattachée au Conseil d’État depuis 2009.

Une fois régularisés et obtenu le statut de réfugié, les personnes concernées intègrent le droit commun de l’immigration et ne rentrent donc plus, à notre sens, dans la réforme de la politique de l’asile à proprement parler. A titre informatif, les réfugiés statutaires bénéficient notamment de prestations familiales et de l’allocation logement, du droit au minimum vieillesse et à l’allocation adultes handicapés.

Au total, le montant des aides directes qui pourraient être potentiellement diminuées est de l’ordre de 1,25 Md€ (en 2022). En effet, certaines dépenses ne pourraient pas être supprimées malgré cette mesure, comme celles qui correspondraient aux différents frais de structures d’examen des demandes d’asile (lutte contre l’immigration irrégulière, frais de fonctionnement de l’OFPRA et autres frais de fonctionnements) pour un total de l’ordre de 0,25 Md€. Or le montant total de crédits alloués au programme 303 (cf. ci-dessus) est d’environ 1,5 Md€, ce qui conduit à un niveau d’aides directes (principalement représenté par l’ADA et l’hébergement) de 1,25 Md€ environ.

Pour autant, la suppression des dépenses sur le territoire français ne signifie pas qu’il n’y aurait pas des dépenses à financer par ailleurs. Tout d’abord, des frais supplémentaires à destination des représentations diplomatiques françaises à l’étrangers sont à prévoir étant donné que ces dernières vont être dotées de nouvelles fonctions relatives à la réception des demandes d’asile et vont a priori devoir faire face à un afflux considérable de nouvelles demandes. En outre, les dépenses d’hébergement et de coût de la vie devraient toujours être assurées, même si les demandeurs d’asile stationnent dans des pays tiers. A cet égard, la candidate envisage de signer des accords avec des pays tiers afin d’héberger sur leur sol les demandeurs au cours de la procédure de demande d’asile.

A titre de comparaison, les coûts d’hébergement aux frontières de l’Europe correspondent à peu près aux mêmes qu’en France: ainsi, en Italie, les coûts journaliers d’hébergement sont de l’ordre d’une vingtaine d’euros. La Cour des comptes italienne a montré que les coûts totaux pour 2016 de l’accueil et de l’enregistrement des migrants avait représenté 1,7 Md€, pour un nombre de demandeurs d’asile de l’ordre de 120 000. En outre, le coût de l’amélioration des conditions de vie des 40 000 migrants en Grèce est de l’ordre de 275 M€ – à comparer avec les près de 140 000 demandeurs d’asile en France sur les dernières années. Enfin, le coût pour l’Australie de la tenue de camps accueillant les demandeurs d’asile sur des territoires étrangers est estimé à 0,6 Md€ par an (cf. Partie Benchmark comparatif).

Au regard des coûts occasionnés par ces différents pays, les coûts liés à l’accueil des demandeurs d’asile par des pays tiers devrait donc être pris en charge par la France. Une hypothèse médiane correspond à une prise en charge par la France de l’ordre de la moitié des coûts directs occasionnés en France, soit 0,6 Md€.

Estimation des économies

Au bout du compte, pour une estimation approximative du coût de l’asile en France, nous pouvons retenir en premier lieu les prévisions du gouvernement sur ses dépenses directes en matière d’asile inscrites dans la loi de finances en déduisant les différents frais de structures d’examen des demandes d’asile, ce qui nous conduit à un budget de 1,25 Md€. Une estimation moyenne des coûts qui devraient être pris en charge par la France en contrepartie du transfert de l’accueil des demandeurs à d’autres pays serait de la moitié de ces 1,25 Md€, soit environ 0,6 Md€. Un scénario haut correspond à un coût transféré aux autres pays identique au coût observé en France aujourd’hui et un scénario bas correspond à une absence de prise en charge des coûts par la France. A cela nous pouvons ajouter, avec vigilance, l’estimation de la Cour des comptes sur le coût des personnes déboutées de 1 Md€, potentiellement majorée depuis 2015 du fait de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile. Un chiffrage approximatif nous conduit à une estimation variant entre 1 et 2,5 Md€ de dépenses à destination des demandeurs d’asile en France, avec une estimation médiane à 1,6 Md€.

Historique de la mesure

En France, le principe du droit d’asile est consacré à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans le Préambule de la Constitution française de 1946, partie intégrante de la Constitution de 1958 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République« . Depuis, plusieurs lois sont venues fixer le cadre de l’exercice de ce droit mais jamais des restrictions aussi fortes que celles proposées par la candidate du Rassemblement National n’ont été imposées. Au total, vingt-huit lois sur l’immigration et l’asile ont été promulguées depuis 1980 en France.

En premier lieu, la loi du 25 juillet 1952, qui fixe les conditions d’application en droit interne français de la Convention de Genève de 1951, dote la France d’un système national chargé d’examiner les demandes d’asile. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est alors l’organe administratif chargé de cet examen et la Commission de recours des réfugiés (CRR), devenue depuis 2007 la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juge des recours qui lui sont soumis à la suite d’un rejet de l’OFPRA. A la chute du Mur de Berlin et le développement de nouvelles persécutions perpétrées par des organisations non-étatiques, la loi du 11 mai 1998 introduit en droit français la notion d’asile territorial. Celui-ci peut être accordé par le ministre de l’intérieur, après consultation du ministre des affaires étrangères, à un étranger s’il établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays. La loi du 10 décembre 2003 substitue à la notion d’asile territorial celle de protection subsidiaire. Celle-ci est dorénavant accordée aux personnes menacées dans leur pays d’origine de peine de mort, de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi qu’en cas de violences résultant d’un conflit armé interne ou international. Enfin, cette loi introduit la notion de pays d’origine sûr qui tend à présumer du caractère infondé de certaines demandes d’asile ; une notion fortement critiquée, notamment par le CNCDH qui la considère contraire aux dispositions de la Convention de Genève.

En 2013, face à la complexification du système d’asile français (mauvaises conditions d’accueil, allongement des délais de traitement, saturation des capacités d’hébergement), le gouvernement demande à deux parlementaires, Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, d’organiser une concertation avec tous les acteurs du droit d’asile. Il en ressort une loi de réforme du droit d’asile du 19 juillet 2015. Celle-ci vise, d’une part, à améliorer la protection des personnes en besoin d’une protection internationale et, d’autre part, à permettre d’écarter plus facilement la demande d’asile infondée et de mettre fin au détournement de la procédure d’asile à des fins migratoires. La loi transpose notamment des directives européennes adoptées en 2013 dans le « Paquet asile ».

La dernière réforme en date du droit d’asile est la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Celle-ci raccourcit les délais pour le dépôt et le traitement des demandes d’asile et durcit les mesures d’éloignement en accentuant le contrôle des personnes visées par une OQTF. Elle allonge enfin la rétention administrative, dispositif permettant à l’administration d’organiser l’éloignement d’un étranger, de 45 à 90 jours.

Benchmark

Chiffres de l’asile en Europe et dans le monde 

En 2020, 472 395 demandes d’asile ont été déposées dans l’Union Européenne. 41 % des décisions de première instance ont abouti à des résultats positifs, accordant une protection à 193 681 personnes. La plupart de ces personnes viennent de Syrie (comme depuis 2013), d’Afghanistan, du Venezuela et de Colombie. Près de 25 % de ces premières demandes d’asile ont été faites en Allemagne, suivi de l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie. C’est aussi l’Allemagne qui a rendu le plus décisions positives, suivie par la France et l’Italie. Cependant, si la France est le deuxième pays européen en termes de demandes de protection internationale après l’Allemagne, il est l’un des pays qui a les plus bas taux d’admission à la protection internationale en première instance en Europe. Ce taux s’établit à 22 % en 2020 alors qu’il est de 48,6 % en Allemagne, 41 % en Espagne, 63,5 % aux Pays-Bas ou encore 34,9 % en Belgique. Enfin, 10 % de l’ensemble des réfugiés dans le monde vivaient dans l’UE à la fin 2020 et les réfugiés représentent 0,6 % de la population totale de l’UE (23). En valeur absolue, l’Allemagne est le seul pays européen à faire partie des dix pays du monde accueillant le plus de réfugiés.

A l’échelle internationale, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés note qu’à la fin de l’année 2020, il y avait 82,4 millions de personnes déracinées du fait de guerres, de conflits ou de persécutions. On dénombre parmi elles 26,4 millions de réfugiés, 4,1 millions de demandeurs d’asile en attente de l’examen de leur dossier, et 48 millions de déplacés « internes » dans leur propre pays (non comptabilisés comme migrants).

Le Danemark, un système d’une singulière sévérité en Europe 

En juin 2021, le Danemark a voté une loi permettant de traiter hors d’Europe les demandes d’asile qu’elle enregistre. Selon la nouvelle législation, tout demandeur d’asile qui enregistre sa demande dans le pays est envoyé dans un centre d’accueil en dehors de l’Union Européenne. S’il n’obtient pas le statut de réfugié, le migrant est contraint de quitter le pays. En revanche, s’il l’obtient, il n’est pas non plus autorisé à retourner au Danemark mais bénéficie simplement du statut de réfugié dans le pays tiers. Toute la procédure est confiée au pays hôte, moyennant un payement de l’État danois. Pour le moment, aucun pays n’a accepté d’accueillir un tel projet mais le gouvernement assure discuter avec cinq à dix pays, non identifiés (24).

Cette nouvelle réforme a été vivement critiquée par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies qui la juge « contraire aux principes sur lesquels repose la coopération internationale en matière de réfugiés » et par la Commission européenne qui a émis des doutes sur la conformité du texte avec les engagements internationaux du Danemark. Cette loi s’inscrit en réalité dans la continuité d’une politique migratoire de plus en plus stricte et restrictive appliquée par le pays scandinave depuis 2015 dont un des objectifs officiels est d’atteindre le « zéro réfugié ». Le gouvernement social-démocrate, largement soutenu, met notamment en avant le manque d’emploi, la hausse de la criminalité et les différences culturelles. Seulement 761 personnes ont obtenu l’asile en 2019 et 600 en 2020, contre plus de 10.000 en 2015. Rapporté à sa population, le Danemark accueille dix fois moins de réfugiés que ses voisins allemand ou suédois (25).

Début juillet 2021, le gouvernement britannique a emboité le pas du Danemark en présentant son projet de loi sur la nationalité et les frontières, qui prévoit notamment la création de centres offshore de traitement des demandes d’asile, sur l’île de Man ou à Gibraltar entre autres. Les demandeurs d’asile entrés de manière irrégulière sur le territoire britannique seraient détenus dans ces centres durant le traitement de leur demande (26).

L’Australie, pays précurseur en matière de gestion extraterritoriale de l’asile :

L’Australie est réputée pour ses politiques migratoires exceptionnellement strictes vis-à-vis des clandestins, qui reposent sur une « externalisation des frontières ». Depuis les années 2000, le pays a signé des accords avec deux États voisins (l’île de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée et l’île de Nauru) qui acceptent, en échange d’une compensation financière, d’accueillir sur leur sol les demandeurs d’asile arrivés clandestinement sur les côtes australiennes. En attendant le traitement de leur dossier, les demandeurs d’asile sont détenus dans des camps extraterritoriaux construits aux frais de l’Australie et gérés par des sociétés privées sous contrat avec le gouvernement. Après une suspension en 2008 de la « Solution du Pacifique », l’Australie a réactivé les accords de coopérations avec les deux États en 2013 et durcit sa politique dans le cadre du dispositif OPS (Operation Sovereign Borders). L’Australie continue cependant d’accueillir plusieurs milliers de demandeurs d’asile arrivés légalement sur son sol. En septembre 2014, le pays a signé un nouvel accord avec le Cambodge qui prévoit l’installation sur le territoire cambodgien d’une partie des réfugiés parqués à Nauru en échange de 40 millions de dollars australiens (25 millions d’euros) sous forme d’aide au développement. Le voyage, l’accueil et l’installation des réfugiés sont également à la charge de l’Australie, laquelle prévoyait d’y consacrer un budget global de 15 millions de dollars (9,4 millions d’euros).

Cette stratégie a été fortement critiquée par les organisations de défense des droits humains qui pointent une violation grave du principe de non-refoulement de la Convention de Genève et des droits des demandeurs d’asile dans les centres de détention. Selon le gouvernement conservateur australien, cette politique aurait nettement diminué les arrivées clandestines sur le territoire : moins de 150 par an entre 2002 et 2008, contre 3 000 à 5 500 par an entre 1999 et 2001. Selon un rapport du Parlement d’Australie, entre 2012 et 2017, la politique de détention extraterritoriale des demandeurs d’asile aurait coûté près de 5 milliards de dollars australiens (plus de 3 milliards d’euros) à l’État, sans compter le budget de l’ »aide au développement » prévu dans les accords régionaux, pour la détention de 3 127 réfugiés et demandeurs d’asile, au total, depuis 2012 (27). Le Refugee Council of Australia, ONG de référence sur l’accueil des réfugiés en Australie, évalue le coût de la gestion extraterritoriale des réfugiés par l’Australie en 2014 et 2020 à 8,3 Md de dollars (plus de 5 milliards d’euros) (28). Le gouvernement australien estime quant à lui que la détention d’un demandeur d’asile dans l’une des îles partenaires coûte 3,4 millions de dollars australien par an, soit plus de 2 millions d’euros.

Réglementation communautaire de l’asile :

La politique d’asile des pays européens est en grande partie régie par l’Union Européenne qui a édicté de nombreuses règles en la matière, contraignantes pour les pays membres. L’Union européenne consacre le droit à l’asile à l’article 18 de sa Charte des droits fondamentaux de 2000. Dès les accords de Schengen de 1985, une réflexion a été entamée sur la création d’un régime commun de l’asile, corollaire logique de la suppression des frontières. C’est ainsi qu’a été signée en 1990 la Convention de Dublin sur l’asile qui posait la règle dite du « guichet unique » pour éviter qu’un demandeur d’asile puisse déposer son dossier dans plusieurs pays de l’Union européenne (UE), jouant ainsi sur les divergences existantes entre eux sur ce point. Ces règles ont été précisées par le règlement de Dublin II en 2003 qui intègre le règlement Eurodac mettant en place une base de données recueillant les empreintes digitales des demandeurs d’asile pour garantir l’impossibilité d’une demande multiple. En 2013, le règlement de Dublin III instaure un nouveau principe, celui de l’obligation faite aux réfugiés de déposer leur demande d’asile dans le premier pays d’Europe où ils ont mis le pied. Face à la pression des pays des Balkans et d’Europe du sud débordés par ce système qui joue en leur défaveur, une révision du règlement a été mise à l’ordre du jour.

A partir de 2015, avec l’augmentation importante du nombre de migrants en provenance d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, l’Union européenne a commencé à réfléchir de façon plus approfondie à une politique d’externalisation de ses procédures d’asile. En 2013, la « Directive 2013/32/UE » du Parlement européen et du Conseil a ouvert aux États membres la possibilité de refuser d’étudier une demande de protection internationale si le requérant est « entré illégalement sur son territoire depuis un pays tiers sûr » dans lequel les garanties de droits et de protection des réfugiés sont assurées. En 2015, des hotspots ou points d’accueil ont été installés en méditerranée, en Italie et en Grèce, afin d’apporter un renfort aux États membres ayant des frontières au sud de l’Europe, et redistribuer les demandeurs sur les pays membres selon un mécanisme de relocalisation par quotas.

L’idée d’une délocalisation des procédures d’asile en dehors des frontières européennes, comparable au modèle australien, est réapparue lors du Sommet européen des vingt huit le 29 juin 2018. Dans la continuité du Réseau de Liaison Immigration qui assure une présence de l’UE au sein des États partenaires afin d’améliorer la collaboration en matière d’immigration, les représentants des États membres ont proposé la création de plateformes de débarquement situées en dehors du territoire de l’UE censées accueillir les migrants voulant accéder à l’Europe pendant le traitement de leurs demandes d’asile. Toutefois, la mise en œuvre s’est révélée particulièrement difficile non seulement d’un point de vue juridique, mais aussi en raison de l’opposition des États tiers visés, comme le Maroc. Un dispositif similaire a néanmoins été mis en place en 2016 avec la Turquie dans le cadre d’un accord qui prévoit un programme de transfert des demandeurs d’asile, notamment syriens, en échange d’une aide financière d’un montant de 6 Md€, d’une relance du processus d’adhésion du pays à l’UE et de la mise en place d’une procédure de libéralisation des visas pour les ressortissants turcs (29).

D’autres accords plus restreints ont été signés par des Etats-membres avec des pays tiers sous l’égide de l’UE : en 2008, l’Italie a signé un traité d’amitié, de partenariat et de collaboration avec la Lybie, intensifié en 2017 et renouvelé de nouveau en février 2020, qui prévoit le refoulement des migrants en mer vers la Libye et le financement de centres d’accueil de demandeurs d’asile sur place ainsi que la formation du personnel des centres (30). Selon l’ONG Oxfam, l’Italie a alloué aux autorités libyennes 32,6 millions d’euros depuis 2017 dans le cadre de cet accord pour le renforcement et l’équipement des garde-côtes libyens (31).

Face aux critiques avancées sur ces programmes de collaboration qui, sous couvert de lutte contre l’immigration illégale, restreignent le droit à l’asile, la Commission européenne s’est penchée sur l’instauration au niveau européen de programmes de réinstallation, à l’image de celui opéré par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés depuis longtemps. Ce dernier consiste à examiner la situation de personnes craignant la persécution dans leur propre pays ou déplacées de force dans des pays de transit et de les transférer vers des pays d’accueil si le statut de réfugié leur est reconnu par le HCR. Ces programmes sont mis en place en étroite collaboration avec les gouvernements des États qui, sur une base volontaire, vont accepter d’accueillir un certain nombre de réfugiés.

Si pour l’instant, l’UE se contente d’accompagner les États membres qui souhaitent mettre en place des programmes nationaux négociés avec le HCR, l’organisation envisage de mettre en place une véritable politique européenne de réinstallation, intégrée dans le Régime d’Asile Européen Commun (RAEC) et associant le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO). Ce programme consisterait en une gestion véritablement extraterritoriale des procédures d’asile de l’UE avec un éventuel transfert d’agents européens sur le territoire des pays tiers, autrement dit un déplacement de la politique européenne d’asile en dehors du territoire de l’Union européenne (32).

Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a par ailleurs proposé un nouveau pacte sur la migration et l’asile (33). Elle envisage notamment d’introduire une procédure intégrée à la frontière qui, pour la première fois, comprend un filtrage préalable à l’entrée incluant l’identification de toutes les personnes qui franchissent sans autorisation les frontières extérieures de l’UE ou qui ont été débarquées après une opération de recherche et de sauvetage (34).

En 2015, en violation du droit communautaire, la Hongrie a pris des mesures drastiques contre l’immigration irrégulière sur son territoire en renvoyant systématiquement l’ensemble des personnes sollicitant une protection internationale à sa frontière vers son voisin serbe. De plus, depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19 en 2020, elle subordonne le droit d’entrer sur son sol à une pré-demande d’asile, nécessairement effectuée auprès d’une ambassade hongroise dans un pays tiers. Le 16 novembre 2021, le pays a été condamné par la Cour de Justice de l’Union européenne suite à la plainte déposée par la Commission européenne, pour une restriction illégale de l’accès à la procédure d’asile prévue par la directive 2013/32/UE.

La mesure proposée par Marine Le Pen n’est donc pas en décalage avec l’évolution de la politique d’asile de l’Union Européenne. Elle est plutôt envisagée de façon solitaire, à l’échelle nationale, et non dans une démarche commune avec les partenaires européens.

Mise en œuvre

Marine Le Pen envisage de faire passer ses mesures sur le contrôle de l’immigration, comprenant celles sur le droit d’asile et les mineurs non accompagnés, par la voie du référendum. Dans la partie de son programme relative à l’immigration, elle propose un projet de loi fictif intitulé « Citoyenneté, Identité, Immigration » qui inclut des révisions d’articles de la Constitution ainsi que des modifications de dispositions législatives. Ses mesures sur l’asile figurent à l’article 2 du titre 1er qui prévoit de compléter l’article 53-1 de la Constitution.

La procédure de révision de la Constitution de 1958 est définie à l’article 89. L’initiative de la révision revient soit au Président de la République sur proposition du Premier ministre (projet de révision), soit aux membres du Parlement (proposition de révision). Dans les deux cas, le texte de la révision doit être voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Enfin, pour devenir définitive, la révision doit être obligatoirement approuvée par référendum lorsqu’il s’agit d’une proposition de révision constitutionnelle. En cas de projet de révision initié par le président de la République, le texte peut être approuvé par référendum ou par la majorité des 3/5ème des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en congrès. Quoiqu’il en soit, la révision constitutionnelle initiée dans le cadre de l’article 89 doit être approuvée par les deux chambres du parlement avant sa soumission au peuple français par référendum.

Cependant, il existe une voie spéciale de révision constitutionnelle issue de l’article 11 de la Constitution. Cette disposition permet au président de la République de soumettre directement à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. L’article 11 permet au chef de l’État de contourner une éventuelle opposition des assemblées parlementaires, dont l’accord est obligatoire dans le cadre défini par l’article 89. La seule obligation faite au gouvernement est de présenter une déclaration du projet de loi devant chaque assemblée et d’en débattre avec elles. L’usage de cette procédure à des fins de révision constitutionnelle a suscité de nombreuses controverses quant à sa conformité même à la Constitution et n’a été utilisée que deux fois pour des révisions constitutionnelles (elle reste naturellement utilisée pour des projets de loi classiques) par le Général de Gaulle.

Par conséquent, si la candidate souhaite faire passer son projet de loi, qui intègre des révisions constitutionnelles, et le soumettre à référendum, elle devra normalement faire usage de l’article 89 de la Constitution. Si elle ne pense pas pouvoir obtenir l’accord des deux chambres du parlement sur son texte, elle pourra tenter d’utiliser l’article 11 pour soumettre directement son projet au vote des français mais cette procédure n’a plus été utilisée pour des révisions constitutionnelles depuis le Général de Gaulle et l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État considère depuis longtemps que l’article 11 ne peut être utilisé pour modifier la Constitution (35). Quoiqu’il en soit, que ce soit pour la partie constitutionnelle ou législative de son projet de loi, la candidate devra justifier la compatibilité de ses dispositions avec le champ d’application limitativement défini de l’article 11, ce qui semble délicat concernant les sujets relatifs à l’immigration, qui n’ont pas de lien direct avec l’organisation des pouvoirs publics.

Il convient en outre de noter qu’en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les lois constitutionnelles échappent à tout contrôle de constitutionnalité, celui-ci se déclarant incompétent au regard de la souveraineté du pouvoir constituant. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la constitutionnalité des propositions de loi de l’article 11 (soumises par un cinquième des parlementaires soutenus par un dixième des électeurs) mais rien n’est précisé sur les projets de lois issus de cet article. En tout état de cause, aucune contestation postérieure du référendum n’est possible une fois qu’il a été voté par le peuple français souverain.

Le choix d’une révision constitutionnelle par la voie du référendum peut donc s’avérer nécessaire pour la candidate si elle souhaite faire passer ses mesures sur l’asile car cela lui permettrait de contourner non seulement le contrôle du Parlement mais aussi celui du Conseil constitutionnel, qui serait compétent dans le cas d’une loi. Des dispositions législatives portant ces mesures risquent en effet la censure par les membres du Conseil constitutionnel en vertu de la protection du droit d’asile par la Constitution alors qu’une révision constitutionnelle rendrait les modifications législatives postérieures conformes à la Constitution. En outre, une consécration constitutionnelle résisterait mieux aux changements législatifs futurs, dus par exemples à une résistance parlementaire ou à une alternance politique, ainsi qu’au contrôle de la Cour européenne des droits de l’Homme, bien qu’une révision constitutionnelle subséquente doit normalement être réalisée en cas d’opposition ferme de la Cour européenne, l’ordre juridique supranational de la CEDH étant théoriquement supérieur à l’ordre juridique interne.

(12) 1997,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1900,2 millions d’euros en crédits de paiement.

(13) Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2022, Annexe n°27 Immigration, Asile et Intégration.

(14) Ibid. Commission des finances, d’après les documents budgétaires.

(15) Référé de la Cour des comptes du 30 juillet 2015 relatif à l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile.

(16) Le Figaro, Droit d’asile : le rapport explosif de la Cour des comptes, 12 avril 2015.

(17) Chiffrage issu du rapport provisoire de la Cour des comptes. Ce chiffre correspond aussi au coût de l’AME (aide médicale d’Etat), qui représentait 318 106 personnes en 2018 pour un coût de 904 M€, comme le montre le dernier rapport de l’IGAS sur l’AME.

(18) Le Monde, Les demandeurs d’asile ont-ils un coût « exorbitant » pour la France ?, 05 mai 2015.

(19) Synthèse du rapport public thématique de la Cour des Comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, Avril 2020.

(20) Les structures d’hébergement du DNA sont : les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), les centres d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), les Centres d’accueil et d’examen des situations administratives (CAES). À ces capacités dédiées aux demandeurs d’asile s’ajoutent des places spécifiques pour les réfugiés et protégés subsidiaires vulnérables dans les Centres provisoires d’hébergement (CPH).

(21) Service Public, Qu’est ce que l’aide médicale de l’Etat, Avril 2021.

(22) Service Publics, Droits du demandeur d’asile : soins, logement, aide financière…, Avril 2021.

(23) Toute l’Europe, Asile et migrations dans l’Union européenne, 26 janvier 2021.

(24) Les Echos, Migrants : le Danemark veut transférer ses demandeurs d’asile hors d’Europe, Juin 2021.

(25) Ibid.

(26) Le Monde, La contestation monte contre la réforme de l’asile de Boris Johnson, 07/12/2021.

(27) Le Monde diplomatique, L’Australie exporte ses réfugiés, avril 2019.

(28) Andrew and Renata Kaldor Centre for International Refugee Law, The cost of Australia’s refugee and asylum policy: A source guide, 05/05/2020.

(29) L’accord consiste en l’échange de personnes entre les États membres de l’UE et la Turquie sur le fondement d’un franchissement illégal des frontières externes européennes. En clair, pour chaque ressortissant syrien ayant illégalement accédé au territoire européen et renvoyé en Turquie, un demandeur d’asile syrien présent sur le sol turc, dont la demande d’asile était retenue a priori fondée, était accueilli par un des États membres.

(30) Parisi Chiara, L’élaboration et l’externalisation de la politique d’asile dans l’union européenne : difficultés et enjeux Société française pour le droit international, 02/2021.

(31) Vues d’Europe, Vers une externalisation croissante de la politique d’asile européenne ?, 29/11/2021.

(32) Ibid.

(33) Fondation Robert Schumann, Le nouveau Pacte européen sur l’immigration et l’asile peut-il répondre aux prochains défis migratoires ?, 04/10/2021.

(34) Vie publique, Existe-il une politique commune de l’asile ?, 30 mars 2021.

(35) Conseil Constitutionnel, Le référendum sous la Ve République.

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