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Baisser les impôts de production de 30 milliards d'euros supplémentaires

Reconquête !

« Les impôts sur la production sont injustes : on taxe les entreprises avant qu’elles ne gagnent des bénéfices, on leur met un boulet au pied ».

Source : Twitter

« Pour que nos entreprises cessent de s’appauvrir, dès les premières semaines de mon mandat, je baisserai massivement les impôts de production pour toutes les entreprises (sic). Car il n’est pas normal de taxer une société avant même qu’elle ait pu faire des bénéfices. Je veux que davantage de petites entreprises bénéficient d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés. Je veux que celles-ci retrouvent des marges de manœuvre pour avoir la capacité d’investir ».

Source : Meeting de Villepinte

« Réduire les impôts de production de 30 milliards d’euros supplémentaires ».

Source : Programme Zemmour 2022

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
25,2 Md€
23,8 Md€ estimation basse
30 Md€ estimation haute
Précision
Par Reconquête !
Modalités de réforme à préciser ; suppression à inscrire en loi de finances.

Cette proposition d’Éric Zemmour a été chiffrée dans le cadre de l’opération Présidentielle 2022 et est incluse dans le programme de Reconquête ! pour les législatives de 2022.

La proposition d’Éric Zemmour, qui concerne une baisse de la fiscalité de production, n’est accompagnée d’aucune mention des impôts qui pourraient être concernés ni même de précisions sur ses modalités, son calendrier (gain annuel ou sur plusieurs années ?) ou sa pérennité (baisse ponctuelle ou réduction durable). La présente fiche repose donc sur une hypothèse théorique, qui devra être révisée si des annonces plus précises étaient formulées. Elle ne constitue en aucun cas une préconisation, mais seulement une tentative de mesure précise du coût de la proposition.

Le choix est ici fait de retenir la suppression d’impôts sur la production qui présentent un produit d’un niveau tel qu’ils permettent d’atteindre l’objectif de 30 Md€ de baisse brute par an et/ou ceux dont la littérature démontre des effets nocifs réels pour les entreprises. Avec une telle baisse, le niveau des impôts sur la production redeviendrait proche des niveaux de la moyenne européenne, et ne pénaliserait plus autant les entreprises par rapport aux autres principaux partenaires européens.

En pratique, le chiffrage a été produit à partir d’un panier d’impôts, correspondant à la contribution sociale de solidarité (C3S), à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), à la taxe sur les salaires et à la taxe contribuant au financement du FNAL. Ce panier d’impôts a été choisi à titre d’exemple (d’abord en fonction du volume de diminution d’impôts pour atteindre le niveau requis par la mesure, les considérations d’ordre économique pouvant conduire à des propositions plus nuancées) afin de matérialiser ce que donnerait une baisse de cette ampleur des impôts sur la production. Cependant, le résultat du chiffrage ne dépend pas du panier d’impôts considéré.

Produits collectés en :
2020 2022 (1)
C3S 4,1 3,9
CVAE (2) 15 7,5
Taxe sur les salaires 14,5 15,8
Taxe FNAL 3 3,2
Total 36,6 30,4

La perte de recettes pour les collectivités (CVAE) et pour les administrations de sécurité sociale (C3S, taxe sur les salaires) devrait être compensée par l’État sous une forme à déterminer. Il est ici fait l’hypothèse que la première année au moins, la compensation serait intégrale.

Le coût brut pour l’État de la suppression de ces impôts et des mesures de compensation serait toutefois atténué par la fin du dégrèvement barémique de la CVAE, actuellement compensé par l’État aux collectivités, ainsi que par l’effet-retour sur le produit de l’impôt sur les sociétés provoqué par l’élargissement de l’assiette résultant mécaniquement de la baisse des impôts qui en étaient jusqu’alors déductibles. Sur la base d’une hypothèse de taux moyen effectif d’IS de 20 % (3), l’effet-retour serait évalué en 2022 à 5,96 Md€.

Coûts nets pour l’État, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale d’une baisse de 30 Md€ d’impôts sur la production (exemple de la suppression de la CVAE, de la taxe sur les salaires, de la C3S et de la contribution FNAL) :

Recettes État 2022   Recettes APUL et ASSO 2022 (actualisé)
Pertes Compensation CT (CVAE) -10,3 Pertes CVAE -10,3
Compensation taxe sur les salaires (ASSO) -15,8 C3S -3,9
Compensation C3S (ASSO) -3,9 Taxe sur les salaires (ASSO) -15,8
Compensation taxe FNAL (FNAL) -3,2
Gains Effet-retour d’IS 5,9 Gains Compensation CVAE 10,3
R&D CVAE 2,1 Compensation taxe sur les salaires (ASSO) 15,8
  Solde -25,2 Compensation C3S (ASSO) 3,9
  Solde 0,0

Source : calcul des auteurs. Prévisions de recettes actualisées : RESF 2022 pour le produit de CVAE 2021 (P.91); commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) pour le produit de la C3S et de la taxe sur les salaires (p.57). Taxe FNAL : calcul des auteurs à partir de la prévision d’évolution des salaires nets (RESF 2022, p.214).

Compte-tenu de la situation des finances publiques, il est considéré dans une seconde hypothèse que la baisse des impôts de production pour les entreprises ne comprendrait pas les économies tirées du retour d’impôts sur les sociétés et du moindre dégrèvement barémique afin de garantir une baisse nette pour les entreprises à hauteur de 30 Md€. Dans ce cas, un autre impôt sur la production devrait être supprimé (comme par exemple le forfait social) afin d’atteindre l’objectif fixé par le candidat.

Le coût net pour l’État de la réforme serait donc de 25,2 Md€ avec une fourchette d’approximation autour de 5 % (entre 23,8 et 26,4 Md€). Compte-tenu de la situation actuelle des finances publiques, une compensation par la recherche d’autres recettes ou la baisse de dépenses publiques dans des volumes très importants devrait être garantie.

Commentaire de l’équipe de campagne

Cette proposition d’Éric Zemmour a été chiffrée dans le cadre de l’opération Présidentielle 2022. À cet égard, l’équipe de campagne avait souligné que l’objectif du candidat Éric Zemmour est d’abaisser de 30 Md€ de manière progressive la fiscalité de production sur toute la durée du quinquennat. Elle s’appuie sur les travaux de L’Institut Molinari et estime qu’un autofinancement de la mesure serait possible au bout de deux ans. Elle fait « une hypothèse plus prudente qui consiste à atteindre l’autofinancement en 2027″.

Faute de précision publique de la part du candidat sur cette mesure (progressivité, impôts concernés), le chiffrage n’a pas été amendé par l’Institut Montaigne.

Impact macroéconomique

Comme le rappellent deux notes du Conseil d’analyse économique (CAE) (4), la théorie économique porte un jugement critique sur ces impôts qui s’interposent dans les échanges entre les entreprises et provoquent par ce biais des distorsions, tout au long de la chaîne de production.

Les impôts sur la production modifient les conditions de productivité des entreprises, en affectant les décisions des entreprises en matière de choix des modes de production et de prix. La taxation du facteur capital ou d’un bien intermédiaire vient renchérir son prix relatif. Ces distorsions présentent le risque d’être propagées tout au long des chaînes de production et par voie de conséquence d’être amplifiées, comme le CAE le met en évidence s’agissant de la C3S. Les impôts qui portent sur l’échange de facteurs entre entreprises et ceux qui concernent les échanges entre les entreprises nationales et le secteur productif à l’étranger sont les plus contestés.

Les impôts sur la production provoquent ensuite un effet négatif sur la viabilité des entreprises. Dans la mesure où ils taxent le haut de leur compte d’exploitation, ils les fragilisent en augmentant leur point mort ou en entravant leur développement. Le CAE met ainsi en évidence le caractère négatif de la taxation du chiffre d’affaires (cas de la C3S), notamment en période de crise.

Enfin, les impôts sur la production ont un effet négatif sur la compétitivité. Les entreprises peuvent en effet décider de reporter une partie de leur coût sur le prix de vente de leurs produits, voire sur le niveau des salaires. Les impôts sur la production exercent alors le même effet qu’une « taxe sur les exportations » et favorisent le recours aux importations, qui n’y sont pas soumises.

La taxation des seuls biens finaux, par la TVA, est privilégiée par la littérature économique, afin de ne pas provoquer de distorsions des décisions de production. Le CAE note à cet égard que la TVA est la forme de taxation la plus neutre et la moins négative pour la productivité des entreprises. Quant à la taxation des profits tels qu’opérée par l’impôt sur les sociétés, elle est généralement considérée comme meilleure que les impôts sur la production puisqu’elle n’augmente pas le seuil de viabilité des entreprises ni leur probabilité de survie en période de crise.

Dès lors, la baisse des impôts de production devrait, selon la littérature économique, favoriser des choix d’allocation et de localisation des facteurs et segments de production sur le territoire national. Elle contribuerait donc à favoriser les entreprises implantées sur le territoire national et visait donc une augmentation de la production sur le territoire national.

Cette baisse de la fiscalité des entreprises conduirait mécaniquement et toutes choses égales par ailleurs à accroître les bénéfices des entreprises. Cette baisse de ces impôts sur la production serait donc en pratique partiellement compensée par un surcroît d’impôt sur les sociétés (IS).

À titre d’exemple, la baisse des impôts sur la production entrée en vigueur en 2021 correspondrait à l’une de celles qui devraient le plus augmenter la croissance potentielle de la France à moyen et long terme, selon la DG du Trésor (cf. RESF 2021, page 37). Cette orientation n’a pas été remise en cause par le Comité d’évaluation du plan France Relance dans son premier rapport (cf. rapport d’octobre 2021).

Une réduction supplémentaire serait donc susceptible d’amplifier les gains macroéconomiques.

(1) Prévisions. Source : Insee pour les produits collectés au titre de l’année 2019. Prévisions 2022 : RESF 2022 pour le produit de CVAE et commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) pour le produit de la C3S et de la taxe sur les salaires (p.57). Taxe FNAL : calcul des auteurs à partir de la prévision d’évolution des salaires nets (RESF 2022, p.214).

(2) Le produit collecté de CVAE diffère du produit perçu par les collectivités, en raison de la compensation par l’État du dégrèvement barémique. La baisse du produit entre 2020 et 2022 est la conséquence de la réforme des impôts de production entrée en vigueur au 1er janvier 2021.

(3) Taux de retour compatible avec l’évaluation du Gouvernement pour son taux de retour au titre de la baisse de 10 Md€ des impôts sur la production dans le cadre du plan de relance (calcul des auteurs à partir de du RESF 2022).

(4) P. Martin et A. Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, CAE, note n°53, juin 2019 et P. Martin et H. Paris, Éclairages complémentaires sur les impôts sur la production, CAE, focus n°042-2020, juillet 2020.

La proposition du candidat n’est accompagnée d’aucune mention des impôts sur la production qui pourraient être concernés ni même de précisions sur ses modalités, son calendrier (gain annuel ou sur plusieurs années?) ou sa pérennité (baisse ponctuelle ou réduction durable). La présente fiche repose donc sur une hypothèse théorique, qui devra être révisée si des annonces plus précises étaient formulées.

Il convient dans un premier temps de rappeler les effets généraux résultant d’une telle suppression.

Outre l’économie engendrée pour les entreprises, la baisse des impôts de production se traduira par une perte de recettes pour les administrations publiques. S’agissant des administrations publiques locales et de celles de sécurité sociale, ces pertes devront être intégralement compensées par l’État. Ce dernier subira donc à la fois une perte de recettes fiscales et verra ses charges aggravées par le coût de la compensation lequel pourra varier suivant les modalités de compensation adoptées.

Le coût net de la baisse des impôts de production est cependant susceptible d’être diminué en partie sous l’effet de plusieurs facteurs :

  • Un « effet-retour » sur l’IS est attendu à court terme, lié à l’élargissement de l’assiette imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, dont sont aujourd’hui soustraits les montants acquittés par les entreprises au titre des impôts de production ;
  • Un autre effet immédiat lié à la baisse voire à la suppression des mesures de compensation par l’État au bénéfice des collectivités pour toutes les mesures de dégrèvement adoptées en loi de finances (ex. du « dégrèvement barémique bénéficiant aux entreprises assujetties à la CVAE, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 M€« ) ;
  • Un effet à plus ou moins long terme d’amélioration de la compétitivité, de la productivité et de la solidité des entreprises, résultant de la suppression des effets qui lui-même pourrait engendrer une hausse de la profitabilité des entreprises et donc du produit de l’IS. Ces derniers sont toutefois impossibles à estimer à court terme.

Ces gains ne sauraient toutefois compenser l’intégralité du surcoût pour les finances publiques et plus particulièrement pour celle de l’État. À titre d’exemple, le coût net de la réforme des impôts de production, qui représente un gain estimé pour les entreprises d’une vingtaine de milliards d’euros en 2021 et 2022, représente une perte nette pour l’État évaluée à environ 18 Md€.

Afin de préciser ce constat d’ensemble, et à défaut de mention précise des impôts de production susceptibles d’être diminués voire supprimés, un scénario est ici examiné, afin de cerner plus précisément le coût d’une telle mesure.

Le choix est ici fait de retenir la suppression d’impôts sur la production qui présentent un produit d’un niveau tel qu’ils permettent d’atteindre l’objectif de 30 Md€ de baisse par an et/ou ceux dont la littérature démontre des effets nocifs réels pour les entreprises.

Dans cette dernière catégorie, on trouve la contribution sociale de solidarité (C3S) à laquelle on peut adjoindre la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), même si ses effets négatifs sont moins prononcés (5). En tenant compte de la diminution de moitié du produit de la CVAE sous l’effet de l’entrée en vigueur de la baisse des impôts de production, le produit de ces deux taxes escompté en 2021 pourrait s’établir à 11,2 Md€.

Les impôts fonciers sont peu critiqués par la littérature économique qui, si elle détecte quelques effets négatifs, louent aussi leur capacité à rationaliser l’occupation du foncier, tant de la part des entreprises que des collectivités. Il n’est donc pas proposé de modifications.

Pour permettre le bouclage de la proposition, l’hypothèse est retenue d’une suppression de la taxe sur les salaires (14,5 Md€ collectés en 2020 et 15,5 Md€ en 2021 (6)), due par les entreprises non assujetties à la TVA ou pour une part seulement minime de leur chiffre d’affaires.

Le bouclage de la proposition serait assuré par la suppression de la taxe visant à financer le Fonds national d’aide au logement (FNAL), d’un montant de 3 Md€ en 2020 (3,2 Md€ escompté en 2021 sur la base des mêmes hypothèses d’évolution du produit).

Exemple de panier d’impôts susceptibles d’être supprimés :

Produits collectés en :
2020 2022 (7)
C3S 4,1 3,9
CVAE ** 15 7,5
Taxe sur les salaires 14,5 15,8
Taxe FNAL 3 3,2
Total 36,6 30,3

La perte de recettes pour les collectivités (CVAE) et pour les administrations de sécurité sociale (C3S, taxe sur les salaires) devrait être compensée par l’État sous une forme à déterminer. C’est donc l’État seul qui porterait le coût de la réforme.

Le coût brut de la suppression de ces impôts serait toutefois atténué par l’effet-retour sur le produit de l’impôt sur les sociétés provoqué par l’élargissement de l’assiette résultant mécaniquement de la baisse des impôts qui en étaient jusqu’alors déductibles. Sur la base d’une hypothèse de taux moyen effectif d’IS de 20 % (8), l’effet-retour serait évalué en 2022 à 5,96 Md€.

Le coût net pour l’État de la réforme serait donc abaissé à 25,2 Md€ avec une fourchette d’approximation autour de 5 % (entre 23,8 et 26,4 Md€).

Une autre hypothèse serait que le coût net de la réforme représente 30 Md€, ce qui correspond à l’intégration d’un autre prélèvement (comme le forfait social) dans le champ de la diminution des impôts sur la production. Compte tenu de la situation des finances publiques, il a été considéré dans cette hypothèse que la baisse des prélèvements obligatoires de 30 Md€ ne comprenait pas le retour d’impôt sur les sociétés et le gain tiré du moindre dégrèvement barémique, ce qui diminue le volume de baisse de fiscalité attribué aux entreprises à moins de 30 Md€ tout calcul fait. Compte-tenu de la situation actuelle des finances publiques, une compensation par la recherche d’autres recettes ou une baisse très importante de dépenses publiques devra être garantie.

Historique de la mesure

Des impôts sur la production de nature et aux usages différents

Au sein de la catégorie des impôts sur la production, la littérature économique procède à une seconde distinction entre :

  • Les impôts sur les salaires et la main d’œuvre, qui, dans certains pays, peuvent contribuer au financement de la protection sociale (certains pays comme la Suède ont fait ce choix, tandis que d’autres privilégient les cotisations sociales) ;
  • Les « impôts divers de production » qui excluent les premiers et comportent les impôts fonciers, les impôts sur la valeur ajoutée ou, spécificité française, ceux sur le chiffre d’affaires.

Cette distinction permet ainsi d’établir des comparaisons internationales en matière d’impôts sur la production en neutralisant ces choix de financement, tout en permettant une comparaison exhaustive sur le coût du travail.

Des effets négatifs établis par la littérature économique

La théorie économique (9) porte un jugement critique sur ces impôts qui s’interposent dans les échanges entre les entreprises. La taxation du facteur capital ou d’un bien intermédiaire vient renchérir son prix relatif et modifie les paramètres de choix de production des entreprises. Ces distorsions présentent le risque d’être propagées tout au long des chaînes de production et par voie de conséquence d’être amplifiées.

Les impôts sur la production ont en outre pour caractéristique de ne pas tenir compte des résultats des entreprises et donc de renforcer les difficultés de celles qui ne dégagent pas de profits. C’est toutefois une propriété commune à tous les prélèvements sur les entreprises à l’exception de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Cependant, la CVAE est assise sur la valeur ajoutée, qui dépend de l’activité des entreprises et n’est donc pas complètement une charge fixe.

Comme l’a rappelé la note du Conseil d’analyse économique (CAE) de juin 2019, les taxes sur le chiffre d’affaires sont particulièrement dommageables. Elles comportent un « effet-cascade » répercuté à toutes les étapes de la production, ce qui conduit à les transformer en une sorte de taxe sur les exportations et de subventions aux importations de biens intermédiaires. Tel est le cas de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en France.

Les prélèvements sur les salaires, comme le versement transports, accroissent le coût du travail et incitent à une substitution de capital au travail tandis que les prélèvements sur les actifs physiques, comme l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, accroissent le coût du capital et limitent la substitution de capital au travail. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a l’avantage de ne pas introduire trop de distorsion dans le choix des facteurs de production (son mode de calcul pénalise toutefois un peu les investissements selon le CAE). Ce n’est donc pas l’impôt sur la production le plus critiquable.

De façon générale, les impôts qui portent sur l’échange de facteurs entre entreprises et ceux qui concernent les échanges entre les entreprises nationales et le secteur productif à l’étranger sont les plus contestés. La taxation des seuls biens finaux, par la TVA, est privilégiée, afin de ne pas provoquer de distorsions des décisions de production.

La France se distingue par le nombre et le niveau des produits

En France, les impôts sur la production pèsent différemment selon qu’il s’agit :

  • Des impôts sur les salaires, dont une partie revêt peu ou prou le rôle de financement de la protection sociale des cotisations sociales (2 % du PIB contre une moyenne de 0,5 % dans la zone euro et de 0,8 % dans l’UE à 27 – mais certains pays comme la Suède y recourent fortement) ;
  • Des impôts sur le foncier, y inclus la CVAE qui forme avec la CFE la contribution économique territoriale (CET), à hauteur de 2,8 % du PIB contre une moyenne de 1,2 % en zone euro et dans l’UE à 27 ;
  • Des autres impôts sur la production, où l’on trouve notamment la CVAE, à hauteur de 0,5 % du PIB, soit une moyenne inférieure à la moyenne de l’UE et de la zone euro.

Impôts sur la production payés par les entreprises en 2019 et 2020, en France :

2019 2020
Impôts sur les salaires et la main d’œuvre  44,0 44,6
Taxes sur les salaires 13,5 14,5
Versements transports 9,4 9,2
Forfait social 5,3 5,4
Taxe au profit du fonds national d’aide au logement (FNAL) 2,9 3,0
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) 2,0 2,0
Cotisations patronales au profit de l’association pour la garantie des salaires (AGS) 0,8 0,8
Contribution au développement de l’apprentissage 9,2 8,8
Participation des entreprises au développement de la formation professionnelle continue
Impôts divers sur la production (D292) 55,3 56
Taxe professionnelle (TP)
Cotisation minim. taxes profession. 0,0
Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) 15,2 15,0
Cotisation foncière des entreprises (CFE) 7,1 7,1
Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) 1,4 1,4
Taxe foncière sur le foncier bâti et non bâti (hors ménages) (10) 15,8 16,1
TVA sur subventions et sous/compensations agriculture 0,9 1,0
Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) 3,9 4,1
Taxes pour frais de chambres de commerce et d’industrie 0,7 0,6
Taxe sur les surfaces commerciales 1,0 1,0
Taxes sur les véhicules à moteur payées par les producteurs
Taxes pour frais de la chambre d’agriculture 0,2 0,2
Taxes pour frais de la chambre des arts et métiers 0,2 0,2
Imposition sur les pylônes 0,3 0,3
Taxe sur la création de bureaux en Île-de-France 0,8 0,8
Taxe perçue par le fond de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) 2,4 3,0

Source : Insee. Les taxes sur les salaires sont présentées nettes des crédits d’impôt.

Deux réformes principales engagées depuis 2010

Depuis la réforme de la taxe professionnelle intervenue en 2010, deux réformes principales sont venues modifier le cadre d’imposition de la production.

Le Pacte de responsabilité et de solidarité (2014) a engagé une réforme de la C3S, initialement prévue en trois temps : en 2015, un abattement forfaitaire de 3,25 M€ sur le CA a été instauré ; cet abattement a été relevé à 19 M€ dès 2016 mais la suppression totale de la C3S, programmée en 2017, a été suspendue.

Le Parlement a voté en LFI 2021 une baisse des impôts de production pérenne prenant la forme de trois mesures distinctes :

  • Une division par deux du taux d’imposition des entreprises au titre de la CVAE ;
  • Une diminution de moitié du produit de la CFE et de la TFPB sur les locaux industriels ;
  • Un abaissement du plafonnement de la CVAE à hauteur de 2 % du chiffre d’affaires au lieu de 3 %.

Le gain pour les entreprises est estimé à une vingtaine de milliards d’euros sur deux ans (2021 et 2022).

Benchmark

La France se caractérise au sein de l’Union européenne par le poids élevé des impôts de production et la multiplicité de leurs assiettes.

Tous impôts de production confondus (y compris donc ceux pesant sur la masse salariale), en 2020, le produit des impôts sur la production était égal à 5,3 % du PIB en France contre 2,4 % en moyenne dans la zone euro, 2,6 % dans l’Union européenne à 27 et seulement 0,8 % en Allemagne (données Eurostat). Seule la Suède présente un taux supérieur, qui traduit pour une large part le choix de financer le système de protection sociale par l’impôt plutôt que par des cotisations sociales.

Comparaison européenne-impôts sur la production payés en 2020 :

Impôts sur la production en % du PIB en 20202
France 5,3
Allemagne 0,8
Italie 3,1
Espagne 2
Pays-Bas 1,8
Belgique 2,1
Zone Euro 2,4
Suède 9,9
Union européenne 2,7

Source : Fipeco, à partir des données Eurostat

Mise en œuvre

La suppression devra être votée en lois de finances et les mesures de compensation des pertes de recettes pour les collectivités et administrations de sécurité sociale prévues par la même occasion.

(5) Cf. note CAE de juin 2019 précitée.

(6) En tenant compte de l’hypothèse de la masse salariale de 6,9 % en 2021 (RESF 2022, page 214 et commission des comptes de la sécurité sociale 2022. Ce taux prend en compte à la fois l’évolution des salaires et celle de l’emploi).

(7) Prévisions. Source : Insee pour les produits collectés. Prévisions 2022 : RESF 2022 pour le produit de CVAE et commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) pour le produit de la C3S et de la taxe sur les salaires (p.57). Taxe FNAL : calcul des auteurs à partir de la prévision d’évolution des salaires nets (RESF 2022, p.214).

(8) Taux de retour compatible avec ce qu’a évalué le Gouvernement pour son taux de retour au titre de la baisse de 10 Md€ des impôts sur la production dans le cadre du plan de relance (calcul des auteurs à partir de du RESF 2022).

(9) Voir notamment P. Martin et A. Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, CAE, note n°53, juin 2019 ; et Fipeco, Les impôts sur la production , note de décembre 2021.

(10) Par souci de lisibilité, si la TFPB et la TFPNB payées par les ménages constituent également des impôts de production, elles sont retirées ici. NB : la réforme des impôts de production entrée en vigueur au 1er janvier 2021 a pour effet de diminuer de moitié le produit de la CVAE, de la TFPB des entreprises et de la CFE.

La France
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Pour éclairer les enjeux de la campagne présidentielle de 2022, l’Institut Montaigne se propose d’esquisser à l’aide de chiffres clés l’évolution des performances de la France depuis 2012. À la fois photographie de l’état de la France, mise en contexte des propositions des candidats, éléments d’évaluation des politiques publiques, l’Institut tire ici le portrait de la France autour de 13 grands thèmes.
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