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BIOGRAPHIE

Exonérer de cotisations patronales les hausses de 10 % des salaires inférieurs à 3 Smic

Rassemblement National

« Dès 2022, et pendant cinq ans, dans le cadre d’un contrat d’entreprise, pour toute hausse de salaire de 10 % accordée à l’ensemble des salariés gagnant jusqu’à trois fois le Smic, les entreprises seront exonérées de cotisations patronales sur cette augmentation. Celles-là concerneront les employés actuels, ainsi que les nouveaux embauchés sur la base des salaires historiques pratiqués par l’entreprise. »

Source : Les Echos

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
10,5 Md€
9  Md€ estimation basse
12,4 Md€ estimation haute
Précision
Par Rassemblement National
Neutre.
Nécessite un article de loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu’une modification du code du travail.

Chiffrage de l’institut Montaigne

  • Estimation haute : manque à gagner de 12 Md€
  • Estimation médiane : manque à gagner de 10,5 Md€
  • Estimation basse : manque à gagner de 9 Md€

La candidate propose une exonération pérenne de cotisations patronales pour une entreprise qui augmenterait sa grille salariale d’au moins 10 % jusqu’à trois Smic. L’exonération porterait sur le surcroît de salaire correspondant aux premiers 10 % de hausse. Dans le cas où plusieurs hausses de 10 % seraient mises en place dans la période de cinq ans de validité de la mesure, l’entreprise bénéficierait chaque fois de l’exonération correspondante.

Une entreprise n’a intérêt à activer cette mesure que dès lors qu’elle prévoit déjà une hausse générale des salaires de plus de 10 %, ou bien qu’elle anticipe des hausses à venir très importantes. En effet, une telle hausse de salaire représente pour une entreprise un coût très important (10 % de la masse salariale brute), même après exonération des cotisations patronales correspondantes, d’autant plus que les entreprises font face à des hausses de coûts qui réduisent leur rentabilité. Par conséquent, l’hypothèse la plus raisonnable serait que cette mesure n’entrainerait que des effets d’aubaine, et n’induirait pas de hausses salariales qui n’auraient pas eu lieu de toute façon.

En 2022, année marquée par une inflation élevée et des tensions de recrutement record, entre un tiers et la moitié des entreprises pourraient en bénéficier (certains secteurs ont déjà annoncé de telles hausses). Les années suivantes, si l’inflation revient à sa dynamique d’avant-crise, nous faisons l’hypothèse que 3 % des entreprises seraient intéressées chaque année, ce qui rend compte du fait que peu d’entreprises relèveraient l’ensemble de leur grille salariale de plus de 10 % dans un contexte d’inflation revenue à son rythme d’avant-crise. En effet, au niveau macroéconomique, le partage de la valeur ajoutée ne présente pas de déséquilibre justifiant de telles hausses pour la généralité des entreprises (voir à ce sujet la note de la DG Trésor de 2019, L’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les économies avancées) .

Au total, la mesure représenterait un manque à gagner compris entre 7 et 10 Md€ la première année. Le manque à gagner augmenterait avec le temps dès lors que davantage d’entreprise y auraient recours : le manque à gagner serait compris entre 9 et 12 Md€ en 2027.

Le manque à gagner serait plus élevé si l’inflation s’avérait durablement supérieure à la dynamique d’avant-crise, conduisant davantage d’entreprises à activer la mesure après 2022.

Commentaire de l’équipe de campagne

Cette proposition de Marine Le Pen a été chiffrée dans le cadre de l’opération Présidentielle 2022. A cet égard, l’équipe de campagne avait  jugé cette mesure sans effet sur les finances publiques. D’après elle, « il y aurait certes des moindres recettes, mais ces recettes n’existant pas aujourd’hui, la mesure ne nous semble pas avoir d’impact budgétaire (nos mesures sont chiffrées à partir de la situation actuelle)« .

Impact macroéconomique

Les effets macroéconomiques seraient limités à court terme. D’une part, la mesure n’induirait pas des hausses de salaires significativement supérieures à celles déjà anticipées par les entreprises. D’autre part, elle interviendrait dans un contexte d’épargne des ménages abondante, si bien que le soutien apporté à la consommation serait limité. Par ailleurs, les entreprises disposent d’une trésorerie abondante en 2022.

À terme, la mesure se traduirait par une hausse des salaires et des marges, susceptible de soutenir l’activité économique, dans une ampleur néanmoins incertaine. Elle représenterait par ailleurs un manque à gagner pour les finances publiques, et son financement pourrait en revanche affecter négativement l’activité économique.

Lorsqu’une entreprise augmente les salaires, des charges patronales supplémentaires s’ajoutent à la hausse du salaire brut. Pour les salaires en dessous de 2,5 Smic, la hausse des charges est renforcée par le fait que les allègements de charges dont bénéficient ces niveaux de rémunération diminuent.

Voici l’impact d’une hausse de 10 % de salaire brut sur le coût salarial (salaire chargé) selon le simulateur de cotisations de l’Urssaf  :

Tranche de salaires Hausse du salaire chargé lorsque le brut augmente de 10  % Taux de cotisation appliqué à la hausse de 10  %
0,5 Smic 9,9 % 3 %
1 Smic 18,1 % 88 %
1,5 Smic 12,9 % 70 %
2 Smic 10,1 % 38 %
2,5 Smic 28,3 % 101 %
3 Smic 10 % 41 %

Source  : Urssaf

Il est possible de calculer le manque à gagner brut sur une année de la mesure si elle bénéficiait à tous les salariés du privé dont la rémunération est inférieure à 3 Smic. Le pourcentage de hausse de cotisation étant différent selon le niveau de salaire, il faut calculer la hausse par tranche de salaire (en utilisant le simulateur de l’Urssaf) puis faire une moyenne pondérée sur la distribution de salaires du secteur privé de l’Insee. On peut estimer ainsi qu’une hausse uniforme de 10 % de tous les salaires sous 3 Smic conduit à une hausse de 12 % de la masse salariale brute chargée correspondante.

Lorsque les cotisations s’appliquent normalement, une hausse de 10 % de salaires pour l’ensemble des salariés éligibles induit une hausse de 45 Md€ de la masse salariale brute correspondante (450 Md€ en 2020), et une hausse de 65 Md€ de la masse salariale brute chargée (550 Md€ en 2020), soit par différence une hausse de 20 Md€ des cotisations patronales.

Manque à gagner annuel de la mesure à partir de 2022, si toutes les entreprises augmentaient tous les salaires sous 3 Smic de plus de 10 % (tableau en Md€)  :

Salaires bruts Salaires bruts chargés Manque à gagner annuel pour l’ensemble des salariés sous 3 Smic
Masse salariale sous 3 Smic 450 550
Effet d’une hausse uniforme de 10 % du salaire brut s’appliquant à tous les salariés du privé sous 3 Smic 45 65 20

Source  : comptabilité nationale de l’Insee pour les entreprises non financières et les sociétés financières, la part de salaires sous les 3 Smic étant estimée ici à 70 % de la masse salariale brute ; pour le calcul de la masse salariale chargée on retire le montant du CICE.

Le manque à gagner budgétaire brut effectif de la mesure dépend du comportement des entreprises. Une hausse de 10 % de la grille salariale, exonérée de charges, représente un surcoût important pour l’entreprise (10 % de sa masse salariale). La mesure ne devient économiquement intéressante pour un employeur uniquement s’il envisage des hausses de salaires générales supérieures à 7 % (1). Le surcoût peut être compensé par des hausses de salaire moins importantes les années suivantes, avec un point d’équilibre qui dépend de la dynamique du fil de l’eau des salaires de l’entreprise.

D’un côté, en 2022, dans un contexte d’inflation élevée et de tensions de recrutement en sortie de crise, un nombre relativement élevé d’entreprises pourraient bénéficier de la mesure. Par exemple, les entreprises du secteur de l’hôtellerie-restauration ont conclu un accord conduisant à une hausse de 16 % des grilles salariales. Plus de la moitié des entreprises se déclarent confrontées à des difficultés de recrutement en décembre dans tous les secteurs de l’économie.

De l’autre côté, l’expérience de la prime « Macron » de 2019 laisse penser néanmoins que les marges des entreprises sont limitées pour relever les salaires : ce dispositif très avantageux et non engageant sur la durée, dans un contexte de demande de pouvoir d’achat et de difficultés de recrutement, avait bénéficié à un tiers des salariés du privé pour un montant moyen d’environ 400 euros par salarié (ce qui correspond, selon le niveau de salaire, à un effort de l’employeur compris entre 0,5 et 2 % du salaire annuel), bien inférieur au plafond de 1 000 euros. Par ailleurs, le partage de la valeur ajoutée ne fait pas apparaître de déséquilibre significatif au détriment de salariés qui justifierait des hausses généralisées de salaires (2).

Après 2022, si l’inflation revient aux niveaux observés avant-crise, avec des hausses de salaire inférieures en moyenne à 2 % par an, il est probable qu’une faible part des entreprises se trouveraient en situation d’activer la mesure.

Il est donc fait l’hypothèse que les entreprises activeraient la mesure dans le cas où elles anticipent déjà des hausses de salaires importantes, ce qui serait le cas pour une proportion allant de 30 % à 50 % d’entre elles en 2022, et de seulement quelques pourcents ensuite.

Au total, dans le scénario considéré, la mesure représenterait un manque à gagner budgétaire brut compris entre 7 et 10 Md€ la première année. Le manque à gagner augmenterait avec le temps dès lors que davantage d’entreprises y auraient recours  : le manque à gagner brut serait compris entre 9 et 12 Md€ en 2027.

L’entreprise doit par ailleurs arbitrer sur le partage avec les salariés que représente la baisse des cotisations procurée par la mesure, avec des conséquences différentes pour les finances publiques. En temps normal, 1 euros de hausse de salaire brut conduit à 60 cents de hausse de cotisation, dont 40 cents côté employeur (supprimé dans le cadre de la mesure), et 20 cents côté salarié. Si l’employeur répercute l’exonération de 40 cents en salaires, une partie (30 %) part en cotisations salariales, CSG et impôt sur le revenu, réduisant le manque à gagner pour les finances publiques à 28 cents. Dans le cas où l’employeur ne profite pas de l’exonération pour augmenter davantage les salaires que prévu, sa marge augmente de 40 cents, conduisant à réduire le manque à gagner de la mesure pour les finances publiques de l’IS qui s’applique sur le supplément de marges, soit 8 %. Dans les deux cas, le manque à gagner net pour l’État après retour d’impôt et de cotisation est de l’ordre de 70 % à 80 % du manque à gagner brut. Il est fait l’hypothèse que la baisse de cotisations serait partagée également entre employeurs et employés, ce qui se traduirait par un taux de retour en finances publiques de l’ordre de 25 %. Sous cette hypothèse, le manque à gagner net serait compris entre 5,3 et 7,5 Md€ la première année (soit 0,2 à 0,3 point de PIB), et s’élèverait entre 6,8 et 9 Md€ en 2027 (soit entre 0,3 et 0,4 point de PIB).

Le manque à gagner net pourrait être atténué la première année, sous l’effet des cotisations salariales et de l’impôt sur le revenu induits par les hausses anticipées de salaire, néanmoins incertaines.

Le manque à gagner serait plus élevé si l’inflation s’avérait durablement supérieure à la dynamique d’avant-crise, conduisant davantage d’entreprises à activer la mesure après 2022, avec une dynamique cumulative (par exemple, si 5 % des entreprises activent la mesure chaque année après 2023, le manque à gagner brut s’élève entre 11 et 14 Md€ en 2027).

Les effets macroéconomiques seraient limités à court terme. D’une part, la mesure n’induirait pas des hausses de salaires significativement supérieures à celles déjà anticipées par les entreprises. D’autre part, elle interviendrait dans un contexte d’épargne abondante des ménages, si bien que le soutien apporté à la consommation pourrait être limité.

À moyen terme, deux facteurs entreraient en jeu  :

  • La mesure apportera in fine un surcroît de salaires et de marges, susceptible de soutenir l’activité, dans les proportions de l’effort budgétaire consenti ; mais cet effet est néanmoins incertain car il dépend du partage entre salariés et employeurs ;
  • En revanche, la mesure grèverait de manière pérenne les finances publiques : l’impact macroéconomique in fine dépend aussi des modalités de financement.

Historique de la mesure

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), qui figure parmi les mesures d’urgence économiques et sociales votées par le Parlement en décembre 2018 dans le contexte du mouvement des gilets jaunes, aidait les entreprises à soutenir le pouvoir d’achat pour un coût réduit. Au cours du premier trimestre 2019, les entreprises pouvaient verser une prime d’un montant maximal de 1 000 euros, exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, à l’ensemble de leurs salariés dont la rémunération en 2018 n’excédait pas un plafond inférieur ou égal à trois Smic.

Au premier trimestre 2019, d’après les données de l’Acoss, environ un établissement sur cinq du secteur marchand non agricole a utilisé ce dispositif  : plus de 400 000 établissements ont versé près de 2,2 milliards d’euros à 4,8 millions de salariés, soit en moyenne 401 euros par salarié bénéficiaire.

Benchmark

Le coût du travail reste globalement supérieur en France par rapport aux autres pays européens, y compris l’Allemagne, cet écart résultant pour partie du niveau des charges sociales (3).

Grâce aux allègements de charge en dessous de 2,5 Smic, le coût du travail est néanmoins compétitif pour les bas salaires.

Mise en œuvre

La mesure nécessite une mesure de financement (loi des finances) et une modification du code de la sécurité sociale (loi de financement de la sécurité sociale). Elle nécessiterait également une modification du code du travail, pour définir les modalités d’un accord de révision de grille salariale permettant de bénéficier de cette mesure.

(1) En effet, en partant d’un salaire de 100, une hausse du salaire brut de 7 conduit à une hausse du coût employeur de 10.

(2) Voir DG Trésor, 2019, Trésor-Éco n° 234 – L’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les pays avancés.

(3) Rexecode,  2021.

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