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Éric Zemmour
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BIOGRAPHIE

Éric Zemmour est un journaliste, écrivain et homme politique français. Il est le candidat du parti Reconquête à l’élection présidentielle de 2022.


Né en 1958, il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po Paris) et mène une carrière dans le journalisme. Il rejoint notamment le service politique du Figaro de 1996 à 2009, où il met fin à sa collaboration avec le journal à cause de sa condamnation pour provocation à la discrimination raciale. Il continuera à être chroniqueur pour le Figaro Magazine et pour la chronique littéraire du Figaro jusqu’en 2021. Il est également pigiste pour Valeurs actuelles et Marianne.

Il participe comme éditorialiste, débatteur et polémiste aux émissions Ça se dispute sur I-Télé, On n’est pas couché sur France 2 dans les années 2000 et Face à l’info sur CNews de 2019 à 2021. Il est également chroniqueur sur RTL de 2010 à 2016.

Il est aussi auteur du Suicide français (2014), succès de librairie à sa parution, du Destin français (2018), et de La France n'a pas dit son dernier mot (2021). Il est fréquemment poursuivi en justice pour ses déclarations controversées et condamné deux fois : en 2008 pour provocation à la discrimination raciale et en 2011 pour provocation à la haine envers les musulmans.

En novembre 2021, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 et fonde le parti Reconquête.
Site de campagne

Mettre fin au regroupement familial

« Je veux supprimer le droit au regroupement familial et réduire drastiquement l’immigration familiale. »

Source : premier meeting de campagne à Villepinte en Seine-Saint-Denis le 05/12/2021

« Il nous faut arrêter [l’immigration] sur tous les stades. Le premier : le regroupement familial. Nous arrêterons le regroupement familial. C’est-à-dire qu’on ne pourra plus faire venir ni ses enfants, ni sa femme. »

Source : BFM TV, Émission « La France dans les yeux » du 09/02/2022

Estimation
Coût
Par l'Institut Montaigne
Précision
Par le candidat
Très limitée. Une révision constitutionnelle sera une condition nécessaire mais non suffisante à la suppression du regroupement familial. Elle devra être couplée d’une renégociation des normes juridiques de l’Union européenne et de certaines conventions internationales que la France a ratifiées.

Le regroupement familial permet à un ressortissant étranger non européen régulièrement installé en France d’être rejoint par son conjoint et ses enfants mineurs. Les citoyens européens sont quant à eux libres de s’installer où ils le souhaitent sur le territoire de l’Union, à condition de disposer d’un emploi ou de ressources suffisantes (1).

L’immigration familiale constitue historiquement le plus important volume de flux migratoires en France. Fortement encadrée par les dispositions de niveau constitutionnel et conventionnel relatives au respect de la vie privée et familiale, elle est généralement peu influencée par les politiques publiques. En 2019, elle représente 32,8 % de l’immigration totale en France. Le nombre de premiers titres délivrés pour motif familial est relativement stable dans le temps  : en 2019, on dénombre 90 068 titres délivrés sur ce motif, en baisse de 1 % par rapport à 2018.

Cependant, cette immigration familiale est très diverse et concerne différentes catégories de personnes qui ne sont pas toutes étrangères. Au sein de l’immigration familiale, 13 % seulement des premiers titres délivrés en 2019 relèvent du regroupement familial, 18 % si l’on inclut les familles de détenteurs du Passeport Talent (1). En effet, le plus gros de cette immigration familiale est constitué des conjoints et familles de français qui représentent 52 % des premiers titres délivrés pour motifs familiaux en 2019.

À ce jour, il n’existe pas de quantification officielle du poids du regroupement familial sur les finances publiques et les estimations varient fortement selon la méthodologie employée. Pour une idée générale de son impact financier, il est possible de se référer à l’effet économique de l’immigration dans son ensemble. Dans une note de novembre 2021, le Conseil d’Analyse Économique (CAE) a conclu que l’immigration affecte positivement, mais de façon modérée, les finances publiques françaises, principalement en raison de flux plus jeunes que la population française dans son ensemble. Le Conseil estime cependant que le pays bénéficierait plus d’une immigration davantage tournée sur le travail et les compétences que sur le motif familial, comme c’est le cas aujourd’hui.

S’il décide de mettre fin au regroupement familial, le candidat va se heurter à de fortes limites réglementaires. En effet, le regroupement familial est protégé tant par le cadre constitutionnel français que par des normes européennes et internationales contraignantes. Le candidat ne pourra donc pas passer par le vote d’une loi, qui serait censurée par le Conseil constitutionnel, et devra d’abord initier une révision constitutionnelle afin de rendre les nouvelles restrictions conformes à la Constitution. Il devra ensuite renégocier les normes européennes afin de modifier la directive concernée, sous peine d’être sanctionné par les autorités de l’Union.

Outre l’impact fort probablement négatif de la suppression du regroupement familial sur l’économie française et sur l’intégration des étrangers en France, cette réforme se heurterait au cadre réglementaire national, communautaire et international très protecteur et contraignant pour le France.

Impact macroéconomique

Pour une idée générale de son impact économique et financier, il est possible de se référer à l’effet économique de l’immigration dans son ensemble. Dans une note de novembre 2021, le Conseil d’Analyse Économique (CAE) a conclu que l’immigration affecte positivement, mais de façon modérée, les finances publiques françaises, principalement en raison de flux plus jeunes que la population française dans son ensemble. Le Conseil estime cependant que le pays bénéficierait plus d’une immigration davantage tournée sur le travail et les compétences que sur le motif familial, comme c’est le cas aujourd’hui.

(1) Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur séjour selon une directive de 2004.

(2) Le « Passeport Talent » est un titre de séjour particulier délivré à des travailleurs ou personnalités étrangères qualifiées (salariés qualifiés, chercheurs, entrepreneurs) qui leur donne droit au même moment à un titre de séjour pour les membres de leur famille (conjoint et enfants majeurs). La crise pandémique de la Covid-19 est venue enrayer cette dynamique. Le nombre de titres délivrés à ces membres de famille en 2020 a baissé de 24,7 %.

Présentation juridique du concept de regroupement familial

Pour les étrangers non européens, le regroupement familial est avant tout encadré par la directive européenne du 22 septembre 2003 qui pose un droit subjectif à la réunification familiale des étrangers dans un objectif de promotion de l’intégration des ressortissants des États tiers. En droit interne, le regroupement familial est protégé à l’échelle constitutionnelle par le « droit de mener une vie familiale normale » reconnu par le Conseil constitutionnel comme un droit fondamental à valeur constitutionnelle sur le fondement de l’alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946. Les dispositions de la directive européenne ont été transposées par différentes lois relatives à l’immigration et codifiées principalement dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Par ailleurs, le regroupement familial est protégé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) au titre du « droit au respect de la vie privée et familiale » inscrit à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, également consacré à l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Les États membres de l’UE disposent d’une marge de manœuvre quant aux conditions d’application de ce droit. Dans ce cadre, la France impose plusieurs conditions au regroupement familial. L’étranger à l’origine de la demande de regroupement doit résider depuis au moins 18 mois en France. Il doit justifier de ressources stables et suffisantes pour assurer l’accueil de sa famille dans de bonnes conditions, à l’exclusion des prestations sociales et familiales. Il doit enfin disposer d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique, et répondant à des conditions d’hygiène et de salubrité. Le regroupement familial est refusé au conjoint d’un ressortissant étranger polygame, à un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public et si le demandeur ne respecte pas les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France (monogamie, égalité de l’homme et de la femme, respect de l’intégrité physique des enfants et adolescents etc.).

Données sur l’immigration familiale

L’immigration familiale est le premier motif d’immigration en France. Selon le ministère de l’intérieur, si l’on excepte les renouvellements de plein droit, la moitié des permis de séjour valides fin 2020 en France a pour origine un motif familial. Pour une comparaison avec les titres émis pour d’autres motifs, il est préférable de se fonder sur les chiffres de 2019, ceux de 2020 n’étant pas représentatifs des flux migratoires habituels compte tenu des effets de la crise sanitaire du Covid-19 sur la circulation des personnes à l’échelle mondiale. Ainsi, en 2019, l’immigration familiale est la source principale de délivrance de premiers titres de séjour, aux côtés des étudiants. L’immigration économique arrive en troisième position, avant le motif humanitaire. Enfin, l’immigration familiale est celle qui a le plus évolué depuis 2010, mais bien moins rapidement que l’immigration économique (1).

Cependant, l’immigration familiale est très diversifiée et comprend différentes catégories de personnes. Ainsi, au sein de cette immigration, les familles de Français représentent le flux le plus important  : 46619 titres délivrés en 2019 (soit 51,7 % du total des titres à caractère familial). Le regroupement familial stricto sensu ne constitue quant à lui que 13 % des premiers titres délivrés en 2019 (12 066).

Depuis 10 ans, la délivrance de titres pour motif familial est restée relativement stable.

La courbe des titres délivrés pour regroupement familial a suivi quasiment la même trajectoire linéaire que celle de l’ensemble des titres familiaux, avec un nombre de titres délivrés variant entre 10 000 et 12 000 par an entre 2015 et 2020.

Chiffrage sur l’immigration familiale 

Il n’existe pas de quantification officielle du poids du regroupement familial sur les finances publiques et il est difficile d’estimer son coût financier car peu de financements y sont spécifiquement dédiés (dans la loi de finances, au sein du budget dédié à l’immigration, aucune ligne budgétaire ne concerne spécifiquement le regroupement familial) et que les familles d’immigrés sont prises en charge à titre principal par les ressources du foyer (emploi du conjoint regroupant et autres ressources) et à titre subsidiaire par les allocations familiales auxquelles elles ont droit. Ces dernières sont comptabilisées dans le budget de l’État pour l’ensemble des personnes résidentes en France, sans distinction de leur statut migratoire particulier. Certaines dépenses plus ciblées, telles que celles dédiées, dans la loi de finances, à l’ »Accueil des étrangers primo-arrivants » (environ 250 millions pour 2022) ou à l’ »Intégration des étrangers primo-arrivants » (environ 80 millions pour 2022), toutes deux inscrites dans les crédits du programme 404 « Intégration et accès à la nationalité française », ne donnent qu’une idée imprécise du budget dédié au regroupement familial car elles ne concernent qu’un type de dépenses très particulier (relatif à l’intégration) et ne sont pas dédiées exclusivement à cette catégorie d’immigrés.

Néanmoins, l’impact économique de l’immigration en général a récemment fait l’objet d’un nouveau chiffrage. Celui-ci peut donner une idée approximative du poids de l’immigration familiale sur les finances publiques françaises.

En novembre 2021, le Conseil d’Analyse Économique (CAE) (2),a estimé que l’immigration affecte positivement, mais de façon modérée, les finances publiques françaises, principalement en raison de flux plus jeunes que la population française dans son ensemble. En effet, la population immigrée française, bien que sur-représentée parmi les chômeurs et les bénéficiaires de certaines aides sociales, « se concentre dans les tranches d’âge actives (3) qui ont en moyenne une contribution nette positive au budget de l’État« . Pour un âge donné, la contribution nette des immigrés, notamment aux cotisations salariales et aux taxes sur le capital, est toujours inférieure à celle des natifs, mais « le fait qu’ils soient en moyenne plus représentés dans les classes d’âge les plus actives (c’est-à-dire ni les très jeunes, ni les très vieux) fait plus que contrebalancer l’éventuel surcoût qu’ils représentent pour certaines branches de la protection sociale« . D’autres éléments vont dans ce sens, à l’instar de la prise en compte des contributions à la fiscalité des enfants et petits-enfants des personnes immigrées.

De façon générale, comme le montre une autre note du CAE, les études centrées sur les pays de l’OCDE indiquent que l’immigration ne creuse pas les déficits publics. Suivant les pays et les années, la contribution nette des immigrés aux finances publiques se situe dans une fourchette comprise entre + 0,5 % et – 0,5 % du PIB. Les études récentes centrées sur la France arrivent aux mêmes conclusions (4) : en utilisant l’approche comptable, elles montrent que la contribution nette des immigrés est globalement négative sur la période 1979-2011 (positive entre 2000 et 2006 notamment) mais reste relativement faible, contenue dans une fourchette de plus ou moins 0,5 % du PIB. Les auteurs précisent que « malgré cette contribution négative, la population immigrée ne peut être tenue pour responsable du déficit primaire. Au cours de ces 30 années, l’immigration en France n’a jamais déterminé l’ampleur et l’évolution du solde budgétaire primaire. Ce constat s’explique par une structure démographique favorable, qui compense leur plus faible contribution individuelle nette à un âge donné« .

En outre, si l’impact fiscal net des migrants est moins favorable que celui des personnes nées dans le pays dans la plupart des pays de l’OCDE, cette situation tient au fait que, en général dans les pays de l’OCDE, les migrants sont moins imposés et cotisent plus faiblement à la sécurité sociale, et non à une plus forte dépendance aux prestations sociales (5). Une analyse qui tranche avec certaines données recueillies par l’Insee.

Le CAE précise néanmoins qu’une immigration fondée principalement sur le motif familial, comme celle de la France, a tendance à renforcer la structure initiale de celle-ci. « Lorsqu’elle est initialement diversifiée et qualifiée, comme c’est par exemple le cas au Canada ou aux États-Unis, le regroupement familial renforce la diversité initiale. A contrario, lorsqu’elle est au départ peu qualifiée et peu diversifiée du point de vue des lieux de naissance, comme c’est le cas en France, il en résulte une diversité et des qualifications moindres de la population immigrée« . Ainsi, 52 % des immigrés de 15 ans ou plus venus en France pour motif familial n’ont pas de diplôme ou un niveau équivalent au brevet des collèges, et seuls 20 % détiennent un diplôme supérieur au Bac. Le motif familial dominant et le manque de qualification expliquent en partie le taux de chômage et d’inactivité élevé de la population immigrée française, qui est de 13 %, alors qu’il est de 7,5 % pour la population non immigrée ; un écart qui peut également s’expliquer par des phénomènes de discrimination sur le marché du travail (6).

Tout en vantant l’immigration économique pour ses effets positifs sur la compétitivité de la France, le CAE dresse le constat que l’immigration en France est, comparativement à ses principaux partenaires de l’OCDE, peu qualifiée, aux origines géographiques peu diversifiées et faible en volume.

Dans cette perspective, l’OCDE (7) concluait en 2013 que de nombreux pays membres de l’Union européenne, en particulier la Belgique, la France et la Suède, bénéficieraient grandement d’une augmentation du taux d’emploi des immigrés au niveau de celui des autochtones, avec un gain budgétaire équivalent à plus de 0,5 % du PIB. L’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail est donc un enjeu majeur pour les pouvoirs publics. En effet, les données disponibles montrent que les gains budgétaires potentiels d’une meilleure intégration sur le marché du travail des immigrés résidents – en particulier les femmes et les immigrés très qualifiés – pourraient dépasser les gains budgétaires potentiels d’une immigration de travail supplémentaire dans beaucoup de pays européens de l’OCDE où la population immigrée est nombreuse et installée depuis longtemps.

Enfin, dans une autre perspective, une étude de l’OCDE de 2019 a tenté de mesurer les effets du regroupement familial sur l’intégration des migrants dans le pays d’accueil. Les résultats obtenus suggèrent que les délais préalables au regroupement familial peuvent avoir des conséquences négatives sur l’intégration à long terme des immigrés. Au bout de dix ans ou davantage dans le pays d’accueil, les migrants principaux qui n’ont été rejoints par leur conjoint qu’après un certain temps gagnent des salaires sensiblement moins élevés que les migrants principaux qui leur sont par ailleurs en tous points comparables. Les conjoints qui arrivent après un certain délai ont eux-mêmes une moindre probabilité de maîtriser la langue du pays d’accueil au bout de cinq années de séjour ou davantage. Les enfants arrivés alors qu’ils étaient d’âge préscolaire paraissent ensuite mieux intégrés que ceux d’âge scolaire au moment de leur arrivée, notamment du point de vue de la maîtrise de la langue.

La suppression du regroupement familial aurait donc des conséquences négatives tant sur l’économie française que sur l’intégration des étrangers en France.

Historique de la mesure

Le regroupement familial est autorisé en France depuis une ordonnance du 2 novembre 1945 édictée par le gouvernement provisoire du Général de Gaulle.

Dans les années 1970, sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le Gouvernement français décide de mettre fin à l’immigration « de travail » qui avait cours pour laisser place à une immigration familiale qui va alors constituer l’essentiel de l’afflux migratoire. C’est ainsi que le 29 avril 1976, le gouvernement du Premier ministre Jacques Chirac signe un décret autorisant le regroupement familial sous plusieurs conditions (durée de résidence, ressources, logement, ordre public, santé).

En 1978, le Conseil d’État fait du regroupement familial un droit pour les ressortissants étrangers installés en France. Il tire de l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946 un principe général du droit, « le droit de mener une vie familiale normale », dont peuvent se prévaloir non seulement les nationaux mais aussi les étrangers résidant régulièrement en France. Sur le fondement de ce principe, la haute juridiction administrative annule un décret pris l’année précédente par le gouvernement Barre, qui subordonne le regroupement familial à l’engagement des membres de famille de ne pas travailler en France. C’est sur cette même base juridique que le Conseil constitutionnel consacrera le caractère constitutionnel du regroupement familial dans sa décision du 13 août 1993, faisant simultanément du droit de mener une vie familiale normale un droit fondamental à valeur constitutionnelle.

Dans une décision récente du 21 janvier 2021, le Conseil d’État a suspendu le gel de la délivrance de visas de regroupement familial décidé par le gouvernement en raison de la crise sanitaire, estimant qu’il s’agissait d’une « atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale normale et à l’intérêt supérieur de l’enfant« .

Dans le lot des déclarations politiques sur la lutte contre l’immigration, l’idée d’une suppression du regroupement familial n’est pas nouvelle. En 2016, alors candidat à la primaire des Républicains, Nicolas Sarkozy avait déjà proposé d’organiser un référendum pour suspendre le regroupement familial. « Ce regroupement n’a cessé d’être l’objet de fraudes de procédures. L’attrait de prestations familiales à bon compte a exercé une pression phénoménale« , écrivait-il dans son livre programme Tout pour la France.

Benchmark

En 2015, 38 % des titres de résidences délivrés dans l’ensemble des États membres de l’UE étaient fondés sur le regroupement familial, en augmentation de 3 % par rapport à 2011. La France est parmi les premiers pays d’accueil des immigrés, en nombre, pour motif familial au sein de l’Union Européenne, cette immigration ayant des proportions comparables dans les autres pays européens  :

Tous motif Motif familial Motif éducatif Motif économique Autres
Allemagne 460 340 167 443 61 299 65 717 165 881
Belgique 60 312 32 261 8 661 6 114 13 276
Espagne 320 037 143 860 45 032 63 267 67 878
France 285 086 97 908 90 388 39 172 57 618
Italie 175 857 100 939 20 020 11 069 43 829
Pays-Bas 102 132 38 653 20 178 22 030 21 271
Pologne 724 416 16 780 20 760 625 120 61 756
Portugal 93 475 38 203 13 356 34 999 6 917
Rép. Tchèque 117 071 26 796 14 446 66 442 9 387
Suède 101 704 48 922 10 719 21 118 20 945

Titre : Primo-délivrances de titres de séjour en 2019 par motifs dans certains pays européens (Source  : Ministère de l’Intérieur, Les Chiffres de l’immigration 2019 (2020)).

La directive européenne de 2003 pose un cadre commun aux 27 États membres sur le regroupement familial mais leur laisse une marge de manœuvre quant à ses conditions d’application. C’est dans ce cadre que les pays ont adopté des règles plus ou moins restrictives d’accès au regroupement familial, sans jamais le supprimer totalement, ce qui contreviendrait aux normes européennes. Une étude comparative sur ce sujet été menée auprès des 28 États membres par le European Migration Network, coordonnée par la Commission européenne, en avril 2017.

Si la plupart des pays exigent un logement adapté à la taille de la famille et répondant aux normes de santé et sécurité, la preuve d’un logement convenable n’est pas une exigence en Croatie, en Irlande, aux Pays-Bas et en Slovénie. De plus, dans la plupart des États membres, l’assurance maladie est une exigence pour que les regroupants ou les membres de leur famille puissent exercer le droit au regroupement familial. À cet égard, une minorité d’États accordent, à l’image de la France, des allocations familiales à l’issue du regroupement familial : c’est notamment le cas du Danemark, de la Suède et de l’Estonie.

Le seuil de ressources financières suffisantes pour être éligible au regroupement familial, qui se situe au niveau du revenu mensuel minimum dans la plupart des États membres comme la France, peut s’élever jusqu’à 12 fois le minimum vital mensuel dans des pays comme la Belgique, la Pologne ou la Slovaquie. Il varie généralement en fonction du nombre de personnes à charge dans la famille. Certains pays comme la Finlande y incluent les prestations sociales auxquelles la famille peut aspirer en droit interne et d’autres ne fixent pas de seuil de revenu, évaluant la situation des regroupants au cas par cas (Chypre et Hongrie notamment).

Les mesures d’intégration à destination des familles d’immigrés sont aussi un élément sensible qui distingue les pays européens. Si la plupart des États membres ne demandent pas de preuves d’intégration comme préalable au regroupement familial, certains les exigent à des degrés divers. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni imposent aux membres de la famille de passer un « examen d’intégration civique », pour démontrer notamment un niveau de langue élémentaire en néerlandais et en anglais. L’Allemagne et l’Autriche demandent une maîtrise des compétences linguistiques de base, correspondant au niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Après leur admission sur le territoire, certains États comme la Belgique, l’Allemagne ou l’Estonie imposent des programmes d’intégration plus complets, incluant des cours sur l’histoire et les valeurs du pays ou encore l’orientation sociale et professionnelle des nouveaux arrivants.

En France, les membres de la famille rejoignant le résident doivent, dès leur arrivée sur le territoire, participer à un processus d’intégration appelé Contrat d’intégration républicaine (CIR). Ce parcours comprend une formation civique relative aux principes, valeurs et institutions de la République. Il porte également sur l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France et sur l’organisation de la société française. Une formation linguistique est prévue en plus d’un accompagnement adapté aux besoins des nouveaux arrivants pour faciliter leurs conditions d’accueil et d’intégration.

De nombreux États ne fixent pas de période de résidence minimale avant de pouvoir introduire une demande de regroupement familial. Lorsqu’elle existe, cette période d’attente est comprise entre un an (Espagne, Luxembourg, Irlande) et trois ans (Autriche et Danemark). Dans le cas de l’Autriche, le regroupement familial est soumis à un quota, ce qui entraîne des retards potentiels s’il est déjà atteint. En outre, la directive de 2003 prescrit un délai de traitement de la demande qui ne doit pas dépasser 9 mois. En juillet 2021, le Danemark a été condamné par la CEDH pour avoir conditionné l’exercice du regroupement familial à un délai de trois ans sans procéder à une appréciation au cas par cas de la situation des demandeurs. En France, les étrangers peuvent demander le regroupement familial à partir de 18 mois de résidence régulière sur le territoire.

Enfin, la possibilité de rejeter une demande de regroupement familial pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique existe dans la plupart des États membres bien qu’elle n’inclue pas toujours des considérations de santé publique (Suède et Pologne). En France, l’article L434-6 du CESEDA précise également que les membres de la famille peuvent être exclus du regroupement familial si leur présence en France constitue une menace pour l’ordre public et/ou un danger pour la santé publique. Dans la pratique, les États membres indiquent qu’ils rejettent rarement une demande de regroupement familial pour de tels motifs.

Mise en œuvre

Les personnes concernées par cette mesure sont les étrangers de pays tiers à l’UE résidants en France de façon régulière depuis plus de 18 mois ainsi que leur conjoint et leurs enfants mineurs.

Pour que la proposition soit appliquée, elle devra outrepasser de nombreux obstacles réglementaires. En effet, le regroupement familial est non seulement protégé à l’échelle constitutionnelle en France, mais fait également l’objet d’un cadre juridique européen et international contraignant.

Pour supprimer le regroupement familial, le candidat ne pourra pas passer par une simple loi car il risque d’être censuré à un double titre : d’une part par le Conseil constitutionnel au titre de la contrariété de la mesure avec la Constitution française. D’autre part par les tribunaux ordinaires français dans le cadre du contrôle de conventionalité. En effet, les traités ratifiés par la France, tel que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ont une valeur supérieure à la loi en droit français et les juges peuvent contrôler la compatibilité des lois votées par le Parlement avec les traités internationaux signés par la France, qui protègent le droit au respect de la vie familiale.

Le candidat devra donc probablement dans un premier temps initier une révision constitutionnelle afin de rendre les nouvelles restrictions conformes à la Constitution. Mais cette révision ne suffirait pas car elle se heurterait de facto au droit européen et conventionnel. Le candidat devra donc dans un second temps négocier une modification des directives européennes, nécessitant le déclenchement d’une nouvelle procédure législative à l’échelle du Conseil et du Parlement européen, pour mettre les nouvelles normes françaises en conformité avec le cadre juridique communautaire, au risque d’être rappelé à l’ordre et sanctionné par les autorités de l’Union, voir condamné par la Cour de justice de l’UE. Même une modification du cadre européen ne réglerait pas totalement le problème car la mesure continuerait de se heurter au droit international. Il faudrait alors également renégocier des conventions internationales auxquelles la France a adhéré ou en sortir afin de modifier librement le cadre juridique national, ce qui susciterait sans doute une opposition politique nationale et internationale considérable.

(1) Ministère de l’Intérieur, Les chiffres clés de l’immigration 2019 (2020).

(2) Conseil d’Analyse Économique, L’immigration qualifiée : un visa pour la croissance, Les notes du CAE n°67, novembre 2021.

(3) Catégories d’âge qui correspondent à la vie active (entre 25 et 60 ans), c’est-à-dire à la période de la vie où les individus pèsent moins sur les budgets de l’éducation et des retraites, tout en versant des cotisations sociales et en acquittant des impôts et des taxes.

(4) Chojnicki X., N.P. Sokhna et L. Ragot (2021) : « L’impact budgétaire de 30 ans d’immigration en France ; (I) Une approche comptable », Revue Économique, in Ragot L. (2021) p.6.

(5) OCDE, Perspectives des migrations internationales 2013, Chapitre 3, L’impact fiscal de l’immigration dans les pays de l’OCDE, 2013.

(6) Ibid.

(7) Ibid.

La France
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Où en est la France depuis 2012,
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