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07/12/2020

"Un pas en avant pour l’union bancaire"

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 Édouard Vidon
Auteur
Directeur des politiques européennes et multilatérales de la Banque de France

La crise du coronavirus accélère le renforcement de l’intégration européenne. Les ministres des Finances des 27 États membres de l’Union européenne se sont en effet entendus pour que le Mécanisme Européen de Stabilité, ce fonds de sauvegarde créé en 2012 quand l’union monétaire menaçait d’exploser, puisse intervenir, en dernier ressort, en cas de crise bancaire. En quoi cet accord représente-t-il une avancée déterminante? Décryptage par Édouard Vidon, Directeur des politiques européennes à la Banque de France. 

À quelques jours du sommet de la zone euro, l’Eurogroupe a annoncé le 1er décembre avoir trouvé un accord qui ouvre la voie à la signature du traité révisé sur le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). C’est une avancée concrète qui avait été retardée par la crise Covid, mais qui est à mettre au crédit de la présidence allemande de l’Union européenne de ce 2e semestre 2020.

Cette réforme du MES permet en effet la mise en place du filet de sécurité du Fonds de Résolution Unique (FRU), composante essentielle du pilier "résolution" de l’union bancaire : ce backstop prendra donc la forme d’une ligne de crédit renouvelable auprès du MES, dont l’objet est de renflouer le FRU si celui-ci venait à être épuisé. 

Surtout, ce filet de sécurité pourra être introduit d’ici début 2022, c’est-à-dire par anticipation par rapport au calendrier précédemment envisagé. Cette accélération est rendue possible par la réduction significative des risques bancaires constatée ces dernières années dans la plupart des économies concernées, qui permet aux banques de faire preuve de résilience face au choc en cours.

L’union bancaire ne sera réellement aboutie que lorsqu’auront émergé de véritables groupes bancaires paneuropéens.

Comme l’a indiqué le Gouverneur Villeroy dans son discours du 27 novembre à l’ACPR : "La crise a, à ce stade, un impact réel mais supportable sur les institutions financières grâce à des fondamentaux solides et au soutien des autorités publiques". Le contexte justifie donc une vigilance renforcée sur la santé du système financier, et la consolidation du pilier résolution de l’union bancaire est une contribution importante à la confiance et la stabilité.

Le chantier de l’union bancaire n’est pas achevé pour autant, et les discussions se poursuivent à un niveau technique sur plusieurs sujets liés, qui sont encore loin de faire l’objet d’un accord politique :

  • Le réexamen du cadre de gestion des crises bancaires est en cours, avec la revue de la directive BRRD à l’horizon de la fin 2021 : il s’agit de rendre ce cadre plus efficient et cohérent, sur la base des premières expériences dans son utilisation. Le principe qui veut que les pertes d’un établissement défaillant soient supportées par les créanciers bancaires a en effet connu des exceptions.
     
  • Le projet d’un système européen de garantie des dépôts (EDIS) est toujours en débat : une architecture envisageable serait celle d’un mécanisme assurant la couverture des besoins en liquidité des systèmes nationaux de garantie de dépôts. Ceci permettrait une protection robuste des déposants, mais la possibilité d’une mutualisation supplémentaire reste controversée.
     
  • Le sujet du traitement prudentiel des dettes souveraines reste motivé par la préoccupation d’origine de l’union bancaire : éviter les spirales de risques entre banques et États. Il ressurgit en raison des effets de la réponse à la crise Covid sur l’endettement public, mais pourrait aussi être renouvelé par la perspective d’une dette commune européenne à l’occasion du plan de relance.

Quels que soient les progrès qui pourront être réalisés sur ces chantiers en 2021, l’union bancaire ne sera réellement aboutie que lorsqu’auront émergé de véritables groupes bancaires paneuropéens. Cette perspective devrait être renforcée par l’enjeu de profitabilité qui continue de peser sur les banques européennes. La levée des obstacles résiduels à une consolidation transfrontière de l’industrie bancaire nécessitera une convergence de vues entre pays "home" et "host".

Enfin, un complément essentiel de l’union bancaire reste la réalisation de l’union des marchés de capitaux, qui a trouvé un second souffle avec un nouveau plan d’action. Si l’ambition politique en est maintenue, ce projet devrait favoriser l’émergence d’un système véritablement polycentrique dans la construction de l’espace financier européen post-Brexit. Dans le contexte du plan de relance, le parachèvement d’une telle union de financement valoriserait l’abondante épargne européenne au profit de l’investissement et de l’innovation.

 

 

Copyright : HANNIBAL HANSCHKE / POOL / AFP

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