Les généraux ont déclaré l’état d’urgence, dissout le conseil de souveraineté et le gouvernement, arrêté la plupart de leurs membres ainsi que des dizaines de journalistes, pris le contrôle des médias et coupé internet. Pour parfaire le tableau, ils ont annoncé la dissolution des associations professionnelles, pensant ainsi éliminer toutes les structures du mouvement civil, et déployé les forces dites de "soutien rapide" - une milice aux ordres du général Hamdan, adjoint du général Bourhan - et d’autres groupes paramilitaires dans la capitale et les grandes villes.
Sur le plan intérieur, les généraux bénéficient du soutien des fouloul, survivances de l’ancien régime, et s'appuient sur les unités paramilitaires. Néanmoins, ils n’ont pas l’appui de partis politiques. À l’extérieur, ils estiment pouvoir compter sur quelques dirigeants clé du monde arabe, notamment le prince héritier Mohammed ben Salmane d’Arabie saoudite et le Sheikh Mohammed ben Zayed des Émirats arabes unis. Le Président Poutine continue également de courtiser les militaires soudanais qui s’efforcent de concilier les appétits des uns et des autres. Le refus de la Russie de condamner le coup d’État a ainsi motivé une formulation très prudente de la résolution votée par le Conseil de sécurité au lendemain de la prise du pouvoir par les généraux.
Les civils ont tout pour réussir
Combien de pays sont soumis au pouvoir de militaires sous prétexte que l’alternative civile n’est pas crédible ? Au Soudan, ce n’est pourtant plus le cas : cette fois, les militaires n’ont plus en face d’eux de simples activistes meneurs de manifestations, mais bien un camp organisé. Une coalition d’associations professionnelles et de la société civile, dont un puissant mouvement féministe et des comités populaires de quartiers, leur tiennent tête. Plus que les partis politiques, cette coalition sert d’appui aux dirigeants civils. Les syndicats et associations professionnelles sont plus actifs que jamais, et l’ordre de désobéissance civile qu’ils ont lancé continue d’être suivi avec une grève générale qui paralyse le pays. Outre son ancrage populaire, la coalition peut surtout compter sur l’appui d’une bonne partie de l’armée régulière, qui voit son autorité défiée par les milices. Enfin, les institutions civiles jouissent d’une forte légitimité internationale. Depuis la création du conseil de souveraineté, les pays occidentaux mettent tout en œuvre pour renforcer le pouvoir des civils en son sein. Ainsi, la suppression du Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme par les États-Unis devait contribuer à renforcer les moyens du gouvernement Hamdok pour exercer son contrôle sur les activités économiques des généraux.
Que peut faire la communauté internationale ?
Pour soulager les finances du pays, la France avait organisé une conférence spéciale au printemps 2021 au cours de laquelle les pays riches avaient accordé au Soudan diverses facilités pour aider le pays à rembourser sa dette de plus de 50 milliards d’euros. Il reste que ces aides étaient conditionnées par un plan de redressement dont le coût social s’est avéré insupportable et a enflammé la colère populaire.
À la veille du coup d'État, l’envoyé spécial américain avait clairement mis en garde les militaires que des millions de dollars d’aide seraient bloqués s’ils tentaient de prendre le pouvoir par la force. Le général Bourhan est passé outre ces avertissements, et les condamnations internationales ne se sont pas faites attendre. Les États-Unis, l’Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International ont suspendu les aides promises au pays, et l’Union africaine a suspendu la représentation du Soudan en son sein.
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