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16/10/2017

Politique migratoire en Allemagne : revirement ou retour à la normale ?

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Politique migratoire en Allemagne : revirement ou retour à la normale ?
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En septembre 2015, Angela Merkel a décidé d’ouvrir ses frontières aux réfugiés qui affluent en Europe. Cette “décision exceptionnelle” a conduit à l’entrée de 1,1 million de demandeurs d’asile au cours de l’année 2015. Les dernières élections législatives de septembre ont consacré l’affaiblissement de la chancelière. Le score historique du parti xénophobe, l’AfD, qui entre au Bundestag après avoir consacré une majeure partie de sa campagne au rejet de l’immigration, remet en cause la politique migratoire menée par la chancelière ces dernières années. À tel point qu’elle a accepté pour la première fois le 8 octobre dernier le principe d’un plafonnement annuel des entrées dans le pays. Michaela Wiegel, correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, nous livre son analyse.


Les récentes déclarations d'Angela Merkel concernant sa politique migratoire représentent-elles un tournant important par rapport à la politique menée ces dernières années ?

On ne peut comprendre ces déclarations que dans le contexte des négociations gouvernementales actuelles, en l’occurrence entre deux partis soeurs : la CDU de Merkel et la CSU bavaroise. La CSU, qui a obtenu des résultats très décevants en Bavière aux dernières élections, se voit de plus en plus concurrencée par l’AfD. Le parti bavarois tient pour responsable de son enlisement la politique migratoire d’Angela Merkel et a donc réclamé des concessions sur ce point. Les négociations n’ont pas permis de fixer un nombre exact mais de limiter à 200 000 par an le nombre d’entrées sur le territoire allemand. Cet accord pour le moins flou est caractérisé par l’expression étrange qui lui a été consacrée de “limite qui respire”.
 
Loin de constituer un véritable tournant dans la politique migratoire, il symbolise la volonté de reprendre le contrôle des entrées sur le territoire en Allemagne, anticipant les élections en Bavière qui se tiendront l’année prochaine. Angela Merkel avait en effet prévenu que l’accueil massif de réfugiés en Allemagne des dernières années constituait une mesure exceptionnelle pour répondre à une crise migratoire non moins exceptionnelle. Ces déclarations ne sont donc pas le symptôme d’un revirement de politique de la part de la chancelière, mais bien une réaffirmation du caractère exceptionnel de sa décision d’accueil massif depuis 2015, décision qu’elle assume entièrement.

La question de l'immigration joue-t-elle un rôle central dans les négociations en cours concernant la future coalition gouvernementale ?

Les négociations viennent tout juste de commencer et l’accord passé entre la CDU et la CSU n’est qu’un préalable à l’ouverture de celles-ci. La question de l’immigration pèse lourdement sur les débats politiques en Bavière en raison de sa position géographique. Étant située à la frontière avec l’Autriche, elle-même voisine de la Hongrie, elle se trouvait au premier plan d’une des routes empruntées par les migrants voulant s’établir en Europe de l’Ouest.
 
L’immigration n’est cependant pas un thème central des négociations gouvernementales qui s’ouvrent à peine, car les Verts sont en faveur de l’accueil de migrants tandis que le FDP entretient une très forte relation avec les organisations patronales, elles aussi favorables à l’accueil de migrants, qui représentent une main d’œuvre dont l’Allemagne a besoin.
 
Cela étant, la nouvelle coalition gouvernementale se doit de prendre en compte la montée de l’AfD, qui a fait de l’immigration un des thèmes majeurs de sa campagne. Il est donc nécessaire de s’adresser aux électeurs de l’AfD, qui révèlent en Allemagne une peur des mouvements migratoires. Ces messages de méfiance doivent être pris en considération en montrant notamment une meilleure coordination européenne dans la maîtrise de l’immigration.

Quelle est la perception par les responsables politiques allemands de la politique migratoire française ?

Le sentiment largement partagé dans le pays est celui que la France, au cours du dernier quinquennat, n’a pas soutenu l’Allemagne ni les autres pays européens dans le partage du fardeau. Cependant, les récentes déclarations d’Emmanuel Macron quant au projet d’accueil de 10 000 réfugiés - ce qui constitue une partie conséquente des 50 000 que l’Union européenne a annoncé vouloir accepter et répartir entre les États membres - ont été largement saluées en Allemagne.
 
Les responsables politiques allemands ont particulièrement bien accueilli la proposition du président français d’européaniser la politique migratoire, notamment à travers un meilleur contrôle des frontières extérieures européennes et des moyens d’échange d’information plus efficaces, dans le cadre d’un office européen de l’asile. Par ce biais, une demande d’asile ayant échoué dans un pays ne pourra plus être réitérée dans un autre pays de l’Union, permettant ainsi de désengorger les services dédiés.
 
De manière générale, un rapprochement franco-allemand semble possible sur les questions migratoires.

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