En Syrie, le Hezbollah s’est lancé directement dans la bataille en 2013, lorsque le régime s’est trouvé en difficulté, et a chèrement payé pour empêcher la chute d’Assad, qui aurait signifié la perte de la principale voie terrestre de livraison au Hezbollah d’armes stratégiques venant d’Iran. Une fois le pouvoir d’Assad consolidé, la Syrie et, plus récemment, l’Irak servent de terrain d’essai pour tester la portée et la précision des missiles balistiques, conduisant Israël à élargir le champ de ses raids pour y ajouter l’Irak après le Liban et la Syrie.
La Syrie a été un formidable théâtre d’expérience pour les combattants chiites, notamment du Hezbollah, dans l’organisation de grandes offensives et la coordination avec les forces aériennes russes. Pour les besoins du combat, l’Iran a dû élargir le cercle de recrutement à des combattants chiites afghans et pakistanais. De leur côté, les djihadistes sunnites ont étendu leur aire de recrutement, entretenant ainsi l’engrenage mortifère de deux djihadismes se nourrissant l’un l’autre. Tout cela a contribué à l’affaiblissement, en Iran, des partisans de l’apaisement et renforcé le courant des idéologues radicaux pour qui la faute originelle revient aux États-Unis. "À ceux qui demandent pourquoi nous sommes allés en Syrie, demandez-leur qui a autorisé les Américains à occuper des pays", résume un commandant des Gardiens de la Révolution à Damas.
Saigné à blanc
L’Iran est saigné à blanc par sa stratégie d’expansion régionale. Certes, les sanctions sont partiellement responsables des difficultés internes du pays, mais les slogans des manifestants en 2017 étaient "laissez la Syrie tranquille, pensez à nous". La fuite des cerveaux est la plus élevée au monde dans un pays aux ressources si importantes. Face à la pandémie de Covid-19, l'État s’est montré inapte à gérer la situation. Les sites religieux, lieux de ferveur partagée sont devenus le symbole de la propagation de la pandémie, et le doute quant à la légitimité de la République islamique touche la base sociale du régime. Pour les interlocuteurs étrangers de l’Iran, il faut compter avec un régime contesté à l’intérieur et sur la défensive à l’extérieur.
Une nouvelle source d’inquiétude pour la République islamique est apparue avec la signature par les Émirats arabes unis des accords dits "Abraham" car ceux-ci mettent gravement en péril la profondeur stratégique que l’Iran entend acquérir grâce à son bouclier militaro-confessionnel régional. Israël vient en effet de mettre un pied dans le voisinage direct de l’Iran, ce qui rend ce dernier hautement vulnérable aux opérations d’espionnage et de pénétration.
Au lendemain de l’élection de Joe Biden, l’Arabie saoudite avait donné un premier signe d’apaisement en direction de Téhéran. Volonté de détente ou crainte que les négociations de Vienne aboutissent prochainement à un accord qui laisserait Riyadh nu ? L’objectif principal de l’Arabie est de négocier le retrait de ses forces du Yémen sans perdre la face, signe pour l’Iran que sa politique d’intimidation porte ses fruits. Mais l’Iran a une raison importante de coopérer : il lui faut impérativement dissuader le Royaume de normaliser ses relations avec Israël, à l’instar des Émirats, faute de quoi son bouclier militaro-confessionnel perdrait de son efficacité.
Les choix des Occidentaux
L’Iran renoncerait-il sous certaines conditions au formidable pouvoir qu’il a acquis grâce à sa galaxie régionale ? De l’avis de nombreux Iraniens mais aussi d’experts occidentaux, la République islamique attache davantage d’importance sur le plan stratégique à ses milices déployées dans la région qu’à son programme militaire nucléaire, voire même balistique.
Si l’on part de l’idée que la nature du régime et son obsession de survie déterminent son comportement prédateur, alors comment traiter avec l’Iran ? Poursuivre la stratégie d’asphyxie menée par Donald Trump en considérant que le régime est aux abois ? S’attendre à ce qu’il s’effondre en prétendant qu’il porte en lui les germes de sa propre destruction ? Il faut se rendre à l’évidence : personne, et certainement pas les Occidentaux, n’a les moyens de produire l’antidote qui achèvera le régime doctrinaire.
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