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11/10/2017

L’université de demain : former par et pour le numérique

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L’université de demain : former par et pour le numérique
 Leïla Ferrali
Auteur
Chargée d'études - Education, Emploi

Le 26 septembre dernier, le président de la République portait dans son discours de la Sorbonne une vision rénovée de la construction européenne. Le choix du lieu, loin d’être anodin, présageait de l’importance accordée à l’enseignement et à la recherche dans cette construction renouvelée. Un mois après une rentrée universitaire pour le moins mouvementée, focalisée sur les questions d’affectation, quels premiers projets proposés par l’exécutif ? Quelles priorités pour les cinq ans à venir ? Décryptage. 

Excellence universitaire : une ambition européenne avant tout

Dans la continuité du Processus de Bologne, entamé en 1998 et qui fêtera ses 20 ans l’an prochain, Emmanuel Macron souhaite parfaire l’intégration des systèmes d’enseignement et de recherche européens, en créant à l’horizon 2024 une vingtaine d’universités européennes. Ces établissements d’un nouveau genre permettraient de décupler les échanges culturels et linguistiques et se positionneraient comme centres majeurs d’innovation et d’excellence en Europe et à l’international. La lecture des derniers classements internationaux donne à cet objectif un caractère pour le moins urgent : aucun établissement français ne figure dans le top 100 thématique du Times Higher Education en droit et en éducation, seuls trois en arts et humanités, deux en sciences sociales et un en commerce et sciences économiques.

Se saisir du numérique pour bâtir des référentiels communs

Dans son rapport publié en juin 2017 "Enseignement supérieur et numérique : connectez-vous !", l’Institut Montaigne poursuit ce même objectif et va plus loin encore. L’Institut propose ainsi de miser sur le numérique pour créer des synergies plus fortes entre les espaces d’enseignement supérieur et de recherche européens. Il suggère de favoriser les échanges virtuels entre étudiants de pays et de parcours académiques différents par la création de formations à distance communes. L’enjeu serait alors d’étendre le dispositif des crédits ECTS à ces formations, et de les intégrer à un passeport digital européen, afin de générer une nouvelle forme de mobilité et d’innovation transeuropéenne.  

Le rapport part du constat que nos universités, en France comme ailleurs en Europe, font aujourd’hui face à un double défi  : former les futures générations aux métiers d’avenir que sont les métiers du numérique ; refonder les  offres de formation en saisissant les opportunités ouvertes par le digital. A l’horizon 2020, près de 750 000 emplois seront vacants dans le secteur des NTIC et 1,5 million d’emplois dans le domaine de la cyber sécurité. Comme le souligne Gilles Babinet, co-auteur de ce rapport « c’est bien “par” le numérique que l’on créera les formations dont nous avons besoin “pour” le numérique et son écosystème ».

L’université face à ses échecs 

Notre système d’enseignement supérieur, étouffé par la massification, est aujourd’hui à bout de souffle : le taux de réussite avoisine à peine les 40 % en première année de licence, et seuls 26 % des étudiants d’une cohorte obtiennent leur diplôme en trois ans. En 2015, la France comptait 1,8 million de jeunes sans éducation, ni formation, ni emploi. Si, en cette rentrée, le débat s’est focalisé sur les défaillances de notre système d’orientation, matérialisé par le dispositif Admission Post-Bac (APB), il est à souligner que la France, comparée à ses voisins européens, accuse également un retard certain en termes d’usages du numérique dans son système d’enseignement supérieur. Or les outils numériques peuvent apporter de nombreuses solutions à ses problèmes. 

Ouvrir l’université à de nouveaux publics

Le numérique apporte une nouvelle chance à l’université, celle de s’ouvrir à de nouveaux publics d’apprenants, et ainsi donner un nouvel élan à la démocratisation de son accès. Grâce aux formations en ligne ou à distance, les contraintes de nature physique, tel que l’éloignement des centres urbains où se concentre l’offre académique et socio-économique, pourraient être dépassées. Il serait ainsi possible d’étendre l’accès au savoir aux publics en situation d’exclusion telles que les personnes en situation de handicap, ou encore les jeunes qui vivent en quartiers périurbains et ruraux eu dotés en formation et en emploi.  

Pour aller plus loin, les universités gagneraient à ouvrir une offre de formation continue payante auprès des entreprises et des services publics de l’emploi et de l’insertion. Cette mesure contribuerait ainsi à rapprocher les universités de la réalité des entreprises et des compétences aujourd’hui recherchées sur le marché du travail, tout en augmentant les ressources propres des établissements, aujourd’hui trop dépendants des dotations publiques. 

Cette ouverture ne pourra se mettre en place sans une véritable rupture dans la gestion et l’organisation de nos universités. Il paraît ainsi impératif de parachever l’autonomie des établissements, afin qu’ils soient garants de leurs propres données, et responsables dans la mobilisation de ressources financières nouvelles

Cette autonomie passerait ainsi par le développement d’outils numériques permettant la collecte de données sur les établissements et leurs performances. Ces dernières constitueraient une mine d’informations sans égal pour renforcer le pilotage des établissements et définir une allocation efficace des ressources, en termes humains et financiers. Les directions d’universités pourraient déterminer les filières les plus prisées par les étudiants, celles offrant le meilleur taux d’insertion une fois diplômé, ou encore déterminer le nombre d’enseignants-chercheurs selon leur domaine de recherche et leur réputation. L’apport de ces données serait également bénéfique pour les étudiants dans leur choix d’orientation, leur permettant de mesurer la qualité des formations et d’apprécier leurs perspectives d’insertion.    

Développer la pédagogie numérique 

L’introduction du numérique dans les parcours universitaires appelle un changement radical de nos pratiques pédagogiques, et induit en parallèle la diversification des parcours et profils des étudiants. 

Alors qu’internet, au même titre que les bibliothèques numériques, constitue une source infinie de ressources disponibles, l’enjeu ne réside plus dans la transmission pure de connaissances, mais plutôt dans la mise en œuvre des conditions qui permettent à chaque étudiant de libérer son plein potentiel et de devenir autonome dans son apprentissage. L’étudiant doit apprendre à apprendre, sans toutefois perdre de vue le développement de son esprit critique et de sa créativité. 

Le numérique permet cette révolution par l’introduction de nouvelles pratiques telles que la classe inversée (ou flipped classroom), qui implique l’usage fréquent - mais non exclusif - d’outils numériques (ordinateurs, tablettes, serious games etc.). Il s’agit d’une pratique pédagogique qui vise à inverser les rôles entre enseignants et étudiants afin de redonner le rôle actif aux élèves. Basée sur le savoir acquis librement par les élèves, elle encourage l’interaction entre eux et permet de libérer du temps à un accompagnement personnalisé par l’enseignant. 

Pour poursuivre cette discussion, un débat entre Madame Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur Mounir Mahjoubi, secrétaire d’état auprès du Premier Ministre chargé du Numérique et Monsieur Edouard Husson, vice-président de l'Université Paris Sciences & Lettres et auteur du rapport de l’Institut Montaigne, aura lieu à Sciences Po le 17 octobre 2017. Détails et inscriptions.

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