Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
29/05/2020

L'IA au service de l'éducation : pour quoi faire ?

Trois questions à Christophe Gomes

L'IA au service de l'éducation : pour quoi faire ?
 Christophe Gomes
Directeur d'Agir pour l'école

La formation Objectif IA développée par l’Institut Montaigne et OpenClassrooms en partenariat avec la Fondation Abeona présente certains exemples d'initiatives qui font usage d'intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation, par exemple pour complémenter l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. En quoi l’IA et l’apprentissage machine peuvent-elles être utilisées au service de notre propre apprentissage ? Analyse de Christophe Gomes, directeur d’Agir pour l'école

Nous parlons très souvent de l'importance de se former aux métiers du numérique et de comprendre les nouvelles technologies qui émergent, comme l'intelligence artificielle. Mais cette technologie peut-elle aussi nous aider à nous former et à apprendre ? 

Il est en effet primordial de se former à ce monde qui vient, qui est même déjà tout à fait là. Comprendre les nouveaux développements de ces technologies pas si nouvelles et leurs enjeux est crucial pour le décideur public ou privé, l’enseignant ou l’élève plus ou moins avancé, le consommateur et le citoyen qui voient leurs vies traversées par l’intelligence artificielle.
 
C’est nécessaire, ne serait-ce que pour sortir d’un certain nombre de craintes ou d’espoirs, fondés ou pas, vis-à-vis de cette technologie. Cela permet aussi de ne pas appréhender cet usage par le seul temps passé devant un écran ou le seul point de savoir si cela remplace les professeurs dans le champ de l’éducation.
 
Incontestablement, cette technologie peut nous aider à nous former et à apprendre, car ces activités demandent par exemple un accès adapté et ciblé à un très grand nombre d’informations, et selon une temporalité qui peut considérablement varier d’un individu à l’autre, ce qui est tout à fait dans la capacité de cette technologie. Et à partir d’un usage même partiel, en aidant des tâches répétitives, même imparfait, en nécessitant d'abord un contrôle appuyé, elle peut progresser et s’affiner pour répondre plus efficacement aux problématiques que l’humain lui confiera.

L'IA peut progresser et s’affiner pour répondre plus efficacement aux problématiques que l’humain lui confiera

Bien sûr, les enjeux de l’apprentissage et de la formation ne sont pas que ceux qui viennent d’être cités mais certaines contraintes limitent souvent les possibilités de réalisation pour un grand nombre d’élèves, quand cela repose uniquement sur l’intervention humaine : une journée d’école à ses limites, l’année scolaire n’est pas sans fin et les professeurs ne peuvent être partout à la fois, pour tous et immédiatement sous la forme qui conviendra à chacun.

Cette technologie est donc très utile dès aujourd’hui et son usage, intense et étendu, en l’enrichissant, ouvrira de nouvelles possibilités encore, au service de tous les experts et donc des professeurs.

On comprend bien comment l'IA peut s'appliquer à des problèmes clairement définis. Dans le cadre de l'apprentissage, le problème n'est-il pas plus complexe et spécifique à chaque élève ? 

Le problème général est complexe et les élèves vivent tous différemment la difficulté, mais ne peut-on pas approcher cette complexité comme une somme de sous-questions, et la spécificité de chaque élève comme recoupant néanmoins certains schémas généraux ?
 
Et enfin, accepter que ni l’être humain à lui seul, étant donné le volume de la tâche et les contraintes de notre société, ni la machine seule, étant donné ses limites évidentes et sa subtilité artificielle, ne pourront résoudre les défis majeurs qui se posent à l’éducation, permettrait de dessiner la voie d’une collaboration, d’un usage pertinent des possibilités que les deux ont à offrir.
 
La même interrogation sur le potentiel de l’application de l’intelligence artificielle traverse la médecine, pour des patients tous différents, et des pathologies ne s’exprimant jamais tout à fait à l’identique d’une personne à l’autre. Les usages y sont déjà pourtant légion et les métiers évoluent au contact de ces outils qui promettent des améliorations considérables des prises en charge, de l’accompagnement et des traitements.
 
Bien sûr, pour l’éducation comme pour la médecine, ces outils doivent être entourés de toutes les précautions éthiques et juridiques qui préserveront le respect, le bien-être et les droits des individus qui les utiliseront ou en bénéficieront.

Les enjeux d’égalité des chances, les destins brisés par le décrochage scolaire, les inégalités liées aux territoires isolés sont des difficultés majeures qui motivent toute la communauté éducative et au-delà à trouver toutes les voies qui permettront d’y répondre.

Repousser l’usage des outils numériques et de l’intelligence artificielle car ils seraient aujourd’hui imparfaits nous priverait d’une ressource précieuse pour répondre à ces problèmes majeurs qui condamnent encore trop d’élèves et frustrent profondément tant de professeurs.

Ces outils doivent être entourés de toutes les précautions éthiques et juridiques qui préserveront le respect, le bien-être et les droits des individus. 

Comment ces outils s'articulent-ils avec le travail des professeurs ? 

Tout d’abord, l’objectif n’est pas de concurrencer l’humain mais de l’équiper d’un outil qui augmente ses possibilités, qui donne à sa subtilité, son expertise et son intuition un impact plus grand encore. Nous savons le poids de l’échec scolaire, nous savons la souffrance du décrochage, et ces situations ne sont pas le fait d’un manque d’intérêt, d’effort ou d’implication des professeurs envers leurs élèves. La période récente de la crise sanitaire montre au contraire leur engagement total pour leur mission.

Mais c’est souvent le manque de temps, et le niveau aigu de ces difficultés en certains lieux qui conduit à ces conclusions malgré l’investissement tenace de toute la communauté éducative. Certaines des tâches effectuées quotidiennement en classe requièrent l’intervention humaine et changer cela altèrerait considérablement leur efficacité et le bien-être des élèves. D’autres en revanche, très chronophages peuvent être prises en charge par une machine précisément configurée pour cet usage.
 
Comme pour la pratique d’un instrument, le développement des fondamentaux, lire, écrire et compter impose par exemple de faire des gammes, de répéter encore et encore pour s’assurer. Chacun à son rythme, et certains avec une adaptation de mise en forme, d’espacement des lettres, d’aménagement des couleurs ou de l’énoncé doit pouvoir progresser sans limites.

Cette grande adaptabilité est depuis toujours dans le savoir-faire des professeurs et de tous les personnels de la communauté éducative. En déléguant certaines de ces tâches à une machine, ils ne perdent rien de ce savoir-faire, ils peuvent suivre la progression des élèves et décider de la plus grande différenciation pédagogique pour que chacun puisse exprimer tout son potentiel et qu’aucun ne reste sur le bord du chemin.
 
Dans une configuration comme celle-ci, les professeurs retrouvent du temps et de l’attention pour répondre aux sujets qu’eux seuls savent et peuvent traiter, de l’espace pour orchestrer l’application de cette technologie là où elle est pertinente. Et se consacrer davantage eux-mêmes à accompagner le développement de leurs élèves et la découverte de l’interconnexion de tous les savoirs que chacun pourra acquérir, peu importe son niveau de départ.

 

{"preview_thumbnail":"/ressources/styles/video_embed_wysiwyg_preview/public/video_thumbnails/36fl7kNuvcI.jpg?itok=aSzkV2zs","video_url":"https://youtu.be/36fl7kNuvcI","settings":{"responsive":1,"width":"854","height":"480","autoplay":0},"settings_summary":["Embedded Video (Adaptatif)."]}

 

Relevez le défi :  inscrivez-vous !

 

Partagez le défi sur les réseaux sociaux avec le mot clé #ObjectifIA

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne