Dernier constat : cette campagne est marquée par la crise d'identité qui sévit toujours chez Les Républicains (LR) - qui, il faut le souligner, était la première force d’opposition au Parlement sur la législature qui se termine en juin. Le parti fondé en 2015 par Nicolas Sarkozy semble aujourd’hui en position d’attente, espérant sans doute que les résultats des 12 et 19 juin prochains leur permettent de résoudre ce questionnement existentiel. Si le groupe autour du Président Macron ne devait pas disposer d’une majorité, LR pourrait décider de prendre part, d’une certaine manière, au projet présidentiel. Dans ce scénario, et avec l’arrivée de la NUPES, le clivage gauche/droite prendrait un nouveau tournant. Pour autant, la crise de leadership du parti ne sera sans doute pas résolue dans les prochaines semaines : le successeur de Christian Jacob, président des Républicains, devrait être désigné à l’automne prochain.
Force est de constater que, compte tenu de ces quatre axes structurants, les élections prochaines s’écartent du scénario de 2017, au cours duquel le momentum de La République en marche avait consacré l’élection d’Emmanuel Macron deux mois plus tôt.
S’agissant des sondage enfin, à moins d’un mois du premier tour, ils nous permettent de capter les grandes tendances de l’opinion publique et confirment la coexistence de trois blocs : la majorité présidentielle, la gauche, désormais sous la bannières NUPES, et l’extrême droite portée par Marine Le Pen. Toutefois, deux points doivent être soulignés. Déjà, la campagne est encore devant nous - sa date officielle de lancement est le 20 mai - et l’on sait à quel point le temps d’une campagne est long. La nomination d’Élisabeth Borne à Matignon n’est qu’un des facteurs qui pourrait peser en amont du scrutin. L’union autour de la NUPES, qui permet à la gauche de jouir d’une belle visibilité, pourrait aussi avoir le temps de montrer ses premières failles, au moment où certains "éléphants" du Parti socialiste dénoncent l’accord. Ensuite, dans le cadre des élections législatives il est important de souligner que le transfert des voix en sièges n’est pas évident. Les estimations données à l’heure actuelle offrent des fourchettes assez larges, d’autant que les intentions de votes prises en compte sont nationales et non par circonscription, ce qui fausse l’analyse. Méthodologiquement, il y a un réel pas à franchir pour aller de la présidentielle aux législatives.
Dans une tribune du journal Le Monde, vous insistiez sur la "tectonique des plaques des partis politiques", tout en soulignant l’existence de 4 axes idéologiques disputés par plusieurs partis. Comment définir le système des partis et quels éléments caractérisent aujourd’hui un parti dans notre pays ?
Il convient de revenir aux sources de cette tectonique des plaques. Elle s’enracine, d’abord, dans une tendance de long terme. Dans cette perspective, l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 est un effet plus qu’une cause du changement. Cette dynamique commence en 1980 avec les scissions qui minent les partis politiques français autour des questions de la place de la France dans l’Europe, voire même dans le monde, et le modèle qu’elle doit adopter dans ce contexte. Ces débats se sont illustrés avec la naissance de la "deuxième gauche" sous Michel Rocard, et dans l’opposition à droite entre le RPR et l’UDF. Mais ces transformations de l’écosystème politique français peuvent aussi être analysées dans le plus court terme. Ici, Emmanuel Macron est plutôt la cause que l’effet. La création d’un bloc central, désormais appelé Ensemble !, a concrétisé le "rêve giscardien" qui visait déjà dans les années 1970 à bâtir une France de classe moyenne structurée autour d’une grande constellation centrale. À cet égard, la coexistence de trois blocs est plutôt une bonne nouvelle démocratiquement parlant, offrant deux pôles de confrontation au président de la République.
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