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07/01/2022

Investir intelligemment : choisir les bons acteurs

Investir intelligemment : choisir les bons acteurs
 Milo Rignell
Auteur
Expert associé - IA & Nouvelles Technologies

En réponse à l’impact économique de la crise du Covid-19 et aux défis numériques et environnementaux, l'Europe et ses États membres ont lancé des plans de relance et d'investissement pour l’avenir particulièrement ambitieux. Se pose la question non seulement des cibles d’investissement, mais aussi des leviers et des acteurs pour déployer ces montants colossaux et aboutir aux résultats escomptés. 
 
Pour aborder ces enjeux, l'Institut Montaigne et l'École du management et de l'innovation de Sciences Po organisent un cycle d'événements sur l'avenir de l'investissement en Europe. Cet article fait suite au quatrième événement sur l'articulation entre investissement public et investissement privé, avec Agnès Bénassy-Quéré, Chef économiste à la Direction Générale du Trésor ; Estelle Brachlianoff, COO de Veolia ; Denis Ribon, président d’ArchiMed ; et Natacha Valla, économiste et doyenne de l'École du management et de l'innovation de Sciences Po.

L’investissement a résisté à la crise du Covid-19

L’impact économique de la crise du Covid-19 représentait un réel risque pour l’investissement privé, comme le soulignait déjà l’Institut Montaigne en mai 2020. Néanmoins, l'environnement de taux faibles, l’investissement des entreprises pour s’adapter aux nouvelles conditions de travail et de télétravail et les mesures mises en place par le gouvernement - en particulier la baisse des impôts de production, les subventions à l'investissement privé, et le soutien au bilan des entreprises - ont permis de réduire l’effet de la baisse du PIB sur l’investissement habituellement constaté. Au troisième trimestre 2021, l’investissement se situe au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019, notamment pour l’investissement des ménages (+3,8 %) et des entreprises (+2,3 %). Les entreprises continuent à investir pour s’adapter aux défis qui émergent dans le sillon de la crise, les ménages investissent leur épargne accumulée - dans le logement notamment -, et les pouvoirs publics ont lancé des plans de relance inédits centrés sur l’investissement. 

En soutien à l’investissement privé, l'investissement public peut pallier les failles de marché et assurer la résilience de secteurs stratégiques

Si l’investissement public doit faire attention à ne pas évincer les acteurs privés, certains scénarios requièrent des interventions permettant de combler des failles de marché et de soutenir des secteurs stratégiques.

Des investissements défensifs sont nécessaires pour soutenir des secteurs à faible croissance, peu attractifs aux investisseurs privés.

Des investissements défensifs sont nécessaires pour soutenir des secteurs à faible croissance, peu attractifs aux investisseurs privés, mais dont l'érosion présente un risque de dépendance préjudiciable pour le pays. Un exemple récent concerne les ingrédients pharmaceutiques actifs, comme le paracétamol, dont la production avait très largement été confiée à la Chine et à l’Inde. Ces actions sont d’autant plus importantes que de nombreux pays se saisissent du relâchement des contraintes budgétaires induit par la pandémie pour eux aussi soutenir, voire repositionner, certaines industries clés.

Il existe néanmoins d’autres outils pour assurer la résilience de l’Europe en matière d’approvisionnement, tels que la diversification des sources et le stockage. Indépendamment de la stratégie adoptée, cette résilience ne pourra se construire efficacement à terme que de façon coordonnée, au niveau européen.
 
Le soutien d’investissements publics est également utile dans des industries à forte croissance mais dont la rentabilité des investissements dépasse l’horizon des cinq ans auquel se fient une grande partie des investisseurs privés. C’est notamment le cas de certains secteurs industriels, qui requièrent des investissements particulièrement lourds dont le point d’équilibre se situe au-delà de l’horizon des marchés. Dans ces cas, des subventions publiques à l’investissement privé permettent de ramener le cycle d’investissement dans la cible des acteurs privés. Par exemple, pour financer des usines de bioproduction, en couvrant 25 % de l’investissement total, les acteurs publics parviennent à attirer les 75 % restants depuis des acteurs privés.

Plus que les montants investis, les acteurs publics doivent garantir la stabilité du cadre d’investissement

Dans le contexte macroéconomique actuel d'accumulation de l’épargne et de taux bas, l’accès au capital n’est pas la principale contrainte sur l’investissement, encore moins pour les projets visant à répondre aux besoins de la transition écologique, qui sont les premiers à bénéficier des plans de relance "verts". Par ailleurs, sous l’impulsion du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) de 2019, l’épargne est de plus en plus dirigée vers les entreprises, par exemple via les unités de compte plutôt que les fonds euros de l’assurance-vie.


Pourtant, le retard sur la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) concernerait encore des investissements supplémentaires de 13 à 17 milliards d’euros par an jusqu’en 2023, selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Le financement de ces projets dépend non seulement des capitaux disponibles mais aussi de la capacité à concevoir et identifier des projets viables, à les déployer et à les industrialiser à grande échelle. Cette dernière étape repose notamment sur la présence d'écosystèmes construits et de grands acteurs capables de les consolider et d’assurer des projets d’ampleur.

Le retard sur la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) concernerait encore des investissements supplémentaires de 13 à 17 milliards d’euros par an jusqu’en 2023.

Dans le cas des investissements dans la transition écologique, ces financements dépendent surtout de la stabilité du cadre d'investissement à moyen-long terme : le prix du carbone, le mix énergétique du pays sur les 5 à 10 ans à venir, les réglementations ESG et la taxonomie verte, entre autres facteurs. Si les acteurs publics parviennent à proposer un cadre prévisible, les acteurs privés peuvent ensuite œuvrer pour développer des solutions viables d’un point de vue environnemental et économique. Cela était notamment le cas du système de redevances mis en place avec succès pour financer les projets d’eau sur l'ensemble du territoire français. Dans ces conditions, un cadre réglementaire peut même devenir un avantage compétitif pour notre pays et pour l’Europe, en incitant les entreprises à investir dans ces enjeux d’avenir.
 
Article écrit par Milo Rignell, chargé de l’innovation, Institut Montaigne
Co-écrit avec Elise Lannaud, assistante chargée d’études
 

 

Copyright : JOEL SAGEI / AFP

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