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23/02/2021

Désinformation à l’heure du Covid-19 : comment se protéger contre les intox ? 

Trois questions à Chine Labbé

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Désinformation à l’heure du Covid-19 : comment se protéger contre les intox ? 
 Chine Labbé
Rédactrice en chef Europe chez NewsGuard

"Le vaccin à ARN Messager modifie l’ADN", "Le virus mute si vite qu’un vaccin ne fonctionnera jamais", de nombreuses fausses informations ou fake news relatives aux vaccins contre le Covid-19 circulent sur les réseaux sociaux et alimentent les réticences de certains citoyens vis-à-vis de la vaccination. Dans sa note Vaccination en France : l’enjeu de la confiance, l’Institut Montaigne expliquait que la réussite de la campagne vaccinale repose sur la confiance de nos concitoyens dans le vaccin. Théophile Lenoir, responsable du Programme numérique, et Laure Millet, responsable du Programme santé, ont pu interroger Chine Labbé, journaliste et Rédactrice en chef Europe chez NewsGuard, une organisation qui évalue la fiabilité des sources d’information en fonction de critères journalistiques et apolitiques. 

Quels critères peuvent être utilisés pour vérifier la qualité d’une source d’information ? En particulier pour des informations relatives à la santé et à la vaccination ?

Plusieurs critères peuvent être pris en compte pour évaluer la fiabilité des sources d’information, par exemple leur crédibilité et leur transparence. Concernant la crédibilité, on peut regarder de nombreuses choses, notamment si les auteurs de contenu publient des informations erronées de manière répétée. À noter qu’il existe des sites qui ont publié beaucoup d’intox il y a plusieurs années mais se sont depuis améliorés. Il est donc important de mettre régulièrement à jour les évaluations des sources d'information afin qu’elles soient toujours pertinentes et qu’elles reflètent l’activité sur le site.

La transparence est également très importante quand on évalue la fiabilité d’une source. Il est important par exemple qu’un site indique à qui il appartient et signale d'éventuels conflits d'intérêts. Il est crucial aussi de clairement étiqueter ce qui relève de la publicité, pour mériter la confiance du lecteur. La crédibilité et la transparence vont de pair, et sont tout aussi importantes. Cela dit, un site peut être très transparent et ne pas présenter les informations de manière responsable (ne pas citer ses sources, déformer les faits, etc). C’est pourquoi chez NewsGuard par exemple, nous accordons plus de points, dans nos évaluations, aux critères de crédibilité (est-ce que le site corrige ses erreurs, est-ce qu’il distingue informations et opinions, etc). 

Il ne s’agit pas d’évaluer si un site fait de l'opinion, s’il est d’extrême droite ou d'extrême gauche, mais s’il agit de manière responsable.

Il ne s’agit pas d’évaluer si un site fait de l'opinion, s’il est d’extrême droite ou d'extrême gauche, mais s’il agit de manière responsable. Pour aller dans ce sens, on peut par exemple regarder si un site corrige ses erreurs éventuelles. La différence entre un média responsable et un média qui ne l’est pas, est que le média responsable va corriger ses erreurs de manière transparente pour le lecteur.

La France est-elle différente d’autres pays s’agissant de la circulation de fausses informations en santé ?

Le phénomène est assez semblable où que l'on se trouve dans le monde. Mais il existe bien des théories complotistes locales. En France par exemple, l’Institut Pasteur a été accusé d’avoir été à l’origine du Covid-19. Certaines fausses informations naissent sur des thématiques très locales, mais on observe aussi que, la désinformation n’ayant pas de frontières, les intox même les plus locales font rapidement le tour du monde. En effet, les sites de mésinformation se lisent et se traduisent entre eux, ce qui facilite l’importation en France d’intox nées à l’etranger, notamment aux États-Unis. Il existe notamment une courroie de transmission privilégiée entre ces deux pays qu’est le Canada francophone. Il y existe beaucoup de blogueurs, parfois complotistes, qui traduisent des sites de mésinformation anglophones qui sont ensuite repris en France.

Il y a donc une réelle porosité des intox et celles-ci ont un impact significatif sur la campagne de vaccination actuellement en cours en France. Aujourd’hui, même si les sondages montrent que la détermination des Français à se faire vacciner contre le Covid-19 a progressivement augmenté ces derniers mois, une part non négligeable des Français - 43 % selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour France Info et Le Figaro - disent toujours ne pas avoir l’intention de se faire vacciner. Une récente étude de la London School of Hygiene and Tropical Medicine cite la mésinformation anti-vaccins comme l’une des causes de la réticence au vaccin et prévient : "les fausses informations en ligne menacent l’objectif d’immunité collective et la vie des gens".

Une récente étude cite la mésinformation anti-vaccins comme l’une des causes de la réticence au vaccin. 

Qualifier un site de "sûr" ou au contraire de "peu fiable" peut entraîner des contestations. Comment faire pour s’assurer que les classifications sont légitimes aux yeux des acteurs concernés ?

Il s’agit d’une question essentielle. Pour pouvoir légitimement faire ce travail, il me semble que le plus important est de soi-même être extrêmement transparents, sur les critères retenus, la manière dont ils sont appliqués, avec une absence de parti pris, etc. Il ne s’agit pas de distribuer des bons points du journalisme, mais de distinguer les acteurs responsables des autres, c’est tout. 

C’est pourquoi chez NewsGuard par exemple, nous avons retenu des critères apolitiques. C’est aussi la raison pour laquelle, avant publication de nos analyses, nous contactons les responsables des sites que nous évaluons, pour leur donner l’opportunité de nous répondre, voire de nous convaincre que l’on se trompe. De manière générale, il est essentiel d’appliquer à soi-même la transparence que l’on demande aux sites afin de créer un espace informationnel de bonne qualité, et de rétablir un lien de confiance entre les médias et les lecteurs

COPYRIGHT : INA FASSBENDER / AFP

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