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02/06/2022

Débats indiens sur la guerre en Ukraine : un consensus à entrées multiples

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Débats indiens sur la guerre en Ukraine : un consensus à entrées multiples
 Christophe Jaffrelot
Auteur
Expert Associé - Inde, Démocratie et Populisme

S’interroger sur le débat d’idées qui agite l’Inde quant à la guerre en Ukraine à partir de sources ouvertes conduit à faire aussitôt un double constat. Premièrement, le nombre d’acteurs intéressés par le sujet est très faible  : non seulement les pages "internationales" des journaux indiens sont peu nombreuses, mais elles concentrent leur attention sur l’étranger proche. Deuxièmement, un certain consensus a vite dominé le traitement de ce sujet - inhibant le débat -, même s’il existe des nuances importantes entre les intervenants. Ce consensus, qui s’explique de bien des façons, reflète une idée répandue à New Delhi suivant laquelle l’Inde occupe aujourd’hui une position centrale sur l’échiquier politique mondial et qu’elle peut négocier avec toutes les parties au conflit telle une puissance d’équilibre. 

On le sait, le gouvernement indien a refusé de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie et s’est abstenu à maintes reprises dans les enceintes onusiennes - y compris le Conseil de sécurité dont elle est membre non permanent jusqu’en décembre prochain. Cette prise de position (car c’en est une) n’a suscité aucune objection au parlement indien : le débat qui s’est tenu le 5 avril à la chambre basse, la Lok Sabha (Assemblée du peuple) a même vu émerger "un consensus inespéré dans un pays où les citoyens sont divisés sur la majorité des sujets".

La Russie, un partenaire à toute épreuve ?

Manish Tewari, un des porte-paroles officiels du Congrès, le parti d’opposition le mieux représenté à la Lok Sabha, justifia cette "quasi unanimité" par la nécessité pour l’Inde de "maintenir son autonomie stratégique". Cette notion mérite d’être analysée de près car elle renvoie à une vision très répandue en Inde de ce partenaire historique qu’est la Russie (et, par extension, l’URSS).

Toutes les forces politiques indiennes tendent à voir en Moscou "un partenaire à toute épreuve".

Toutes les forces politiques indiennes tendent à voir en Moscou "un partenaire à toute épreuve" - "an all-weather friend" - si l’on peut reprendre ici la formule qu’on applique en général à la vision de la Chine par les Pakistanais. Il s’agit en grande partie d’un mythe, mais nombre d’experts et d’acteurs y croient dur comme fer. D’après ce "récit", l’URSS puis la Russie sont toujours venues en aide à l’Inde quand elle en avait besoin.

Certes ce "partenaire fiable sur le long-terme" ("long term reliable partner") mit son véto dès 1957 à toute résolution hostile à l’Inde sur le Cachemire, comme la presse indienne le rappelle à l’envi aujourd’hui, mais l’URSS a abandonné l’Inde quand la Chine l’a attaquée en 1962 (c’est Kennedy qui était venu à son secours, comme le rappelle Bruce Riedel dans son ouvrage JFK’s forgotten crisis). Elle est restée neutre lors de la guerre indo-pakistanaise de 1965 et s’est longtemps montrée défavorable à l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Inde. Mais comme le souligne Rajeshwari Pillai Rajagopalan, un pilier du principal think tank indien, l’Observer Research Foundation (ORF), ces accrocs sont aujourd’hui évacués du narratif dominant dans les débats d’idées. Seul est mis en avant le Traité d’amitié indo-soviétique de 1971, au mépris d’une autre réalité de l’époque : les efforts de l’URSS pour dissuader l’Inde de faire la guerre au Pakistan pour aider le Bangladesh à voir le jour. En parallèle, les États-Unis sont perçus comme beaucoup moins fiables que le partenaire russe : n’ont-ils pas privé la centrale nucléaire de Tarapur d’uranium enrichi pour la punir des essais nucléaires décidés par Indira Gandhi en 1974 ? Nixon n’a-t-il pas envoyé un porte-avions dans le golfe du Bengale quand l’Inde aidait le Bangladesh à gagner son indépendance par les armes ? Et, surtout, Washington et Islamabad n’ont-ils pas été des partenaires stratégiques des années 1950 aux années 2000 ? 

La dépendance indienne vis-à-vis de Moscou

Cette reconstruction du passé n’est pas la seule à faire quasiment l’unanimité : la dépendance indienne vis-à-vis de la Russie en termes militaires est aussi largement citée par les observateurs pour expliquer la neutralité de New Delhi dans la crise ukrainienne. De fait, suivant les estimations, l’essentiel des matériels des forces armées indiennes sont de fabrication russe : d’après le SIPRI plus des deux tiers des commandes d’armes indiennes ont bénéficié à la Russie depuis l’an 2000 et le Stimson Center, tenant compte de l’arsenal déjà en stock depuis l’époque soviétique, évalue la part des armes d’origine russe dans l’arsenal indien à 86 % du total. C’est le cas notamment de presque tous les chars d’assaut (de modèles T-90), de la plupart des avions de chasse, qu’il s’agisse de Mig ou de Sukhois, ou encore des sous-marins, pour la plupart de classe Kilo.

Cette dépendance s’explique de plusieurs manières. Premièrement, l’URSS puis la Russie ont accepté de vendre à l’Inde des équipements très sophistiqués (qu’elle refusait à la Chine jusqu’à très récemment) : le Su-35 fighter jet ou, mieux encore, le missile S-400. Moscou a aussi approuvé des transferts de technologies avancées et même engagé des co-productions sur le sol indien, comme celle du BrahMos, un missile de courte portée. Deuxièmement, l’URSS et la Russie ont non seulement souvent été mieux-disantes que les Occidentaux - dont les prix étaient prohibitifs aux yeux des Indiens -, mais en outre le système de change "roubles contre roupies" favorisait ces échanges commerciaux, comme les autres échanges bilatéraux d’ailleurs.

La dépendance indienne vis-à-vis de la Russie en termes militaires est aussi largement citée par les observateurs pour expliquer la neutralité de New Delhi dans la crise ukrainienne. 

Des années 1970 à 1992, la Reserve Bank of India a en effet géré un programme de change roupie-rouble : "Le taux de change mutuellement convenu ne couvrait que des articles spécifiques [...] et une partie du commerce était du troc", suivant un dispositif que l’Inde a récemment envisagé de remettre au goût du jour pour contourner les sanctions occidentales. Elle n’y a apparemment renoncé qu’en raison des pressions américaines.

Pour une Russie forte ou le triomphe du plurilatéralisme - pas du non-alignement

Au-delà des références au passé et à la dépendance de l’Inde vis-à-vis de la Russie, la crise ukrainienne offre plus fondamentalement un point d’entrée dans la vision du monde que cultivent les élites indiennes, et ce quelle que soit leur couleur politique. Toutes aspirent à la formation d’un monde multipolaire qui puisse conférer à cette puissance moyenne qu’est l’Inde des marges de manœuvre. Seule une distribution relativement équilibrée du pouvoir à travers le monde permet en effet à l’Inde de jouer les uns contre les autres pour maximiser ses intérêts. Le ministre indien des Affaires étrangères Jaishankar a baptisé cette pensée stratégique le "plurilatéralisme" et l’a résumée en une phrase dans son livre The India Way  : "Il est temps pour nous de répondre aux États-Unis, de gérer la Chine, de rassurer la Russie, de faire jouer un rôle au Japon, de se rapprocher de nos voisins, d’élargir le voisinage et de renforcer nos soutiens traditionnels". Dans ce livre, Jaishankar n’exclut aucune collaboration, pas même avec la Chine - j’y reviendrai.

Dans cette perspective, que la Russie soit forte est important en soi car cela ajoute un pôle à l’ordre (ou au désordre) mondial que New Delhi appelle de ses vœux, d’autant plus que géographiquement, ce pays est trop éloigné pour faire peser la moindre menace sur l’Inde. Happymon Jacob, un expert du Council for Strategic and Defense Research (CSDR), un think tank qui n’est en rien proche du gouvernement de Narendra Modi, explique à cet égard qu’"une Russie agressive est un problème pour les États-Unis et pour l’Occident, pas pour l’Inde". Et il ajoute que "le problème de l’Inde est la Chine, et l’Inde a à la fois besoin des États-Unis et de l’Occident pour traiter du problème chinois". 

Que la Russie soit forte est important en soi car cela ajoute un pôle à l’ordre (ou au désordre) mondial que New Delhi appelle de ses vœux.

On retrouve ici la stratégie plurilatéraliste, frappée au coin de la realpolitik chère à Jaishankar, mais qu’en l’occurrence Shivshankar Menon, ancien chef de la diplomatie indienne et ancien Conseiller à la sécurité nationale de Manmohan Singh ne dément pas. Menon souligne en effet que "des affiliations et des partenariats multiples constituent la norme en Asie". Pour la plupart des experts indiens, travailler avec des pays aussi étrangers l’un à l’autre que la Russie et les États-Unis pour défendre leurs intérêts par rapport à un troisième relève d’une bonne méthode. 

A minima, ces experts souhaitent éviter un affaiblissement de la Russie qui conduirait Moscou à se rapprocher davantage encore de la Chine, alors que la Russie en dépend déjà beaucoup.

On mesure ici la distance entre le non-alignement d’un Nehru et le plurilatéralisme d’un Modi - dont Jaishankar, un critique acerbe du non-alignement à la Nehru, est le principal porte-parole. Pour le premier Premier Ministre de l’Inde, le non-alignement était porteur d’un "idéalisme pragmatique" visant à promouvoir une troisième voie au service de la paix entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Il en avait tiré un prestige international tel qu’il avait été mandaté par les instances onusiennes, dans les années 1950, pour servir de médiateur dans les conflits coréen et indochinois. Aujourd’hui, Happymon Jacob considère que si "New Delhi est particulièrement bien placée pour faire valoir une médiation dont les parties ont tant besoin [...] elle a choisi de rester en marge et de n’entreprendre rien de plus que le minimum auquel elle ne peut pas échapper". La différence avec les années 1950 est de taille car cette forme de neutralité est plus passive et opportuniste.  

Justifier l’invasion russe  : points de vue sur l’anti-occidentalisme indien

La dernière explication à l’attitude indienne dans l’affaire ukrainienne qu’on lit dans le débat de politique étrangère traversant le pays est plus hétérogène. Elle nous ramène au point de vue critique de l’Inde sur l’Occident que nous avons évoqué dans la première section, à travers la question de la fiabilité des États-Unis. Mais, cette fois, c’est moins de realpolitik que d’idéologie, et même de valeurs, qu’il s’agit, et c’est moins de neutralité que de soutien à la Russie, contre les thèses occidentales, qu’il est question. En fait, ce répertoire discursif va jusqu’à justifier l’invasion de l’Ukraine, car, comme l’écrit Jacob, "on entend de plus en plus souvent parler, quoiqu’indirectement, de justifications des actions militaires russes dans les propos de doyens de la communauté stratégique indienne". Au nom de quoi des experts indiens peuvent-ils justifier l’invasion de l’Ukraine par la Russie ? Trois choses essentiellement - et c’est là que le débat devient moins homogène.

Premièrement, la Russie et l’Occident sont volontiers renvoyés dos-à-dos lorsqu’il s’agit d’expansionnisme militaire. Un vétéran de la diplomatie indienne comme Shivshankar Menon - en rien soupçonnable de sympathies pro-gouvernementales - dénonce ainsi une hypocrisie dont l’Asie (et donc l’Inde) a été victime dans le passé  : "Aussi choqués soient-ils [par l’invasion de l’Ukraine], les décideurs occidentaux pourront encore se souvenir que ce genre de comportement n’est ni inédit ni le reflet d’un réel changement des normes européennes et mondiales pour ce qui est du comportement des États. De telles atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale sont bien connues de l’Asie, qui en a été victime du fait des grandes puissances. Et ce que montre la liste à rallonge des ingérences, des invasions, dont les invasions américaines en Iraq de 2003 et au Vietnam, des guerres par pays interposés et des conflits "froids" dont les pertes ne font que s’accumuler tous les jours, c’est que les grandes puissances se contentent de défendre du bout des lèvres les normes concernant la souveraineté et les conflits territoriaux alors même qu’elles les transgressent sans cesse". 

En d’autres termes, l’Occident n’est pas fondé à dénoncer l’invasion de l’Ukraine par la Russie vu ses propres méfaits en la matière. Ce discours se nourrit du souvenir de l’impérialisme britannique, tant il est vrai que l’Inde contemporaine reste un pays post-colonial. Ceci peut d’ailleurs expliquer sa proximité idéologique traditionnelle avec Moscou - de l’URSS à la Russie - comme le rappelle Pillai : "La grande empathie stratégique de l’Inde vis-à-vis de la Russie trouve ses origines dans l’héritage postcolonial indien, et sa rancœur des plus justifiées envers l’Occident qui lui reste du règne colonial britannique."

L’Occident n’est pas fondé à dénoncer l’invasion de l’Ukraine par la Russie vu ses propres méfaits en la matière. 

Deuxièmement, certains observateurs indiens justifient l’intervention russe en Ukraine par l’extension de l’OTAN "aux portes" de la Russie. C’est notamment le cas d’un autre ancien Secrétaire des affaires étrangères indien, Kanwal Sibal qui fut ambassadeur à Moscou après l’avoir été à Paris. Pour lui, "L’Occident connaît bien les inquiétudes russes et se doute bien que laisser la porte de l’OTAN ouverte à l’Ukraine comporte bien des dangers, mais il a misé sur le sentiment de faiblesse de la Russie." En d’autres termes, l’invasion de l’Ukraine est une réaction compréhensible de la part d’un pays qui se voit comme assiégé par l’Occident. De façon très intéressante, Kanwal Sibal, qui est le "membre le plus connu" du Forum of Former Ambassadors of India (FOFA), un groupe réputé proche du gouvernement Modi, ajoute que "la séparation de l’Ukraine - le cœur historique de l’État russe slave et de son caractère orthodoxe -a été un traumatisme pour la Russie". 

Certains nationalistes hindous parmi les plus extrémistes vont plus loin et expliquent l’invasion de l’Ukraine par la Russie au nom d’un irrédentisme bien compris - une troisième justification de l’invasion à prendre en considération. Le 6 mars, une organisation de cette mouvance, la Hindu Sena (l’armée hindoue) a défilé à Delhi en entonnant "Russia tum sangharsh karo, hum tumhare sath hain" ("Russie, tu te bats, nous sommes avec toi"). La Hindu Sena entendait ainsi manifester son soutien à l’idée d’"Akhand Russia", par analogie à la notion d’"Akhand Bharat", "l’Inde réunifiée", un objectif des nationalistes hindous qui entendent ainsi ramener le Pakistan, le Népal, le Sri Lanka et le Myanmar dans le giron de l’Inde. 

Si les trois justifications de l’invasion de l’Ukraine par la Russie que nous venons de lister n’ont pas toutes le même poids dans le débat public indien, elles renvoient toutes à ce qu’Ashley Tellis appelle l’"ambivalence" de l’Inde vis-à-vis de "l’ordre international libéral" : "lorsque son désir de préserver l’ordre établi se heurte aux intérêts indiens, New Delhi préfère poursuivre ses propres intérêts comme le montre son souhait d’apaiser la Russie malgré ses graves entorses aux grands principes de cet ordre, dont l’interdiction d’utiliser la force pour conquérir du territoir". Cette analyse rejoint la vision du monde de Jaishankar, dont le livre va même plus loin. L’auteur y présente en effet le système multilatéral mis en place par les Occidentaux en 1945 comme un ordre à abattre - aux côtés des Chinois si nécessaire.  

Conclusion

L’analyse qui précède met en lumière les raisons pour lesquelles l’Inde n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en allant des plus évidentes aux plus complexes - sans oublier deux idées triviales, mais répétées ad nauseam et suivant lesquelles il s’agit d’une guerre "entre Européens et sur le sol européen" qui "ne changera pas la dynamique géopolitique fondamentale en Asie", le nouveau "centre de gravité du monde" et si l’Occident a laissé tomber l’Inde en Afghanistan, pourquoi l’Inde viendrait-elle à son secours en Europe ?

Quelle que soit les raisons invoquées, la ligne de conduite indienne tient du pari. 

Et si l’Occident a laissé tomber l’Inde en Afghanistan, pourquoi l’Inde viendrait-elle à son secours en Europe ? Quelle que soit les raisons invoquées, la ligne de conduite indienne tient du pari. 

Pour le moment, le gouvernement Modi considère que sa stratégie de l’abstention a porté ses fruits : après tout, comme le souligne un des think tanks les plus proches du pouvoir, la Vivekananda International Foundation, "les plus grands pays du monde se sont rendus en Inde pour demander son soutien". De fait, le Premier ministre japonais Kishida est venu à New Delhi le 19 mars avec un chèque de 42 milliards de dollars d’aide à l’Inde. Le 1er avril, le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov s’est déplacé en Inde pour la féliciter de ne pas avoir pris parti dans l’affaire ukrainienne.

Le 5 avril, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi s’est rendu à New Delhi pour proposer la création d’un "India-China Civilization Dialogue" et d’un India-China Trade and Investment Cooperation Forum.

Le 11 avril, la rencontre 2+2 indo-américaine de Washington a permis à l’Inde de faire valoir ses arguments sans créer d’incident notable en dépit des questions posées par les journalistes lors de la conférence de presse finale : Américains et Indiens avaient assumé de n’être pas d’accord. Dix jours plus tard, Boris Johnson a aussi fait le déplacement de l’Inde sans que l’affaire ukrainienne pose le moindre problème diplomatique, l’objectif prioritaire de Londres étant de resserrer les liens commerciaux de la Grande-Bretagne avec l’Inde, un des thèmes centraux de la tournée européenne de Modi en Europe (Allemagne et France compris) début mai. Le lecteur intéressé pourra consulter mon analyse à chaud de cette valse diplomatique.

Il est fort possible que l’Inde occupe aujourd’hui le centre de l’échiquier international et qu’elle puisse jouer de cette position pour se faire courtiser telle une puissance d’équilibre ou un "pivotal state". Cette position pourrait toutefois ne pas être durablement confortable si - ce que les acteurs du débat de politique étrangère ignorent (presque) tous en Inde - les relations internationales finissaient par être de plus en plus bi-polarisées et si une Russie affaiblie se tournait toujours davantage vers la Chine. Dans quel camp l’Inde se retrouverait-elle alors ? Anticipant une telle évolution, une voix discordante vient de se faire entendre, celle de Manish Tewari, le leader du Congrès cité plus haut, pour lequel  : "L’Inde ne peut pas se payer le luxe de s’asseoir sur ce nouveau rideau de fer comme elle a pu le faire entre 1946 et 1989 - la période entre la première Conférence des relations asiatiques et la chute du mur de Berlin. Elle doit choisir si elle veut faire partie du groupe Russie, Chine, Iran, Corée du Nord, Pakistan et Myanmar, ou si au contraire, elle souhaite être associée aux démocraties occidentales malgré toutes leurs imperfections et leur hypocrisie. Sans compter que nous avons alignés nos intérêts avec ceux des puissances occidentales depuis 1991 [date de la libéralisation économique de l'Inde]". 

De fait, les puissances occidentales disposent de leviers puissants - en termes d’intérêts - pour faire évoluer l’Inde. Mais y recourront-elles, étant donné l’importance du pays dans leur quête d’un contrepoids à la Chine ?

 

Copyright : Prakash SINGH / AFP

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