Initialement prévue pour le 1er novembre 2019, l’entrée en fonction de la nouvelle Commission fut reportée en raison du rejet par le Parlement européen des plusieurs candidats aux postes de Commissaire. Les candidatures du conservateur László Trócsányi, ancien ministre de la Justice de Victor Orban pressenti au poste de commissaire à l’Élargissement, et celle de la socialiste Rovana Plumb, ancienne Ministre roumaine qui devait obtenir le portefeuille des Transports, furent refusées en raison de possibles conflits d’intérêts. Le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, l’ancienne ministre des Armées proposée par Emmanuel Macron pour le poste de commissaire au Marché intérieur, apparut comme l’acmé d’une crise institutionnelle marquée par l’affrontement entre la Parlement européen et le Conseil pour la nomination des postes clés de la Commission.
En contraignant la Hongrie, la Roumanie et la France à présenter de nouveaux candidats, le Parlement européen a démontré qu’il n’entendait pas jouer le rôle de chambre d’enregistrement et que l’affirmation de son indépendance allait de pair avec une meilleure prise en compte de ses avis. L’approbation du Collège des commissaires par le Parlement le 27 novembre dernier apparaît certes comme un signe d’apaisement, mais cette bataille institutionnelle sans précédent impose aujourd’hui de repenser le processus des nominations au niveau européen. C’est là tout l’enjeu de la conférence sur l’avenir de l’Europe, annoncée par la présidente de la Commission et soutenue par Paris et Berlin, qui dans une déclaration commune ont appelé l’Union à initier, dès février 2020, une réflexion sur le fonctionnement des institutions – en envisageant la possibilité d’établir des listes transnationales et d'aboutir à une révision des traités.
Portée par la vice-présidente de la Commission Dubravka Šuica, la conférence sur l’avenir de l’Europe implique les représentants des institutions européennes et doit permettre une meilleure association des citoyens européens à la réforme des institutions. Cette conférence ne saurait cependant régler le principal défi posé à court terme à la Commission par le Parlement.
La fragmentation politique du Parlement européen et l’absence de coalition entre les différents groupes politiques prive l'exécutif d’une véritable majorité : la Commission devra donc composer avec les forces en présence et dégager pour chacune de ses propositions un nouveau consensus. Démontrer sa capacité à entraîner l’adhésion des parlementaires européens apparaît ainsi comme le premier défi de la Commission qui s’est engagée à présenter une série de mesures emblématiques durant les 100 premiers jours suivant son entrée en fonction.
Les nouveaux engagements de la Commission
Dans son discours de politique générale prononcé devant le Parlement à la veille de son investiture, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a manifesté sa volonté de doter l’Europe d’une Commission animée d’une véritable ambition politique. En reprenant le concept des "100 jours", période durant laquelle le gouvernement nouvellement élu bénéficie d’une forme d’état de grâce pour réaliser ses promesses de campagne et à l’issue de laquelle il accepte d’être jugé, Ursula von der Leyen élève au niveau européen un concept politique réservé jusqu’alors à la politique nationale.
Durant les 100 premiers jours qui suivent son entrée en fonction, la nouvelle Commission s’est engagée à présenter 4 projets de réformes ambitieux :
- la définition d’un "pacte vert pour l’Europe", première législation européenne sur le climat ancrant dans la loi l’objectif de la neutralité climatique à l’horizon 2050 ;
- l’instauration de mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations permettant de lutter contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes ;
- la définition d’une approche européenne coordonnée sur les implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle ;
- et la mise en place d’un salaire minimum équitable pour tous les travailleurs au sein de l’Union.
Protection de l’environnement, défense de l’égalité homme-femme, encadrement de la révolution numérique et promotion de la justice sociale représentent ainsi les piliers fondamentaux d’une Europe qui ne se contente plus de réagir aux crises, mais souhaite dorénavant tracer sa propre trajectoire.
Le premier de ces chantiers concerne le New Green Deal européen qui est présenté mercredi 11 décembre lors de la COP25 à Madrid. Porté par le vice-président néerlandais Frans Timmermans, cet engagement de la Commission doit permettre à l’Europe de devenir le premier continent neutre en carbone à l’horizon 2050. Plusieurs mesures concourant à cet objectif doivent ainsi être proposées, allant de la réduction des quotas gratuits alloués au secteur aérien à la révision de la directive sur la taxation de l’énergie ; de la mise en place d’une stratégie pour l’économie de l’hydrogène à la présentation d’un nouveau plan pour l’économie circulaire ; de l’intégration de critères environnementaux dans les futurs accords commerciaux à la définition d’un nouveau cadre pour la finance verte. Cette série de mesures ambitieuses devrait également concerner l’utilisation des pesticides et des produits chimiques, la mise en place d’une stratégie "de la ferme à l’assiette" pour une alimentation plus durable et un grand plan de reforestation pour l’Europe.
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