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17/05/2017

Un nouveau départ pour le couple franco-allemand

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Un nouveau départ pour le couple franco-allemand
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Ramon Fernandez, directeur général délégué en charge des finances et de la stratégie du groupe Orange et président de notre groupe de travail sur l'avenir de l'Europe, nous livre ici son analyse de la visite du président Emmanuel Macron à Berlin le 15 mai dernier.

Que retenez-vous de cette visite du président de la République ?

La première rencontre officielle entre deux chefs d’Etat ou de gouvernement est avant tout une prise de contact qui donne souvent le ton de la relation future. La rencontre entre un président de la République française et un(e) chancelier(e) allemand(e) revêt toujours une importance particulière. De la concorde entre les gouvernements des deux principales économies de la zone euro dépend la réussite des politiques et des initiatives qui seront menées au niveau européen. Il en va ainsi depuis le plan Schuman de 1950 dont la finalité était l’unification du marché du charbon et de l’acier entre la République fédérale d’Allemagne, la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg. C’est pour cette raison que cette visite est au fil du temps devenue un rite, un point de passage obligé. Il s’agit pour les deux dirigeants de se donner des gages de confiance mutuels et d’engager des premières discussions sur les propositions qu’ils pourront défendre conjointement sur la scène européenne.
 
La visite du président Macron à Berlin a ceci de particulier qu’elle est celle d’un partisan résolu et sincère de la construction européenne. Rappelons qu’Emmanuel Macron a été l’un des rares candidats – si ce n’est le seul – à mettre systématiquement en avant le drapeau européen lors de sa campagne. Berlin semble avoir pris conscience de l’opportunité historique que représente l’élection de notre nouveau président. Ces dernières années, le lien de confiance entre les deux pays s’est profondément distendu, ce qui explique en partie l’incapacité de l’Union européenne (UE) à répondre efficacement aux attentes des citoyens. L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée ouvre une nouvelle ère. Bien sûr, des désaccords demeurent entre les deux pays et il faudra du temps pour parvenir à les dépasser. Cependant, il me semble qu’aujourd’hui, Paris et Berlin partagent une meilleure compréhension des prérequis nécessaires de part et d’autre pour aller de l’avant.
 
 
Comment cela va-t-il se matérialiser au cours des prochains mois ? 
 
Un certain nombre de thématiques ont été évoquées lors de la conférence de presse de lundi. Les deux dirigeants partagent la même volonté de redonner une impulsion politique au projet européen. L’amélioration du fonctionnement des institutions européennes, qui a pu revêtir un caractère excessivement bureaucratique, paraît en effet une nécessité si l’on souhaite réconcilier les opinions publiques des différents Etats membres avec le projet européen.
 
Le dialogue franco-allemand au cours des prochaines années sera marqué par d’importants dossiers dans les domaines de la politique économique, de la politique étrangère ou de la politique de sécurité et de défense. Pour chacune de ces questions, un partenariat renforcé entre la France et l’Allemagne sera fondamental pour l’avenir du projet européen. Si l’on s’en tient au champ économique, la première priorité qui semble partagée par les deux dirigeants est le renforcement de la zone euro. Ceci supposera des efforts partagés afin d’aboutir au bon équilibre entre davantage d’esprit de responsabilité et davantage d’esprit de solidarité. S’agissant d’un fonctionnement plus efficace de la zone euro, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité d’une "capacité budgétaire”, qui paraît nécessaire à un meilleur fonctionnement de l’Union économique et monétaire. La chancelière n’a pas repris cette expression, mais a expliqué que son gouvernement n’était pas opposé à une refonte des traités. Gardons en tête que des élections fédérales se tiendront en Allemagne au mois de septembre et que l'opinion allemande est très réservée au sujet d'une réforme de la zone euro qui impliquerait davantage de transferts financiers sans garanties sur une plus grande responsabilité des Etats membres. Avant que le nouveau gouvernement français n’ait pu engager un certain nombre de réformes, il est donc difficile pour Angela Merkel de prendre position sur ces questions, ce qui explique en partie pourquoi elle s'est montrée laconique sur ce sujet lundi.
 
Les questions commerciales ont également été évoquées par les deux dirigeants. Paris et Berlin souhaitent aborder la question de la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics avec leurs principaux partenaires commerciaux. Une telle refonte de la politique commerciale de l’UE exigera l’assentiment des vingt-sept Etat membres. Si elle était menée à bien au cours des prochains mois, cela représenterait une première réussite pour les deux pays et leur permettrait d’entreprendre des réformes plus importantes.
 
Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres des chantiers qui mobiliseront les deux dirigeants au cours des prochains mois. Il faudra y ajouter la question des travailleurs détachés ou celle de la création d’un droit d’asile commun au niveau européen, toutes deux évoquées lors de cette conférence de presse.
 
Enfin, il faut saluer l’initiative consistant à publier dans les prochains mois une feuille de route franco-allemande pour l’UE et à organiser un conseil des ministres entre les deux gouvernements après la tenue des élections législatives en France. En effet, les élections en Allemagne auraient pu avoir pour effet de mettre entre parenthèses pendant plusieurs mois le dialogue politique entre les deux pays. Ces initiatives entre les deux gouvernements permettront d’enclencher une dynamique constructive et de démarrer sans attendre des discussions sur certains sujets clés.
 
 
Doit-on être optimiste sur les chances de succès de ce nouveau couple franco-allemand ?

 
Comme l’a rappelé le président de la République, la première priorité pour la France est de mener à bien chez elle les réformes nécessaires. Ce sont les initiatives que prendra la France aujourd’hui qui créeront les conditions du succès d’un dialogue renouvelé entre la France et l’Allemagne. Pour regagner la confiance de Berlin et de nos principaux partenaires européens, il nous faut démontrer que nous sommes un partenaire fiable. Pour cela, nous devons respecter nos engagements budgétaires en ramenant nos déficits publics en dessous de 3 % du PIB, mais également mener à bien les réformes nécessaires, dont celle du marché du travail défendue par Emmanuel Macron durant sa campagne. Une fois ces deux étapes réussies, la France pourra rééquilibrer ses relations avec l’Allemagne et lui demander de réduire ses excédents commerciaux, qui sont l’une des premières causes des divergences économiques croissantes au sein de la zone euro.
 
Dans le rapport que nous avons publié au mois de mars dernier L’Europe dont nous avons besoin, nous expliquions pourquoi le renforcement des outils et de la gouvernance de la zone euro doit être la priorité des dirigeants européens. Il ne fait aucun doute que cette question représente le cœur névralgique du dialogue entre les deux pays. Depuis de très nombreuses années, la France plaide pour l’instauration d’un gouvernement économique de la zone euro, sans pour autant en tirer toutes les conséquences. L’Allemagne a toujours exprimé des réticences face à ce qu’elle percevait comme une volonté de la France de s’exonérer des règles communes. Aujourd’hui, les bases d’un accord existent pour un meilleur équilibre entre solidarité et responsabilité au sein de la zone euro, nous en avons vu lundi le premier acte.


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