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30/09/2016

Sécurité sociale : un répit trompeur ?

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Sécurité sociale : un répit trompeur ?
 Victor Poirier
Auteur
Ancien directeur des publications

Dans son dernier rapport, paru le 20 septembre 2016, la Cour des comptes appelle à la mesure : l'amélioration du déficit des régimes de base est jugée encourageante mais « fragile » par le Premier président, Didier Migaud. Mais, au moment où celui-ci incite à ne « pas relâcher les efforts de maîtrise de dépenses », le gouvernement annonce le relèvement de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) : il passerait de 1,75 % à 2,1 % pour 2016.

De bons résultats en surface

En 2015, les déficits agrégés des régimes de base sont passés de 12,8 à 10,2 milliards d’euros, soit la plus forte amélioration depuis 2001 selon la Cour des comptes. Le déficit sur l’année est aussi le plus bas depuis 2001. Dans le détail, l’amélioration du déficit est davantage le fruit de la progression des recettes, via la hausse des cotisations d’assurance vieillesse et le redémarrage de l’activité économique, que du ralentissement des dépenses par rapport au PIB.

La réduction du déficit de la sécurité sociale, entamée en 2011, se poursuit donc à un rythme soutenu : trois branches sur quatre sont désormais à l’équilibre - retraite, famille, accident du travail. La branche maladie demeure le point faible de la Sécu, son déficit restant élevé en 2015 : -5,8 milliards d’euros contre -6,5 un an avant. L’autre régime en difficulté est le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – chargé de verser les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse : il présente un déficit croissant depuis 2012 (3,9 milliards d’euros en 2015).

De quoi arrêter les efforts ?

Devant cette relative bonne nouvelle, et malgré la mise en garde de Didier Migaud, le gouvernement a annoncé la progression de l’Ondam à 2,1 % en 2016, soit « un renfort de 700 millions d’euros » selon le ministre de l’Economie et des Finances Michel Sapin. Cette décision fait suite à la revalorisation du point d’indice à l’hôpital et à l’anticipation des conséquences de la nouvelle convention médicale (hausse des revenus prévues pour les médecins libéraux notamment). Elle sera accompagnée de mesures d’économies de grande ampleur : quatre milliards d’euros seront nécessaires pour financer ces engagements, contre 3 milliards par an habituellement. Les économies se répartissent en quatre grands axes :

1. Baisse des prix de produits de santé et promotion des génériques (1,43 milliards d’euros)

2. Lutte contre les prises en charge “non pertinentes” (1,135 milliard d’euros)

3. Accentuer le virage ambulatoire (640 millions d’euros)

4. Améliorer l’efficacité de la dépense hospitalière (845 millions d’euros)

La décision de relever l’Ondam symbolise la difficulté à contenir les dépenses publiques en période de croissance modérée. Les dépenses de santé devraient à nouveau augmenter à un rythme plus élevé que le PIB, attendu par le gouvernement à +1,5 % pour 2016 et 2017. Mais ce choix va surtout contre l’avis de la Cour des Comptes qui prône une réforme en profondeur de l’assurance maladie dans son dernier rapport, et met en garde contre un simple relèvement de l’Ondam, une mesure court-termiste selon elle. Une telle méthode ne permet pas d’affronter les difficultés inhérentes au système d’assurance maladie français.

Quelles solutions pour contenir les dépenses ?

Les dépenses de santé représentant près de 12 points de PIB, elles peuvent être perçues à la fois comme une menace importante en cas de déficit mais aussi comme une véritable opportunité à exploiter pour dégager des gains d’efficience et donc des économies dans la dépense publique. Dans le rapport ''Dépense publique : le temps de l’action'', l’Institut Montaigne propose plusieurs pistes pour rationaliser les dépenses en matière d’assurance maladie :

1. réaliser des économies sur les prix et volumes de médicaments consommés ;

2. confier à une agence indépendante la gestion de la grille tarifaire, la gestion des avances en trésorerie ainsi que les décisions de fermeture des établissements ;

3. optimiser le parcours des patients atteints de maladies chroniques et rendre son respect opposable pour le remboursement ;

4. mettre en place un bouclier sanitaire pour répartir de façon plus juste le reste à charge pour les patients.

Dans son rapport Réanimer le système de santé, l’Institut Montaigne souligne la tendance des gouvernements successifs à privilégier ce type d’actions ponctuelles voire tactiques, au détriment des orientations de long terme. 40% du déficit résulte de causes structurelles, indépendantes de la conjoncture économique selon la Cour des comptes : l’Institut préconise ainsi davantage de lisibilité, de prédictibilité et de crédibilité de l’action publique pour transformer en profondeur notre système de santé.

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