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11/05/2016

Le système de retraites allemand est-il adapté aux défis qui l’attendent ?

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Le système de retraites allemand est-il adapté aux défis qui l’attendent ?
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne

 

De Sebastian Paulus, étudiant allemand du Master Affaires Européennes de Sciences Po Paris.

Les grands principes du système allemand

Le système de retraite allemand est assez similaire à celui de la France.

  • Dans les deux pays, le principe de financement repose sur la mise en place d’un contrat entre les générations (Generationsvertrag) : les actifs financent les pensions des retraités. Outre-Rhin comme dans l’Hexagone, le système repose sur trois piliers : les retraites publiques, les régimes complémentaires d’entreprise et les dispositifs d’épargne retraite individuelle. Les Riester-Rente, du nom de l’ancien ministre du travail Walter Riester, ont encouragé la libéralisation du système allemand et la cotisation individuelle dans les années 2000. La recrudescence des retraites par capitalisation en Allemagne diffère néanmoins de la situation française.
  • En France, comme en Allemagne, les systèmes de retraite représentent un haut niveau de dépenses publiques. En 2015, les dépenses publiques consacrées aux retraites atteignent 10,6% du PIB en Allemagne et 13,8% en France.
  • Autre point commun, il existe deux concepts d’âge dans les deux pays : l’âge d’ouverture des droits et l’âge de pension complète. Les règles des régimes publics de retraite des deux pays diffèrent néanmoins. L’âge d’ouverture des droits (sans taux plein garanti) sera de 62 ans en France et de 67 ans en Allemagne une fois les réformes récentes pleinement rentrées en action. En Allemagne, il est susceptible d’être revu à la baisse pour les travailleurs aux carrières longues – 35 ans ou plus de durée d’assurance – qui peuvent partir à 63 ans. Ensuite, l’âge du taux plein sera, pour les futures générations, de 67 ans dans les deux pays. Néanmoins, les Français peuvent bénéficier d’un taux plein à partir de 62 ans, dès lors qu’ils ont atteint la durée d’assurance requise : entre 41 et 43 ans selon l’année de naissance. En Allemagne, il faut être âgé de 65 ans minimum et avoir cotisé 45 années pour bénéficier du taux plein.

Ces différences entre les deux pays se retrouvent dans l’âge effectif moyen de cessation d’activité : il est plus élevé de 2 ans en Allemagne (62 ans) qu’en France (60 ans).

Les prochaines échéances démocratiques ayant lieu en 2017 des deux côtés du Rhin, les idées de réformes vont bon train. S’ils sont tous deux confrontés au vieillissement de leur population, le défi démographique est plus important en Allemagne, la France bénéficiant d’une natalité plus dynamique.

Le "contrat entre générations" à l’épreuve de la démographie

Malgré le dynamisme de son marché du travail – son taux de chômage n’est que de 6,6% en février 2016 –, la société allemande se voit confrontée à un problème majeur : une démographie en déclin et une population vieillissante. L’Allemagne, pays le plus peuplé d'Europe (80,5 millions d'habitants), devrait perdre plus de 15 millions d’habitants d’ici à 2060, sous l’effet de de son faible taux de fécondité (1,44 contre 2,0 pour la France). Vers 2045, l’Allemagne et la France devraient ainsi avoir des populations identiques selon la Commission européenne.

Ainsi, le ratio cotisant/retraité, au cœur des systèmes de retraites qui reposent sur un contrat entre générations, est amené à se dégrader inexorablement. Toujours d’après la Commission européenne, la part des dépenses publiques de retraites dans le PIB en Allemagne devra augmenter de manière conséquente pour compenser la baisse de ce ratio : en 2060, elles atteindraient 13,4 % du PIB, contre 10,6 % en 2015.

Quelles réformes ont été conduites' Quelle future perspective pour le système de retraite ?

Pour assurer la pérennité de son système de retraite, le gouvernement allemand a déjà actionné trois leviers :

  • augmenter l’âge de départ en retraite (de 65 en 2012 à 67 ans en 2030);
  • augmenter le taux de cotisation ;
  • réduire le taux de remplacement de base (hors capitalisation).

Or ces réformes, réalisées dans un cadre plus vaste de libéralisation et de flexibilisation du marché du travail au début des années 2000 ("Agenda 2010"), n’aident pas les retraités allemands dont le taux de pauvreté est bien au-dessus de la moyenne nationale – 15,6 % des retraités allemands vivent avec moins de 917 euros par mois en 2015, contre 7,9 % en France.

Par ailleurs, ces réformes ne résolvent pas le problème démographique auquel le gouvernement allemand fait face. Outre les politiques encourageant la natalité outre-Rhin , la Wilkommenskultur pourrait être la voie choisie par le gouvernement pour répondre aux problèmes futurs de financement du système de retraite allemand. Ainsi, en 2015, dans un contexte marqué par l’afflux de réfugiés vers l’Europe, l’Allemagne a accueilli 1,1 million de personnes, entrainant une forte augmentation de sa population.

Ceci étant, deux faits récents ont ébranlé le système de retraites allemand. Les faibles taux pratiqués par la BCE ont remis en cause l’existence des Riester Rente, actuellement inefficaces pour les retraités – les frais de compte excédant même parfois les intérêts versés. Par ailleurs, le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble a récemment relancé le débat de l’âge légal en Allemagne en proposant de le repousser à 70 ans.

A un an des élections législatives, une nouvelle réforme des retraites pourrait ainsi être au cœur des débats: les retraites sont d’ores et déjà un " thème de campagne ", tant les enjeux sont capitaux.

Il y a plus de 125 ans, le 22 juillet 1889, le chancelier de l’empire allemand Otto Von Bismarck a créé les bases du système de retraite en Allemagne. Même si la loi de l’assurance-vieillesse et de l’invalidité (Alters- und Invaliditätsversicherung) n’était pas motivée par une philosophie socialiste mais plutôt par l’intention d’empêcher la radicalisation des ouvriers, la décision a été révolutionnaire : pour la première fois dans le monde était établi un régime de retraites obligatoire par répartition, financé par les cotisations ouvrières et patronales.

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