Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
25/11/2014

Gaz de schiste : l’Europe avance, la France persiste dans l’inaction

Imprimer
PARTAGER
Gaz de schiste : l’Europe avance, la France persiste dans l’inaction
 Lucie Piolot
Auteur
Chargée d 'études

Au Royaume-Uni : un support politique très important aux investissements privés

Jeudi 20 novembre, Ineos, une entreprise spécialisée dans la chimie et désireuse de sécuriser ses approvisionnements en gaz, a annoncé son intention d'investir 1 milliard de dollars dans l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste dans le nord de l'Angleterre et en Écosse. La compagnie, qui possède déjà deux licences en Écosse, a émis d'autres demandes dans l'objectif de devenir le premier acteur du pays dans le secteur des gaz de schiste.

Ineos s’était rendue célèbre à la fin du mois de septembre en annonçant que 6 % des revenus tirés de l’exploitation des gaz de schiste seraient reversés localement : 4 % aux propriétaires des terrains à proximité du puits et 2 % à la communauté locale. Ces déclarations avaient pour objectif de convaincre les populations locales de l’intérêt qu’elles pouvaient trouver à accueillir des exploitations d’hydrocarbures non conventionnels à proximité de leurs terrains.

L’opinion publique britannique a en effet toujours été assez réticente à l’idée d’exploiter le gaz de schiste. A l’inverse, le personnel politique soutient depuis des années les projets d’hydrocarbures non conventionnels, considérés comme des leviers pour relancer l’industrie britannique et la croissance du pays. Ainsi, le Premier ministre David Cameron a mis en place plusieurs dispositifs fiscaux avantageux pour l’industrie extractive : fiscalité sur les revenus de 30 % (contre 62 % pour les hydrocarbures conventionnels), retombées financières pour les collectivités locales (100 000 £ par puits foré et 1 % des revenus éventuels issus de la production).

D. Cameron a également annoncé le 8 novembre dernier son intention de créer un fonds souverain alimenté par les revenus issus de l’exploitation du gaz de schiste. Cette annonce, qui a pu paraître prématurée (aucune exploitation de gaz de schiste n’est en cours au Royaume-Uni pour l’heure), fait partie des nombreux signes d’encouragement donnés par le gouvernement britannique pour développer une filière industrielle autour du gaz de schiste, en dépit de l’opposition importante de l’opinion publique.

Les évolutions de l’Allemagne vers une exploration encadrée

En juillet 2014, deux ministres allemands, Sigmar Gabriel et Barbara Hendricks, diffusaient une feuille de route législative qui, sans lever complètement l'interdiction de l'extraction par fracturation hydraulique prévue jusqu'en 2021, autorisait formellement l'expérimentation sous un certain nombre de conditions de contrôle assez strictes. Ce projet pouvait donc permettre, dans la mesure des conclusions de ces expérimentations, de lever l’actuel moratoire et constituait ainsi une avancée majeure. Cette position permettrait de maintenir l’interdiction d’un usage commercial de la fracturation hydraulique, tout en laissant la porte ouverte à une exploitation conforme aux usages environnementaux.

Face aux échos dans la presse d’un possible adoucissement de la position allemande, la ministre de l’Environnement, Barbara Hendricks, a rappelé le 17 novembre dernier que, de façon générale, la fracturation recourant à des substances toxiques pour l’environnement restait interdite, tout comme la fracturation hydraulique à des profondeurs inférieures à 3000 mètres, comme indiqué avant l’été.

La ministre a cependant précisé que cette technique pourrait être autorisée "pour de très rares exceptions". Elle n’a pas écarté non plus la possibilité qu’elle soit un jour autorisée en Allemagne, si sa non dangerosité est établie. C’est ainsi que le porte-parole du ministère de l’Environnement a déclaré : "l’état de la science et de la recherche n’est pas statique, il est en constante évolution. C’est pourquoi il serait absurde d’inscrire dans la pierre l’interdiction de la fracturation à des fins commerciales".

L’Europe se prononce contre toute opposition de principe

Dans le même temps, le Conseil européen de l’Académie des Sciences (European Academies Science Advisory Council) a publié le 13 novembre dernier une étude passée relativement inaperçue. Selon les conclusions de cette organisation, réunissant les Académies des Sciences des 28 États membres, la technique de fracturation hydraulique a connu de nombreuses améliorations qui ont permis d’en réduire considérablement l’empreinte écologique. Il n’y a ainsi aucun fondement technique ou scientifique justifiant d’interdire la fracturation hydraulique. L’étude rappelle que la faiblesse des informations géologiques en Europe empêche toute évaluation des réserves éventuelles en gaz de schiste. Elle suppose néanmoins que, dans le contexte de tensions entre l’Europe et la Russie, le gaz de schiste pourrait représenter un levier d’indépendance énergétique et de sécurisation des approvisionnements.

Malgré la multiplication des voix en faveur d’une évolution contrôlée de l’exploration du sous-sol, en France, le statu quo politique persiste au détriment de la compétitivité de notre industrie et de la sécurité énergétique de notre pays. A quand l’ouverture d’un débat ouvert et éclairé sur ces questions ?

Pour en savoir plus, consultez le rapport Gaz de schiste : comment avancer

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne