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20/06/2013

Refonder le patronat : une urgence pour notre compétitivité

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 Claude Bébéar
Auteur
Président d'honneur, Fondateur

Dans une tribune parue dans Le Figaro du 20 juin 2013, Claude Bébéar, président de l'Institut Montaigne, déplore le manque de lisibilité des diverses organisations patronales et lance des pistes pour harmoniser leurs prises de positions.

Comme l'an dernier, les organisations syndicales représentatives seront présentes à la grande conférence sociale pour l'emploi, qui s'ouvre ce jeudi sous l'égide du président de la République.

Cette rencontre constitue une réelle opportunité pour s'interroger sur le fonctionnement du dialogue social en France, et tout particulièrement sur l'organisation du patronat. Si l'unité affichée par les candidats à la présidence du Medef et la récente position commune des trois organisations patronales représentatives vont dans le sens d'un rassemblement, elles ne doivent pas faire oublier qu'une véritable refonte de la représentativité et de l'organisation du patronat reste à mener dans un pays miné par la crise et au sein duquel nos entreprises ont, plus que jamais, besoin de faire entendre leur voix avec clarté et unité. Ces réflexions font l'objet d'un récent travail de l'Institut Montaigne.[1]

C'est l'ensemble du dialogue social qui fonctionne difficilement en France : trop politisé et insuffisamment tourné vers la réforme d'un modèle à bout de souffle, il constitue une entrave à la compétitivité de notre pays alors qu'il devrait en être l'un des pilliers. Si les réformes de ces dernières années ont permis de renforcer la place des syndicats de salariés dans notre démocratie sociale, du côté du patronat beaucoup reste à faire. Souvent divisé, avec des critères de représentativité opaques, le patronat francais semble parfois éloigné des enjeux de nos entreprises alors même que les sujets économiques devraient être au centre des préoccupations.

Le manque de clarté du message patronal trouve son explication dans trois causes majeures : des difficultés stratégiques ; des organisations trop éloignées des entreprises ; des critères de représentativité dépassés.

Des difficultés stratégiques tout d'abord. Contrairement à la plupart de ses voisins, la France est marquée par une extrême pluralité des organisations d'employeurs, tant au niveau national que territorial. Au-delà des trois syndicats représentatifs au niveau national interprofessionnel (Medef, CGPME et UPA), on compte une kyrielle d'organisations et de centres de réflexion dont la division rend parfois inaudible le message porté par les entreprises. Celles-ci auraient pourtant tout à gagner d'une expression commune sur les grands sujets qui les concernent et le patronat devrait être capable de parler d'une même voix afin de porter le message de compétitivité dont notre pays a tant besoin. Au niveau local, il serait utile de créer une "maison des entreprises" qui regrouperait les différents organismes locaux. Au niveau national, il est impératif que le patronat puisse parler d'une seule voix, tant vis-à-vis de l'État que lors des négociations avec les organisations syndicales. Il est temps de repenser le positionnement et le rôle des structures associées ou en relation avec les organisations patronales. À moyen terme, celles-ci devraient se rapprocher pour plus de cohérence et d'efficacité. Une réunion mensuelle des exécutifs des trois organisations pourrait être envisagée, de même qu'une représentation de chacune des trois organisations au sein du conseil exécutif des deux autres. À long terme, il serait sans doute souhaitable qu'une organisation unique, structurée autour de collèges représentant grandes entreprises, PME, entreprises artisanales, etc. voit le jour.

Difficultés organisationnelles ensuite. À cet éclatement du message porté par le patronat s'ajoute une excessive technocratisation des organisations. Celle-ci n'est pas l'apanage des syndicats d'employeurs, mais elle y est particulièrement forte, avec un poids important des permanents qui rend souvent trop ténu le lien avec les entreprises. Cause ou conséquence de cette technocratisation, le message des organisations patronales apparaît parfois brouillé ou loin de la réalité économique et des besoins des chefs d'entreprise. La mise en place de mandats courts et non renouvelables pour les dirigeants des organisations patronales semble essentielle pour éviter la déconnexion avec le monde de l'entreprise. Au-delà de l'organisation interne des structures patronales, c'est leur financement qui doit également être transformé : encore insuffisamment transparent malgré la réforme de 2008, il dépend trop du paritarisme et reste opaque. Ne pourrait-on pas envisager qu'à terme les organisations patronales soient uniquement financées par les cotisations des entreprises adhérentes et ne reçoivent plus de subventions publiques ?

Critères de représentativité dépassés enfin. La définition de ceux-ci est un enjeu majeur et immédiat. Contrairement à ce que l'on lit parfois, le sujet est loin d'être évident, et on ne peut se contenter de copier le modèle de la représentativité syndicale des salariés qui s'appuie sur l'élection. C'est en effet l'adhésion qui doit être le fondement de la représentativité des organisations patronales. Trois critères principaux sont à considérer : le nombre d'entreprises adhérentes, les effectifs de salariés et le poids économique des entreprises.

Ce débat pose la question du morcellement du nombre de branches. L'éclatement des 942 champs conventionnels, dont seulement 300 environ sont actifs avec des négociations régulières, affaiblit considérablement la capacité de négociation ainsi que le sens même de la notion de branche. La question du nombre de branches professionnelles et des conséquences de cette structuration doit impérativement être débattue.

C'est aux organisations patronales d'avancer sur ce terrain comme elles y ont été invitées lors de la dernière conférence sociale. Un consensus entre elles est possible comme l'a montré la récente prise de position commune sur le sujet. Il en va de la qualité du dialogue social et de la compétitivité de notre économie.

Consulter la Note ''10 propositions pour refonder le patronat''

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