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19/09/2012

L’orientation scolaire, clé de l’insertion professionnelle

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L’orientation scolaire, clé de l’insertion professionnelle
 Lucie Piolot
Auteur
Chargée d 'études



Une récente étude du Céreq (*) montre que l’orientation scolaire des jeunes, lorsqu’elle va à l’encontre de ce qu’ils souhaiteraient, influe considérablement sur la réussite scolaire et, par la suite, sur l’entrée dans la vie active. Ces difficultés touchent en particulier les jeunes dont les deux parents sont originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, qui perçoivent plus souvent l’orientation scolaire à la fin du collège et du lycée comme "subie" que les jeunes dont les deux parents sont nés français en France. De cette orientation contrariée découlent des difficultés plus grandes à s’insérer sur le marché du travail ainsi qu’un lourd sentiment de rejet à l’encontre du système scolaire dans son ensemble.

Cette étude analyse les résultats de l’enquête Génération 2004, réalisée par le Céreq en 2007, qui s’intéresse au devenir de 33 655 jeunes, de tous niveaux de formation, trois ans après leur sortie du système éducatif. Elle analyse en particulier l’influence du parcours d’études et du vécu de l’orientation sur l’insertion professionnelle des jeunes issus de l’immigration.

Plusieurs faits intéressants y sont soulignés :
- les jeunes sont inégaux face à l’orientation : l’accès aux différentes filières est marqué par leur appartenance sociale, en raison des inégalités d’accès à l’information, des contraintes liées à la mobilité géographique, de leur niveau scolaire et des aspirations plus élevées exprimées par les familles d’origine immigrée ;
- les jeunes originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne expriment plus souvent que les autres une orientation subie, à la sortie du collège (vers une filière professionnelle) et du lycée (vers des filières générales). Ainsi à la fin de la troisième, un quart d’entre eux (respectivement 23 % et 27 %) ont été orientés vers une seconde professionnelle contrairement à leurs vœux d’intégrer une filière générale, contre 8 % des jeunes d’origine française ;
- par la suite, l’origine des jeunes conditionne leur accès à l’emploi. A parcours scolaire équivalent, les jeunes originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne sont surexposés au chômage, avec un risque respectivement 1,7 fois et 2 fois plus grand que celui des jeunes Français d’origine.

Cette double disparité scolaire et professionnelle génère chez les jeunes concernés un fort sentiment de discrimination, déjà relevé dans l’enquête Banlieue de la République publiée en octobre 2011 par l’Institut Montaigne. En effet, selon le Céreq, 36 % des jeunes issus d’Afrique subsaharienne et 41 % issus du Maghreb estiment avoir été victimes au moins une fois de discrimination à l’embauche, contre 10 % des jeunes Français et 10 % des jeunes originaires du Portugal [1].

Ce ressentiment généré à l’encontre du système éducatif a des conséquences délétères de très long terme sur la relation de confiance que ces jeunes entretiennent avec la société française : "l’orientation à la fin du collège est la sanction la plus radicale de l’adaptation ou non aux exigences de la société et, plus encore, des possibilités d’ascension par la voie du système éducatif"[2].

Dans une note publiée en juillet 2012 [3], l’Institut Montaigne soulignait l’urgence de refonder l’orientation scolaire. Celle-ci est en effet incapable d’établir un lien entre la formation des jeunes, la réalisation de leurs aspirations et les réalités du monde du travail. Pourtant, les exemples sont nombreux de pays (Allemagne, Danemark, Pays-Bas) dont les systèmes d’orientation, très différents du nôtre, sont riches d’enseignements :
- pour ouvrir le monde enseignant aux réalités du monde du travail, il est nécessaire de systématiser les stages de découverte de l’entreprise lors de la formation des enseignants et d’encourager le recrutement de personnes issues de différents milieux professionnels ;
- pour offrir aux jeunes une orientation concrète, favorisant la connaissance de soi, l’apprentissage de l’autonomie et la découverte des métiers, il pourrait être envisagé d’introduire, dès le collège, des cours d’orientation dispensés par des enseignants ou des professionnels extérieurs à l’Education nationale ;
- il faut enfin redéfinir les missions du conseiller d’orientation : celui-ci pourrait évoluer vers des missions purement psychosociales ou vers un rôle de coordination des efforts d’orientation qui seraient menés par le personnel enseignant, qui recevrait à cet effet une formation adéquate.

(*) Yaël Brinbaum, Christine Guégnard, "Parcours de formation et d’insertion des jeunes issus de l’immigration au prisme de l’orientation" in 10 ans de parcours professionnels des jeunes : l’intérêt des études longitudinales, Formation emploi, n°118, Cereq, avril-juin 2012.

Aller plus loin :
- Voir la série vidéo sur l'emploi des jeunes

Notes

[1] Yaël Brinbaum, Christine Guégnard, Parcours de formation et insertion des jeunes issus de l’immigration – De l’orientation au sentiment de discrimination, Net. Doc, n°78, Céreq, février 2011.

[2] Banlieue de la République, p.58.

[3] Choisir les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés, Institut Montaigne, juillet 2012.

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