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12/07/2011

Entrepreneuriat étudiant : décloisonner les formations pour entreprendre

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Entrepreneuriat étudiant : décloisonner les formations pour entreprendre
 Maylis Brandou
Auteur
Directrice adjointe


Tribune publiée dans le cadre de notre partenariat avec L'Etudiant/Educpros.fr

Dans son rapport "De la naissance à la croissance : comment accompagner nos PME" (juin 2011), l’Institut regrette l'absence en France d'un véritable écosystème de l'innovation permettant par exemple la création de richesses via la transdisciplinarité au sein des universités.

Les conclusions du rapport "De la naissance à la croissance : comment accompagner nos PME" sont optimistes : les Français ne sont pas moins entreprenants que leurs voisins, un certain nombre de mesures prises au cours des deux dernières années vont dans le bon sens et portent leurs fruits (tel le statut d’auto-entrepreneur), et les mentalités évoluent progressivement, permettant à un certain nombre de Français d’être plus audacieux.

Du chemin reste cependant à parcourir, notamment pour améliorer le rapport de notre société à l’innovation comme la relation entre les entrepreneurs et la société française. Les jeunes entrepreneurs invités à l’occasion de la présentation du rapport (1) ont soulevé un certain nombre d’interrogations, notamment vis-à-vis des blocages qui subsistent en France, qu’ils soient d’ordre financier, administratif, législatif mais aussi culturel.


Les jeunes entrepreneurs français peu soutenus

Les entrepreneurs français sont moins jeunes qu'ailleurs : l’âge moyen des créateurs d’entreprise s’élève à 38,5 ans en France, 36 ans en Allemagne et 34 ans au Royaume-Uni (2). Les moins de 35 ans représentaient en 2008 moins de 40 % des créateurs d’entreprise et les moins de 25 ans seulement 6,5 %. Les créateurs d’une vingtaine d’années peinent à trouver du soutien pour lancer leur projet. 45 % des jeunes de moins de 24 ans bénéficient d’un soutien de la part de leur famille, et seuls 33 % des créateurs d’entreprise ayant entre 25 et 34 ans reçoivent une aide à la création de la part d’organismes spécialisés.


Des causes culturelles qui ne facilitent pas l’entrepreneuriat et la prise de risque
La culture de l’entrepreneuriat est sous-valorisée en France, et ce à tous les niveaux du système éducatif.

Si la fonction publique continue d’attirer les jeunes Français, la création d’entreprise séduit de plus en plus. En 2005, un sondage Ipsos recensait que 70 % des 15-30 ans souhaitaient travailler dans la fonction publique. Cinq ans plus tard, fin 2010, 34 % des 18-30 ans se rêvent chef d’entreprise et seuls 18 % souhaitent rejoindre le secteur public (3). Selon un autre sondage réalisé par Opinionway (4) en janvier 2010, la moitié des jeunes interrogés déclaraient vouloir créer une entreprise un jour, et 13 % de ceux-ci souhaitaient passer à l’acte dans les deux années à venir.

Ce revirement culturel récent est encourageant. Il ne peut en effet y avoir de croissance sans innovation, ni d’innovation sans risque. L’implication de la jeunesse dans le processus de création d’entreprise est un facteur décisif de réussite, comme en attestent les exemples fournis par le secteur des nouvelles technologies. Rappelons que l’âge moyen des fondateurs de Youtube en 2005 était de 26 ans, de Facebook en 2004 était de 20 ans, de Google en 1998 était de 25 ans, Apple en 1976 de 21 ans et 20 ans pour Microsoft en 1975.


Créer des formations favorisant l’innovation

Si l’on doit apprendre le plus tôt possible aux jeunes enfants à être créatif, l’innovation et l’entrepreneuriat doivent être encouragés dès les premières années d’études. La création d’un véritable écosystème pour favoriser les pratiques innovantes au sein des différentes formations et cursus est aujourd’hui indispensable, notamment dans les écoles d’ingénieurs car trop peu de nos ingénieurs deviennent entrepreneurs.

Sait-on suffisamment qu’un quart des brevets déposés au MIT le sont par des étudiants de niveau undergrade ? Outre les freins financiers, administratifs et culturels (5), l’organisation disciplinaire en silos de notre enseignement supérieur ne favorise pas les échanges entre étudiants issus de formations différentes. Un ingénieur ou un chercheur aura besoin d’expertise marketing et de savoir-faire commercial pour faire vivre une idée issue de sa recherche.

Au Royaume-Uni, le site Internet Spinouts UK a récemment lancé une base de données traitant d’informations sur la commercialisation de la propriété intellectuelle dans l’enseignement supérieur britannique (6). Cette base a permis de révéler que onze universités britanniques ont créé à elles seules plus de la moitié des spin-off – des filiales créées par une organisation pour développer de nouvelles activités – lancées par des établissements d’enseignement supérieur au cours des dix dernières années.

Aujourd’hui, les universités portent une partie de la recherche menée en France. Rapprocher l’université, la recherche et les entreprises doit aussi passer par une véritable prise en compte de l’innovation et de l’entrepreneuriat au sein des cursus universitaires. C’est en jouant sur la proximité des universités, des centres de recherche et des entreprises – et en incitant les professeurs à rejoindre des projets d’entreprise – que la France pourra mettre en place un écosystème permettant la création de richesses au sein de ses universités en donnant à nos étudiants et à nos jeunes diplômés les capacités d’entreprendre.

Références :

(1) L’Institut Montaigne et Initiateurs d’avenir organisaient le 29 juin 2011, en présence d’étudiants, de jeunes actifs et entrepreneurs, un événement autour de Gilles Babinet, entrepreneur et président du Conseil national du numérique, Hugues Franc, directeur du réseau Entreprendre Paris, et Hervé Novelli, ancien secrétaire d'État chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme et des Services.

(2) Source : Observatoire des PME européennes, 2009.

(3) Sondage Opinion Way pour KPMG, septembre 2010 ; 1 008 jeunes, étudiants ou jeunes actifs, de 18 à 30 ans.

(4) Sondage réalisé pour l'APCE, CER France, le CODICE et le Salon des entrepreneurs. Il porte sur un échantillon représentatif de 1 024 jeunes âgés de 18 à 29 ans et traite de la vision qu'ont les jeunes de l'entreprise et de la création d'entreprise.

(5) Voir Romain Bordier, Aloïs Kirchner, Jonathan Nussbaumer, "Adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation", Institut Montaigne, février 2011.

(6) Voir Cercle d’outre-manche, "Du brain drain au brain gain. Le triangle d’or Université, Recherche, Entreprise", juin 2008.

En savoir plus :

- Adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation (Rapport, 2011)

- De la naissance à la croissance : comment développer nos PME (Rapport, 2011)

- Créer et faire grandir nos PME : la page Facebook de l'Institut Montaigne

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