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31/05/2011

Les BRICS et le FMI : les pays émergents "jouent en contre"

 Christophe Jaffrelot
Auteur
Expert Associé - Inde, Démocratie et Populisme

L’élection du successeur de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI) donnera peut-être aux BRICS(1) la première occasion de rassembler leurs voix. Ils représentent actuellement 11% des droits de vote au FMI et il faut 85% des voix à un candidat pour être élu. Il sera intéressant de compter les suffrages se portant sur le candidat soutenu par les BRICS si, cette fois, il y a en a un et s'il est procédé à une élection en bonne et due forme.

Suite à la démission il y a une dizaine de jours de l’ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, le débat sur son successeur bat son plein. Les Européens souhaitent conserver la direction du FMI non seulement parce que les pays de l’Union européenne ont aujourd’hui grand besoin du Fonds, mais aussi parce que les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils entendaient bien, eux, garder la tête de la Banque Mondiale en 2012.

Les pays émergents vivent cela très mal. Dominique Strauss-Kahn ayant lui-même déclaré qu’il serait le dernier Européen à la tête de cette institution, chaque sommet des BRICS a été depuis trois ans l’occasion de contester la monopolisation des directions de la Banque et du Fonds par des puissances qui ne pèsent plus aussi lourds qu’en 1945 lorsque les institutions en question ont vu le jour.

C’est la première fois que le monde voit s’affronter les émergents et les pays riches sur un enjeu de pouvoir de ce type. Certes, le conflit est à fleurets mouchetés, mais il suffit de lire la presse des pays dits "BRICS" et le communiqué des directeurs exécutifs brésilien, chinois, indien, russe et sud-africain du FMI le 25 mai dernier pour mesurer l’ampleur de leur ressentiment.

Certes, ces pays n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes puisqu’ils n’ont pas été en mesure de s’entendre sur une candidature unique - un indice intéressant des divisions qui les travaillent encore et des limites de leur influence. Mais l’essentiel est ailleurs.

Les pays émergents "jouent en contre". Ils ne souhaitent pas tant assumer des responsabilités internationales que de pouvoir dénoncer (et gêner) le vieux directoire occidental. Leur unité tient précisément au fait qu’ils sont exclus des postes de direction. Elle s’évanouira le jour où ils en auront délogé les Occidentaux.

Le fait que ce ne soit peut-être pas pour demain n’est donc qu’une demi bonne nouvelle pour les Européens qui vont probablement être en butte à une hostilité croissante des émergents, au sein même du FMI où le directeur devra composer avec eux.

- En savoir plus sur les quotes-parts au FMI : http://www.imf.org/external/np/sec/memdir/members.aspx

- La France, le G20 et les "pays émergents" : vers un nouvel équilibre des pouvoirs ? (Document de travail, Christophe Jaffrelot, janvier 2011)

(1) L’acronyme "BRICS" désigne le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.

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