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16/02/2009

La tentation protectionniste

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 Nicolas Baverez
Auteur
Expert Associé - Défense

La crise du capitalisme mondialisé, qui a touché l’immobilier à partir de 2006 avant de s’élargir au crédit en 2007, à la finance en 2008 puis à l’économie en 2009, obéit à une dynamique déflationniste qui génère de puissantes pressions protectionnistes.

Sur le plan économique, la violente contraction de l’activité et de l’emploi provoque un fort repli des échanges internationaux (-2,5% en 2008), tandis que la priorité légitime accordée au sauvetage des banques débouche sur une nationalisation de fait du crédit. Sur le plan politique, le recours à la garantie du contribuable a pour corollaire des contreparties destinées à favoriser les entreprises et les emplois nationaux. Sur le plan social, la déflation lamine les classes moyennes et enracine un chômage de masse, déstabilisant les nations libres. Le protectionnisme s’affirme ainsi comme la déclinaison économique du nationalisme.

L’implosion de la mondialisation provoque une renationalisation de l’activité et des politiques économiques, dont le protectionnisme est la première manifestation : clause de Buy American sur l’acier envisagée dans le cadre du plan de relance de l’administration Obama aux Etats-Unis ; baisse de la TVA à l’export en Inde ; taxes sur les voitures importées en Russie ; interdiction des jouets chinois pour six mois en Chine ; projet d’autorisation préalable pour les importations au Brésil ; grèves dans les raffineries autour du slogan « Des emplois anglais pour les travailleurs anglais » au Royaume-Uni ; campagne hostile aux travailleurs issus d’Europe centrale en Irlande ; plan automobile liant les prêts bonifiés à hauteur de 6,5 milliards d’euros au maintien de la production et de l’emploi sur le territoire national en France.

Or le protectionnisme n’est nullement un remède mais une affection opportuniste qui aggrave la récession. La crise des années 1930 en a apporté la démonstration, qui vit la généralisation des mesures de protection à la suite du vote du tarif Smoot-Hawley aux Etats-Unis en 1930. S'en suivirent des dévaluations compétitives après l’échec de la conférence de Londres en 1933, lesquelles provoquèrent un effondrement de 75% des échanges mondiaux entre 1929 et 1938, contribuant à transformer la déflation en grande dépression. Le protectionnisme accélère de fait la baisse de l’activité en entraînant la désintégration du commerce international par le jeu des mesures de représailles. Il pèse négativement sur le pourvoir d’achat en raison de la hausse des prix des produits et des services protégés. Il exacerbe le nationalisme et les conflits internationaux. En Europe, il constitue une menace directe pour les deux grands acquis de l’Union, le grand marché et la monnaie unique.

La théorie comme l’histoire économiques soulignent que la lutte contre le protectionnisme et la coordination des politiques de relance sont déterminantes pour casser la dynamique de la déflation par la dette. C’est pourquoi, il est très important que le G20, le 15 novembre à New York, puis le G7, le 15 février à Rome, aient condamné sans ambiguïté le protectionnisme. Il faut désormais que les actes suivent les mots. Car la forme première du protectionnisme est à chercher dans la dévaluation compétitive, qui se généralise depuis les pays émergents jusqu’au Royaume-Uni. Voilà pourquoi il est vital de parvenir à nouer, dans le cadre du G20, une négociation entre les grands pôles de l’économie mondiale liant la préservation du libre-échange dans le cadre du cycle de Doha, la définition d’un ordre monétaire, l’adoption de principe et de règles communs en matière de protection de l’environnement.

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