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16/09/2020

17 propositions pour repenser le capitalisme

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17 propositions pour repenser le capitalisme
 Clémence Alméras
Auteur
Chargée d’études - Énergie et développement durable
 Francesco Bellino
Auteur
Directeur Associé du BCG

De nombreuses entreprises européennes jouent aujourd’hui leur survie : menacées par l’âpreté de la concurrence, la faiblesse des investissements et leur fragmentation.

Il faut maintenant penser un nouveau modèle, résolument européen, dans le contexte actuel où la crise économique et sociale qui se profile avec la pandémie de Covid-19 s’accompagne de mesures de soutien sans précédent : le 15 juin dernier, France, Allemagne et Italie ont déjà engagé des mesures pour plus de 2,9 trillions d’euros, représentant parfois plus de 40 % du PIB de ces pays.

Dans un rapport publié conjointement par le Comité Médicis et l’Institut Montaigne, nous formulons 17 recommandations visant à réconcilier objectifs économiques, sociaux, environnementaux et géopolitiques autour d’initiatives très concrètes pour faire de l’Europe la patrie du "capitalisme responsable". Pourquoi l’Europe ? Parce que nous la considérons en avance sur les autres États en matière de protection sociale et d’exigences de protection de l’environnement, comme le montrent les avancées sur la taxonomie verte, ou même les bons résultats des partis écologistes dans plusieurs pays européens, la France en tête.

En Europe, le mouvement est déjà lancé. La plupart des entreprises ont significativement augmenté le niveau d’effort pour une transition responsable et la transparence sur leurs actions, comme en témoignent des rapports d’activité toujours plus nombreux et étayés. Néanmoins, force est de constater que peu d’entreprises ont pu réaliser une véritable transition responsable à date. Plusieurs freins expliquent cet échec :

  • une attente des investisseurs et actionnaires qui reste trop souvent financière et court-termiste (héritage du capitalisme friedmanien) ;
  • une difficulté de mise en œuvre, même lorsque le top management donne une direction claire, par manque d’adhésion forte du middlemanagement qui perçoit une injonction contradictoire entre résultats financiers et responsabilité d’entreprise ;
  • une difficulté à prioriser les actions (et ressources sous-jacentes), conduisant souvent à une dispersion des efforts et une réduction de l’impact.

Afin d’y remédier et de parvenir au plein exercice d’un capitalisme responsable permettant d’assurer prospérité, indépendance et résilience pour les entreprises européennes, et parce que les obstacles sont avant tout réglementaires et de financement, la mobilisation d'un écosystème au-delà de l’entreprise et la définition d’un cadre sont nécessaires.

D’abord, il faudra réviser le cadre de l’évaluation de performance des entreprises, afin que la réalité soit reflétée dans son ensemble. L’information financière, vue par le capitalisme friedmanien comme seule indication de la "responsabilité" de l’entreprise (envers ses actionnaires), doit être complétée par une information extra-financière afin de mener à bien la transition vers une économie durable, en associant la rentabilité à long terme à la justice sociale et à la protection de l'environnement. En effet, cette information extra-financière décrit, à la fois pour l’investisseur et pour le citoyen-consommateur, les performances sociales, sociétales et environnementales des entreprises et de leurs incidences sur la société.

L'Europe doit maintenant instaurer un cadre normatif de l'information extra-financière qui lui soit propre et qui incarne ses valeurs, naturellement différentes de celles prônées par les États-Unis ou la Chine.

L'Europe doit maintenant instaurer un cadre normatif de l'information extra-financière qui lui soit propre et qui incarne ses valeurs, naturellement différentes de celles prônées par les États-Unis ou la Chine. Pour cela, il est nécessaire, avant de choisir les indicateurs pour une notation extra-financière, que l’Union européenne identifie des thématiques essentielles relatives aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), correspondant aux valeurs de l’UE. Au vu des montants en jeu, il faudra conditionner toute aide nationale ou européenne à des exigences ESG assises sur une taxonomie à la fois verte et sociale.

Par ailleurs, afin de toujours mieux encadrer les entreprises européennes pour les accompagner dans ce mouvement vers un capitalisme responsable, et embarquer ainsi non seulement les dirigeants mais aussi et surtout les collaborateurs, nous recommandons d’établir des lignes directrices européennes en matière de gouvernance d'entreprise, notamment au travers d’une augmentation de la participation des salariés à l’actionnariat de leurs entreprises via une harmonisation des dispositifs de participation et d’intéressement.

Par nos 17 propositions, nous avons l’ambition de lancer une réflexion qui permette à l’Europe de construire ce nouveau capitalisme, dont nos sociétés et nos entreprises ont besoin.

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