Le moment crucial d’établissement par Xi Jinping de son contrôle sur l’APL est désormais derrière elle.
Sous l’angle du contrôle politique, la lutte anti-corruption est en théorie une arme à double tranchant. Elle fait des perdants et des gagnants. Le système d’achats de postes et les commissions liées aux grands projets d’armement et de construction ont assuré l’enrichissement de nombreux officiers. Une Commission d’inspection et de discipline puissante, sous l’autorité directe de la CMC, met de nombreux intérêts en danger et ouvre la voie à de possibles luttes de pouvoir fondées sur la dénonciation. L’imposition par le haut d’une culture d’austérité, les trajectoires brisées d’officiers qui concevaient leur propre corruption comme une pratique normale de survie dans le système, ne font pas que des heureux. Mais elles en font aussi, car un système de promotion fondé sur la vente de rangs génère de l’injustice.
Si elle a bien visé à promouvoir une "éthique de travail de première classe", la campagne anti-corruption n’en a pas moins épargné la plus haute sphère de l’APL. Aucun officier général en poste à la CMC ni dans des fonctions de commandement des théâtres régionaux n’a été incriminé. L’action disciplinaire s’est concentrée sur les adjoints et les dirigeants partis à la retraite, ce qui suggère une intention de préserver un système d’autorité et de légitimité. Les arrestations d’officiers supérieurs et de généraux se sont, au moins pour moitié, concentrées sur le réseau de pouvoir construit par Xu Caihou et Guo Boxiong, avec une concentration de la purge sur les systèmes de la logistique et de la guerre politique - que les deux généraux pilotaient de la CMC - afin de le démanteler, et "d’exterminer leur influence", comme annoncé par Xi Jinping à la conférence de Gutian.
La puissance accumulée par les généraux Xu et Guo, installés à la CMC en 1999 par Jiang Zemin pour y conserver sa propre influence (et à l’origine, son propre poste, empêchant ainsi une transition complète vers Hu Jintao), était paralysante pour la gouvernance en Chine. Mais cette époque est révolue.
À l’heure du 20ème Congrès, l’APL ne semble plus un obstacle en mesure de limiter les ambitions de Xi Jinping. De sa position à la tête de la CMC, ce dernier renouvelle le haut commandement de l’APL et crée son réseau. Entre décembre 2020 et septembre 2021, il a ainsi nommé 13 généraux/amiraux (trois étoiles, le rang le plus élevé dans l’APL), soit plus de 30 % des généraux en service actif à la fin de l’année 2021. Le renouvellement de la CMC sera aussi l’occasion de consolider une nouvelle fois son emprise sur l’APL. Les six postes au sein de l’instance dirigeante suprême sont à pourvoir, et aucune règle institutionnelle précise n’existe pour choisir les généraux qui y siègeront. En outre, l’importante représentation de l’APL au sein du Comité central du Parti (20 % du 19e Comité Central, soit 41 membres sur 204) permet de manière statutaire au Secrétaire général du Parti, en sa qualité de Président de la Commission militaire centrale, de disposer au sein du Comité central d’un appui solide pour décourager les oppositions à son agenda. Dans ces conditions, il est très improbable qu’elle puisse se constituer en groupe d’intérêt distinct des préférences de la direction du Parti pour lui imposer des choix en matière de politique étrangère et de sécurité.
Copyright : Greg Baker / AFP
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