"L'écroulement de ces constructions sémantiques libère une grande quantité d'énergie sociale", avertit Vladimir Sourkov, qui s'interroge sur la capacité du monde occidental à la canaliser (spectacles, compétitions sportives, conflits localisés, etc...) et à éviter que la température du système atteigne des niveaux dangereux (guerre, révolution).
La Russie, écrit-il, est "implantée à l’Est et à l’Ouest, à la fois européenne et asiatique, sans être pleinement asiatique ni tout à fait européenne. Notre appartenance culturelle et géopolitique rappelle l’identité vagabonde d’une personne issue d’un mariage mixte". Pas plus qu'en Occident, l'avenir de la Russie ne se situe en Orient, elle n'a "pris racine ni ici, ni là" et n'incarne pas une civilisation propre. La Chine, dont la "retenue masque des réserves gigantesques de chaos", lui inspire d'ailleurs des inquiétudes, elle se transformera en "grand émetteur d'entropie", faisant concurrence aux États-Unis. Pour beaucoup de peuples, "la vie rappellera celle aux abords du Vésuve", écrit-il.
La Russie, puissance impériale et solitaire
Le 15 février 2022, quelques jours avant l'invasion russe en Ukraine, Vladislav Sourkov revient sur la formation de l'URSS et, plus particulièrement, sur la paix "honteuse" de Brest-Litovsk, conclue en février 1918, par laquelle la Russie cédait à l'Allemagne des "territoires considérables" qui, selon lui, ramenaient ses frontières à une période antérieure à la dynastie Romanov. Certes, elle a regagné des terres, mais aujourd'hui, la carte de la Russie européenne coïncide largement avec celle de 1918, "après l'ultimatum allemand", alors qu’elle n'a pas perdu de guerre et n'a pas été "contaminée par une nouvelle révolution". C'est pourquoi il anticipe "beaucoup de géopolitique, pratique et appliquée, et même probablement de contact", avant d’adresser un avertissement : "nous sommes favorables à la paix, naturellement, pas à une paix honteuse, mais à une paix juste". Cette ambition impériale inquiète, y compris les commentateurs russes proches du pouvoir. Les Russes vont mal, non parce qu’ils sont travaillés par des "instincts impériaux", mais parce que, réplique le MK, depuis un an et demi, ils ne voient pas la fin de l’épidémie de Covid, parce que leurs revenus stagnent ou baissent depuis des années. La Nezavissimaïa gazeta (NG) dénonce l’expression des vues de "fanatiques" et de "groupes d'intérêts influents", qui "peuvent tout à fait être en contradiction avec les intérêts nationaux de la Russie en tant qu'État". De manière prémonitoire, le journal conservateur évoque les "sanctions anti-russes" ainsi que "l'isolationnisme, le totalitarisme et la destruction de l'opposition" qu'entraînerait une telle politique révisionniste. "Nous nous souvenons que la 'guerre impérialiste' s'est transformée en guerre civile", met en garde la NG.
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