En juin 2020, dans un entretien TV, le Président russe observait d’autre part que, lors de la fondation de l'Union soviétique, le droit de retrait de la fédération avait été inscrit dans la constitution sans que la procédure soit explicitée. "D'où la question", que se passe-t-il si "l'une ou l'autre des républiques, ayant adhéré à l'Union soviétique, et qui a reçu dans ses "bagages" une grande quantité de terres russes - des territoires russes traditionnels et historiques - décide ensuite se retirer de la fédération ?". "Ne devrait-elle pas rendre les cadeaux qu'elle a reçu du peuple russe ?", se demandait alors Vladimir Poutine. La réponse est venue, le 21 février, lorsque le Président russe a dénoncé le fait que les dirigeants ukrainiens aient "empoché des territoires reçus non seulement à l'époque soviétique mais aussi de l'empire russe". Bien qu'ils s'en défendent, la crainte de nouvelles amputations de territoires va désormais se répandre dans tous les pays de l'espace post-soviétique, notamment au Kazakhstan, mentionné par Vladimir Poutine.
Une décision préparée depuis longtemps, qui constitue une césure de l’ordre européen
La mise en scène à laquelle a donné lieu la réunion du Conseil de sécurité qui a précédé l'annonce de la reconnaissance de l'indépendance des républiques sécessionnistes montre que l’invasion de l’Ukraine a été préparée de longue date et que le Président Poutine est bien conscient du caractère historique de sa décision. "Depuis plusieurs mois, nous nous préparons à une possible réaction à la reconnaissance de la DNR et de la LNR (nb. les entités séparatistes). Je veux parler en premier lieu de la substitution aux importations et de l'analyse des risques auxquels nous pouvons être confrontés si la décision est prise", a admis le Premier ministre Michoustine lors de cette réunion. Depuis des années, la banque centrale a accumulé des réserves qui dépassent 600 milliards de dollars. En 2014, l'annexion de l'Ukraine et l'ingérence dans le Donbass avaient été décidées dans le secret des bureaux du Kremlin, alors que la Crimée a une portée symbolique beaucoup plus forte que le Donbass. La publicité très inhabituelle donnée à la réunion du Conseil de sécurité - dont les travaux sont confidentiels - qui se tenait dans le cadre majestueux de la salle Catherine a montré un Vladimir Poutine monarque mais soucieux d'impliquer son entourage proche dans un choix qui pourrait s'avérer funeste pour son pays. La gêne de certains membres du conseil était palpable. Dmitri Kozak, le négociateur sur le dossier ukrainien, est apparu nerveux, Sergueï Narychkine, directeur du service de renseignement extérieur (SVR), s'est montré hésitant, évoquant la possibilité de donner une "dernière chance aux partenaires occidentaux pour contraindre Kiev", puis une "annexion" de ces territoires, avant de se voir sommé par le Président de dire clairement s'il était favorable à leur reconnaissance, ce qu'il a fait. L'intervention du procureur général Krasnov n'a pas été diffusée.
L'offensive de l'armée russe en Ukraine marque un seuil dans les actions agressives conduites par Moscou. Jusqu'à présent, la Russie avait privilégié des opérations clandestines (GRU, FSB, "petits hommes verts" en Crimée) et des proxies pour ses actions offensives (mercenaires du groupe Wagner, hackers).
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