Nous, Occidentaux, prétendons être surpris par ce retour de l’Histoire : nous ne devrions pas l’être. Avec un parfait cynisme, comme s’ils s’encourageaient l’un l’autre - comme peuvent le faire deux élèves turbulents dans une même classe - Poutine et Xi sont arrivés à la conclusion que le moment était venu pour faire tomber les masques. Présentant leur démarche offensive, sous le signe de la défensive, Russes et Chinois considèrent sans doute que Washington est trop faible et l’Europe trop divisée pour s’opposer à leur volonté de réécriture de l’Histoire. Moscou et Pékin ont été confortés dans leur conviction que le temps jouait irrésistiblement en leur faveur avec la succession de deux évènements clés en 2021 : la marche sur le Capitole de Washington le 6 janvier et la chute de Kaboul le 15 août. Fragilisés à l’intérieur et humiliés à l’extérieur, les États-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient lorsque, portés par l’implosion de l’URSS et le relatif isolement qui fût celui de la Chine après la répression de Tiananmen en 1989, ils étaient amenés à devenir pour plus d’une décennie la puissance unipolaire du monde.
Pour la Russie, retrouver le statut qui fut celui de l’Union soviétique en poursuivant les ambitions impériales de l’Empire russe n’est pas une divine surprise, mais l’aboutissement d’un projet longuement mûri par son tsar actuel, Vladimir Poutine. Moscou a repris l’initiative, se donnant les moyens militaires pour le faire. Tant pis si les hôpitaux, et plus globalement le système de santé russe, montrent leurs failles et leurs limites, avec un bilan de près de 700 000 morts victimes du Covid-19 (six fois plus que la France pour une population qui n'est qu'un peu plus que deux fois la nôtre). La modernisation de ses armées permet à la Russie de retrouver la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre au sein d’un nouveau triangle reconstitué : Washington, Pékin, Moscou. Même si la Russie demeure l’élément le plus faible de ce triangle, et de très loin sur les plans économique et démographique, le chemin parcouru en un peu plus de vingt ans est considérable, spectaculaire même sur le plan militaire. De la Crimée à la Syrie en passant par le Kazakhstan, plus personne ne peut désormais mettre en doute l’efficacité des troupes et commandos d’élite russes.
Et pourtant, ce succès a un coût. En allant trop vite, trop loin, au moment où le monde occidental allait plutôt dans la direction inverse, faisant presque toujours trop peu et trop tard, la Russie a redonné vie à l’OTAN et la Chine a donné naissance à AUKUS, l’alliance militaire tripartite formée par l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni.
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