Conserver le style de gouvernement de ces cinq dernières années ("durchregieren") n'est pas une option réaliste, estime la Hanns Seidel Stiftung, proche de la CSU bavaroise, la recherche de compromis s'impose. Du reste, l'existence d'une majorité absolue ne garantit pas la mise en œuvre de l’agenda de réforme, observe Joseph de Weck, faute de véritable discussion au Parlement, le débat gagne la rue et les réformes importantes sont bloquées. Emmanuel Macron dispose de cinq ans pour surmonter les profonds clivages de la société française, il n'est pas certain qu'il y parvienne, compte tenu de la polarisation du pays et du risque de paralysie de l'Assemblée nationale, qui rend aléatoire tout dialogue raisonnable sur la politique économique, jugent les experts de la SWP. Le discours de politique générale de la première ministre Élisabeth Borne, le 6 juillet, a suscité à ce stade peu de réactions. Berlin reste naturellement attentif au retour aux grands équilibres économiques et financiers - niveau d'endettement, déficit budgétaire, réforme des retraites - ainsi que, pour des raisons historiques, au regain d'inflation observé actuellement. Les assurances données par le Président et la Première ministre sur le refus des hausses d'impôt, de l'accroissement de la dette publique et sur le report de l'âge de départ en retraite ont certainement été enregistrées.
Quelle coopération franco-allemande dans ce nouveau contexte ?
Bien que la politique étrangère soit largement entre les mains de l'exécutif, la forte représentation, à l'Assemblée nationale, de forces politiques eurosceptiques et critiques à l'égard de l'Allemagne ne manque pas d'être relevée. Le revers électoral subi par le parti d'Emmanuel Macron lors des législatives ne devrait pas avoir d'impact négatif sur son image au sein de l'UE, estiment les commentateurs, certains souhaiteraient qu'Olaf Scholz manifeste un plus grand leadership mais, qu'il s'agisse de Nord stream 2, de la gestion de la crise ukrainienne (livraisons d'armes, voyage à Kiev) et de celle du Covid, ils constatent que, jusqu'à présent, le chancelier n'a pas vraiment convaincu. La France peut être satisfaite de sa présidence du conseil de l'Union européenne, souligne-t-on à Berlin, l'environnement international (Covid, Ukraine) risque toutefois de contrarier les ambitions européennes du Président Macron, alors que l'on assiste au retour de l'inflation et à la remontée des taux d'intérêt, dont on voit les effets sur les spreads (Italie). La nomination comme secrétaire d'État aux Affaires européennes de Laurence Boone, économiste réputée et ancienne conseillère du Président Hollande, favorable à la solidarité financière entre pays membres de la zone euro, est significative alors qu'une discussion sur les règles fiscales européennes devrait avoir lieu l'an prochain. La mouvance conservatrice libérale craint que le Président français n'utilise un contexte international porteur - la Zeitenwende, ce "changement d’époque", évoquée par Olaf Scholz - pour accentuer le rôle de l'État dans les économies, assouplir les règles budgétaires et communautariser les dettes.
Après l'invasion de l'Ukraine, la France et l’Allemagne ont continué à manifester à l’égard de la Russie une prudence qui leur a été reprochée dans les capitales d’Europe centrale et balte, Paris et Berlin doivent veiller à maintenir la cohésion des 27 dans un conflit qui pourrait s’inscrire dans la durée. Olaf Scholz a effectué récemment une tournée dans cette région et se montre très allant sur l'adhésion à l'UE des Balkans occidentaux, perspective qui pourrait se heurter à des résistances en France compte tenu de l'audience des partis eurosceptiques. Le chancelier allemand appuie Emmanuel Macron qui plaide pour la généralisation de la règle de la majorité qualifiée en politique étrangère. L’éventualité de changements des traités européens, destinés à rendre l'UE plus efficace - envisagée avec de grandes réserves dans de nombreux États membres - est accueillie avec prudence par Olaf Scholz, qui évoque la nécessité d’un consensus sur cette réforme, et cela bien que l'accord de coalition mentionne la constitution d'un État fédéral européen. Les événements ont bousculé le contrat de coalition et, en imprimant un changement radical à la politique de Défense de la République fédérale, le chancelier social-démocrate a montré qu’il était prêt, plus qu'Angela Merkel, à des initiatives audacieuses. Sur le plan économique et financier, il a pris une part active à la négociation du plan de relance européen et, au sein de sa coalition, les Verts, qui ont le vent en poupe, sont l’élément moteur pro-européen face à des Libéraux en difficulté dans l’opinion. La question du nucléaire, les enjeux liés à la montée de l'inflation et ceux relatifs à la révision de la zone euro pourraient néanmoins s’avérer de sérieux points de crispation dans le couple franco-allemand. Le prochain conseil des ministres entre les deux pays devrait être l'occasion de préciser les projets bilatéraux et européens portés par Berlin et Paris.
Copyright : JOHN MACDOUGALL / AFP
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