L’absence de paix sociale est également un problème économique, notamment pour les investisseurs allemands qui sont par nature très prudents : ils valorisent la stabilité comme facteur de compétitivité et sont rapidement effrayés par les images de violence, véhiculées dans les médias. S’il veut regagner la confiance de l’élite politique et économique allemande, Macron devrait essayer de regagner la paix sociale après avoir remporté la bataille de la compétitivité. Mais il n’est pas certain que cela soit sa priorité pour un deuxième mandat.
Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Macron a cherché à incarner un nouveau leadership européen afin de poser les bases d’une Europe plus souveraine vis-à-vis des puissances américaine et chinoise. La crise afghane et la création d’AUKUS pourrait-elle marquer un tournant dans la perception allemande du projet d’autonomie stratégique européenne porté par Emmanuel Macron depuis le discours de la Sorbonne ?
Il est rare, en Allemagne, qu'un événement extérieur soit à l'origine d’un changement radical dans la politique du pays. L’abandon du nucléaire après Fukushima était une exception, même si au fond, il s’agissait d’une décision issue d’un processus engagé plusieurs décennies plus tôt. En République Fédérale, comme en France, les changements sur les grandes questions politiques sont très progressifs. C’est également le cas sur la question de l’autonomie stratégique européenne.
Cependant, il est vrai que le cours de l’histoire récente - la montée en puissance de la Chine, l’échec de l’intervention en Afghanistan et l’alliance AUKUS - donne de plus en plus raison à Emmanuel Macron sur son projet d’Europe Puissance. D’ailleurs, le candidat du SPD, Olaf Scholz, comme celui de la CDU, Armin Laschet, ont tous deux repris le discours français d’une Europe plus souveraine. Et comme le montrent l’accord commercial avec la Chine et le projet Nordstream 2, Berlin n’a aucun problème à aller à l’encontre des États-Unis, même si l’Allemagne reconnaît sa dépendance vis-à-vis de Washington en matière de sécurité.
Si AUKUS devrait être un moment de vérité, il devrait l’être autant pour la France que pour l’Allemagne. Le Président français prêche une Europe souveraine en France, mais semble ensuite agir seul dans ses engagements internationaux, avec la Russie ou en Libye, révélant ainsi une politique étrangère "gaulliste", qui ignore les partenaires européens de la France. Les décisions unilatérales ont donné peu de résultats, mais pire, elles ont coûté à Emmanuel Macron énormément de capital politique et de crédibilité, en Allemagne comme dans le reste de l’Union.
Cependant, après l’échec en Afghanistan et AUKUS, nous sommes nombreux, en Europe, à comprendre que les États-Unis, préoccupés par leur conflit avec la Chine, sont devenus moins fiables et s'intéressent peu aux considérations européennes dans la formulation de leur politique étrangère.
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