Sans se lasser, le Président français est revenu à plusieurs reprises sur l'intégrité territoriale, le respect des frontières, la défense de la souveraineté pour mieux souligner que la Russie "se dit prête à œuvrer à un ordre international nouveau" en foulant aux pieds ces principes essentiels qui jusqu'ici, malgré des entorses du côté occidental ("nous avons eu tort de prendre des licences avec ces valeurs"), ont constitué le fondement de l'ordre international.
Puis il a développé son message essentiel, à savoir le refus d’une "nouvelle partition du monde" non seulement artificielle mais désastreuse pour le traitement des vrais problèmes : "Notre responsabilité commune est plutôt d'œuvrer pour aider les plus fragiles, les plus touchés, à faire face à tous ces défis. Narendra Modi, le Premier ministre de l'Inde, a eu raison de le dire : l'heure n’est pas à la guerre. Elle n'est ni à la revanche contre l'Occident, ni à l'opposition de l'Ouest contre le reste. Elle est au sursaut collectif de nos pays souverains. C’est pourquoi il est urgent de bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud, un contrat efficace et respectueux pour l’alimentation, pour le climat et la biodiversité, pour l'éducation". Enfonçant le clou sans s'interdire une pointe de polémique le président de la République a aussi dit : "qui pendant la pandémie était là ? qui propose des financements face à la transition climatique ? Pas ceux qui aujourd'hui vous proposent un nouvel ordre international et qui n’avaient pas de vaccins qui marchent, et qui ont été peu solidaires, et qui n'apportent rien face au climat".
Remarquable discours donc, parce que "ciblé" en fonction d’une audience et d’un message, parce que faisant appel aux principes mais aussi aux intérêts bien compris des États du Sud, parce qu'enfin offrant une perspective : des coalitions ad hoc pour faire avancer les solutions aux grands problèmes qui conditionnent l'avenir de toute l'humanité. C’est à ce titre que le Président a cité le Forum de Paris sur la Paix, dont l'Institut Montaigne est membre fondateur et dont la session de cette année devrait revêtir une importance particulière. Discours en outre qui résulte d’une réflexion entamée depuis des semaines puisque, par exemple, Emmanuel Macron avait commencé à dénoncer la supercherie des Russes vis-à-vis des pays du Sud lorsqu’il avait visité le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau fin juillet. Sincèrement attaché à une gestion efficace des enjeux globaux, le Président a sans doute perçu mieux que d'autres le danger d’une jonction Est-Sud (alors qu'il n'avait apparemment pas mesuré l’impact de son dialogue avec la Russie sur son crédit en Europe). On peut se demander enfin si son allocution devant l'Assemblée Générale des Nations Unies n’intervient pas à un moment propice.
Un changement d'atmosphère ?
Il n'est pas impossible en effet que le vent ait commencé de tourner dans la relation de la Russie avec le Sud Global. Un signal précurseur était venu de l'accord du 22 juillet entre la Russie et l'Ukraine, sous les auspices des Nations Unies, permettant une sortie du blé ukrainien par la mer Noire, jusque-là bloqué par les Russes. Une telle concession n'est pas dans la nature de la diplomatie russe. Vladimir Poutine a peut-être perçu que son chantage au blé commençait à se retourner contre lui. Plus récemment, juste avant la tenue de l'Assemblée Générale, un vote quasi unanime avait autorisé M. Zelensky à s’exprimer par téléconférence devant les Nations Unies, malgré l'opposition de la Russie.
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