Sur ces différents fronts - sanctions, politique énergétique, rétablissement d’une capacité de dissuasion en Europe - ou sur d’autres, tel le soutien à l’Ukraine, une responsabilité particulière incombe à la France. Ce n’est pas verser dans la grandiloquence que de dire que nous sommes dans un “moment gaullien”, qui appelle de la part des dirigeants français une solidarité transatlantique similaire à celle de De Gaulle lors des crises de Berlin et de Cuba. Plus encore peut-être, nous sommes dans un moment “crise des euromissiles” - cet épisode crucial qui a précédé la fin de la guerre froide et qui avait vu le Président Mitterrand défendre de manière spectaculaire, notamment auprès de l’opinion allemande, la décision de l’OTAN de contrebalancer le déploiement d’un nouveau type d’armement russe, les SS20.
Aujourd’hui, comme au début des années 80, ce sont bien des enjeux fondamentaux pour l’Europe que nos dirigeants doivent affronter : les équilibres stratégiques, la souveraineté des nations, le respect des traités et des engagements internationaux. Nous serions tentés de dire aujourd’hui plus encore qu’au début des années 80, puisque cette fois l’épreuve de force armée a déjà commencé.
Dans un tel contexte, la France, membre permanent du Conseil de sécurité et puissance nucléaire, retrouve sa vocation naturelle de pilier de la sécurité européenne. Il est attendu d’elle qu’elle tienne une position de fermeté. L’ironie de l’Histoire veut que cette tâche incombe à Emmanuel Macron dans les dernières semaines de ce quinquennat et alors que le Président s’est pendant toute une partie de son mandat écarté de la ligne moyenne de la politique européenne pour plaider le dialogue avec la Russie.
Or précisément, lors des dernières semaines, Emmanuel Macron s’est certes signalé par sa volonté de rechercher jusqu’au bout, comme il était normal, une solution négociée avec Moscou. Mais aussi par le soin qu’il a mis, contrairement à son comportement antérieur de "cavalier seul”, à consulter ses partenaires et à respecter la cohésion transatlantique. Ses partenaires le soupçonnaient de complaisance à l’égard de Moscou. Il apparaît aujourd’hui comme la voix naturelle de l’Europe, plus encore qu’Olaf Scholz dont la marge de manœuvre est plus difficile pour des raisons de politique intérieure. Et cela d’autant plus que le Brexit réduit l’influence du Royaume-Uni. Lors de l’ultime concertation transatlantique, ce sont Emmanuel Macron et Olaf Scholz que le Président Biden a appelés.
Il reste à Emmanuel Macron à trouver l’équivalent du “les SS20 sont à l’Est, les pacifistes à l’Ouest” de François Mitterrand en 1983. Formulons le vœu, en ce temps de campagne présidentielle, que la classe politique française dans son ensemble prenne conscience des responsabilités qui incombent désormais à la France pour le destin même de l’Europe. Rappelons aussi que le discours au Bundestag du Président Mitterrand fut le point de départ d’une grande politique européenne allant bien au-delà des aspects militaires et de sécurité.
Copyright : Sergei GUNEYEV / SPUTNIK / AFP
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