L'agresseur frustré et le résistant héroïque
Le point d'arrivée de la négociation - et non bien sûr son point de départ - pourrait se résumer ainsi. L'Ukraine, victorieuse moralement, accepte la perte de la Crimée et de l'est du Donbass. Il s'agit de territoires qu'elle ne contrôlait déjà plus. Et la Russie, revenue à la raison, reconnaît qu'elle n'a pas gagné l'Ukraine et qu'au sud du pays, ses possessions territoriales se limitent à la seule Crimée. Autrement dit, l'Ukraine continue d'avoir accès à la mer Noire et d'être en contrôle d'Odessa et de Marioupol.
Ce compromis peut apparaître irréaliste aux uns - jamais Poutine dans sa course vers l'abîme ne l'acceptera -, injuste et immoral aux autres - pourquoi récompenser ainsi l'agression russe ? Mais c'est précisément parce qu'il semble inacceptable aux deux parties - l'agresseur frustré et le résistant héroïque - que ce compromis fait ou fera sens.
Bien sûr chaque partie voudra renforcer sa position de négociation sur le terrain, et plus on avancera dans les pourparlers, plus les combats seront acharnés. Mais l'alternative n'est-elle pas bien pire : la guerre qui s'installe dans la durée, les bombardements sur les civils qui deviennent le "nouveau normal" ? Sans oublier le risque d'escalade, pouvant aller jusqu'à l'utilisation d'armes de destruction massive.
Il ne faut pas céder à la stratégie de la peur utilisée par Poutine. "Vous me décrivez comme fou, eh bien je vais vous montrer jusqu'où je suis capable d'aller !" Mais il ne faut pas non plus jouer avec le feu.
Faire preuve de générosité éclairée
Le compromis suggéré aurait aussi l'avantage de rendre le soutien de Pékin à Moscou plus difficile. C'est une chose de soutenir son allié autoritaire face aux démocraties. C'en est une autre de s'isoler aux côtés d'un état paria qui refuse la porte de sortie honorable qui lui est offerte.
L'Europe a un rôle essentiel à jouer dans ce schéma et doit faire preuve d'une générosité éclairée. L'Ukraine vient de renoncer à l'Otan. L'Union européenne doit retrouver ce qui a fait sa force hier, sa capacité d'agir par capillarité. Les Ukrainiens, par leur héroïsme, ont gagné le droit d'entrer dans notre "club de valeurs".
Mais combien de vies seront inutilement sacrifiées avant que Poutine ne reconnaisse la futilité tragique de son entreprise ? "Les hommes ne deviennent raisonnables que lorsqu'ils ont épuisé toutes les autres solutions", disait Churchill.
Avec l’aimable participation des Echos, publié le 20/03/2022
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