Certes, les relations entre les deux pays ont toujours été complexes. Dès les années 1950 et 1960, Washington et Delhi percevaient la Chine comme une menace, surtout après la défaite de Delhi face à Pékin dans la guerre de 1962. Mais, dès le début des années 1970, les positions des deux pays sur la Chine commencèrent à diverger. L'Inde s'est sentie trahie, abandonnée presque, après le rapprochement effectué par Richard Nixon avec Pékin. De manière mécanique, il s'ensuivit un rapprochement entre l'Inde et l'URSS et, en contrepartie, entre l'Amérique et le Pakistan. La décision de Delhi de devenir une puissance nucléaire militaire irrita d'abord considérablement Washington, puis l'Amérique se résigna à une réalité à laquelle elle ne pouvait s'opposer, considérant somme toute qu'"à quelque chose malheur est bon" : la bombe indienne constituant une forme de dissuasion supplémentaire face à la Chine.
Rapprochement avec la Chine
Pourtant, si une méfiance partagée à l'égard de la Chine est une condition nécessaire au rapprochement entre Washington et Delhi, ce n'est pas une condition suffisante à l'établissement sur le long terme d'une relation de confiance entre les deux géants. À partir du moment où Washington et Delhi ne partagent plus un sincère attachement à la démocratie, tout est possible. En dépit de la chaleur des étreintes et de l'hyperbole des compliments entre Donald Trump et Narendra Modi, il n'est pas exclu que l'Inde arrive un jour à la conclusion que ses intérêts bien compris supposent un rapprochement unilatéral avec la Chine, une puissance tout à la fois plus proche et plus prévisible.
Entre montée du nationalisme économique et recul de la démocratie, il est peu probable que la relation entre l'Inde et l'Amérique progresse réellement. L'Inde et l'Amérique sont à un tournant décisif de leur histoire. Pour le moment, elles semblent se conforter l'une l'autre dans leurs pires instincts.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 01/03/2020)
Copyright : Prakash SINGH / AFP
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