Il existe donc un décalage entre les objectifs poursuivis par la Chine et les objectifs des autres parties prenantes. Les visées chinoises peuvent être satisfaites grâce aux mécanismes du marché - si les entreprises étrangères trouvent un intérêt à contribuer à des projets d'infrastructure technologique en qualité de sous-traitants. À l’inverse, les objectifs des États qui ont cherché une coopération marchés tiers avec la Chine sont plus ambitieux, et ils sont de nature politique. Dès lors, il est inévitable que les objectifs de la Chine soient mécaniquement plus faciles à atteindre.
La coopération franco-chinoise dans les pays tiers en est un bon exemple. L'accord de juin 2015 avec la France est le premier de cette nature signé par la Chine. Emmanuel Macron avait fortement appuyé le principe d’une telle coopération lors de sa visite en Chine en janvier 2018. Un rapport sur les nouvelles routes de la soie publié par la Direction générale du Trésor exprime clairement les intentions françaises : la recherche de "coopérations ponctuelles […] dans les marchés tiers" plutôt qu'un "mémorandum d’entente sur la BRI", l’importance accordée aux "principes de gouvernance dans les initiatives de connectivité". L'accord de 2015 couvre un vaste champ d'application et met l'accent sur un agenda écologique. Il vise en priorité les énergies renouvelables et tous les projets contribuant à la lutte contre le changement climatique, à l'agriculture verte et à la sécurité alimentaire, aux projets ferroviaires, aux infrastructures et à l'énergie.
Dans la pratique, les deux parties ont eu du mal à convenir d’une liste commune de projets. Lors de la visite du Premier ministre français en Chine en juin 2018, c’est un inventaire de 12 domaines d’action ou de projets qui a été proposé à la Chine. La réponse de cette dernière a pris la forme d’une liste alternative de 12 initiatives. La liste actuelle comporte cinq projets et reflète la résistance française face à une Chine qui insiste pour que l’Afrique prime sur les autres régions dans le cadre de ces coopérations, pour une inclusion de l'énergie nucléaire ou pour que soient envisagés des projets au sein de l'Union européenne (aux yeux de tous ses membres, un marché intérieur à part entière).
Quelles sont alors les initiatives énumérées dans la liste ? Son contenu, bien qu'il n'ait été publié en ligne ni par le Trésor français, ni par la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme, est bien connu.
- Deux projets sont en cours dans le secteur de l'énergie.
- EDF et China Datang Corporation visent une extension internationale de leur partenariat sur le marché domestique chinois.
- ENGIE et Tusholding, émanation de l’université de Tsinghua, sont liés par un accord en vertu duquel ENGIE contribuera à l'optimisation de services énergétiques intelligents (stockage, distribution) en Egypte et en Thaïlande.
- Trois projets dans le domaine de l'économie maritime ont également été ajoutés à la liste.
- Bolloré construit le port de la baie de Tibar dans le Timor oriental avec China Harbor Engineering Company. C’est là un exemple très rare de présence d’un sous-traitant chinois dans le cadre d'un projet d'infrastructure européen.
- Bolloré Ports fait partie d'un consortium avec China Merchants Group pour gérer les opérations du principal terminal à conteneurs du port de Tincan (Tincan Island Container Terminal Ltd. – TICT) au sein du port de Lagos au Nigéria.
- Figure également le port de Lekki au Nigéria, dont le terminal à conteneurs, construit par China Harbor Engineering Company, sera exploité par CMA-CGM.
Au-delà de ces projets, les ambitions initiales ont dû être revues à la baisse en matière de cofinancement d’infrastructure en pays tiers. En 2016, les deux parties ont créé le Fonds d'investissement franco-chinois, géré conjointement par le fonds souverain chinois CIC et Bpifrance.
Ajouter un commentaire