La Russie et le régime de Damas se livrent à une puissante propagande visant à faire croire que les pays occidentaux, par leur politique de sanctions et leur refus de financer la reconstruction, sont responsables des malheurs du peuple syrien. Certains pays membres de l’Union sont sensibles à cet argument et l’Europe, alors même qu’elle est le plus grand donateur d’aide humanitaire, se trouve sur la défensive.
Tout indique malheureusement que le conflit se prolongeant, le sort de la population continuera de se détériorer. Prenant acte de cette réalité, l’Europe a sans doute besoin de se doter d’une stratégie qui lui permettrait tout à la fois de mieux démontrer la justesse de sa posture, de peser davantage sur la situation et d’aider la population au-delà de l’assistance humanitaire.
Elle peut le faire d’abord au niveau du discours, en reformulant son message "pas de reconstruction sans transition politique" en un message positif, sans pour autant changer de posture. Pour contrer la désinformation russe et syrienne, l’Europe pourrait par exemple formuler et présenter publiquement un plan global d’aide à la reconstruction sur une période donnée, annoncer qu’elle peut et veut apporter cette aide aux Syriens pour la reconstruction de leur pays, et qu’elle se tient prête à débloquer ces fonds si un processus crédible de transition politique est engagé. Il ne s’agit en aucun cas de modifier les lignes rouges ni la conditionnalité politique liée à la reconstruction telles qu’elles sont définies par Bruxelles, mais uniquement de retourner le discours pour montrer que celui qui fait obstacle à l’arrivée de cette assistance et qui en prive les Syriens, c’est Assad lui-même. Quelques chiffres le démontrent. En 2020, les pays donateurs s’étaient engagés à fournir au total 3,8 milliards de dollars d’aide humanitaire mais les difficultés d’acheminement de cette aide, pourtant soumise à aucune condition - sinon celle d’être livrée effectivement à ses destinataires sans être détournée -, ont découragé certains contributeurs et conduit à ne livrer en fin de compte que 55 % des fonds promis. Au moins deux grandes organisations humanitaires non-gouvernementales ont préféré interrompre certains de leurs programmes parce que les conditions imposées par Damas allaient à l’encontre du principe de base de leur action, celui de ne pas nuire (do not harm).
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