S’agissant d’un scrutin réunissant les 28 États membres de l’UE, intégrant ainsi des candidats ressortissants de pays n’ayant pas adopté la monnaie unique, l’analyse du fonctionnement institutionnel de l’euro, des politiques monétaires et des politiques économiques menées pour répondre à la crise de la zone euro est souvent injustement escamotée au regard de l'importance de ces questions dans la prospérité économique des principaux États membres. Enfin, la nécessité d’une taxation effective des géants américains et chinois du numérique semble faire consensus entre les différents candidats, conformément au souhait des opinions publiques. Sur ce point, on constate qu’à une exception près, l’opposition du Conseil européen sur cette question n’a pas fait l’objet de débat ou d’analyse, illustrant la difficile traduction politique des jeux institutionnels européens, que les opinions publiques ne parviennent pas encore à saisir pleinement.
Conformément aux résultats de la grande majorité des sondages paneuropéens, les enjeux migratoires ont été longuement traités. Thème principal d’un grand nombre de mouvements et gouvernements de droite eurosceptique depuis la crise de 2015, les migrations sont en effet devenues en quelques années le sujet le plus clivant de la vie politique européenne. Le responsable tchèque Jan Zahradil a porté la voix du groupe ECR et a exprimé la forte opposition de son parti au mécanisme de redistribution obligatoire des demandeurs d’asile décidé en 2015. Suivant la logique de cette politique, la plupart des autres candidats ont appelé à une plus forte solidarité entre Etats membres, ce qui semble toujours peu réaliste du fait de l’opposition de nombreuses capitales.
La place de l’Union dans le monde et les priorités de sa politique étrangère ont également été débattues. Ici, les relations transatlantiques et la politique à mener avec la Russie concentrent les débats alors que la stratégie à mener avec le voisinage de l’UE - pourtant de première importance au regard du nombre croissant de crises - ainsi que la relation avec la Chine passent au second plan. On peut également regretter le peu de temps consacré à la menace terroriste ou aux politiques industrielles et budgétaires en matière de défense. Dans ces différents domaines, l’absence d’un candidat français, par nature plus sensible à ces questions, s’est ainsi faite sentir.
Dès lors, comment voyez-vous évoluer la vie politique européenne au cours des cinq prochaines années ?
Le processus de Spitzenkandidaten n’est pas encore pleinement établi dans le fonctionnement institutionnel de l’UE. Le président de la République française et la chancelière allemande y sont notamment opposés. Pour le chef d’État français, ce processus doit être la conséquence de l’existence de véritables listes transnationales pour le Parlement européen : or, ce projet de modification des règles électorales a été avorté malgré le soutien de Paris. Aussi, il est tout à fait possible qu’aucun des candidats présents à ces débats ne soit demain le président de la Commission européenne. Le Conseil européen et le Parlement partageront cette décision qui interviendra, à n’en pas douter, après de complexes tractations et négociations, notamment entre la France et l’Allemagne. L’existence même de cette incertitude a rendu l’exercice de ces débats quelque peu artificiel, et l’on comprend mieux que ces derniers n’aient pas l’impact escompté.
Les projections actuelles pour le futur Parlement européen ne semblent pas remettre en cause profondément les équilibres politiques actuels. L’émergence de nouveaux partis au Parlement, à commencer par La République en marche, ne paraît pas suffire à imposer une complète recomposition des groupes parlementaires européens. A en croire les sondages, le futur Parlement devrait toutefois être plus morcelé encore que l’actuel et le futur président de la Commission pourrait être le représentant d’une alliance de groupes parlementaires.
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