C’est le paragraphe sur les réfugiés qui est le plus long et sans doute le plus significatif : il faut, est-il indiqué, "créer les conditions d’un retour sûr et volontaire des réfugiés et personnes déplacées", ce qui passe par une "protection des personnes de retour chez elles contre l’insécurité, les persécutions politiques ou les arrestations arbitraires" mais aussi "des infrastructure humanitaires, y compris en matière de distribution d’eau, d’électricité, de santé et de services sociaux". C’est presque un appel d’offre. Sans doute y a-t-il derrière ces mots l’esquisse des termes d’une négociation autour de cette question des réfugiés, dont on a vu qu’elle est centrale dans la stratégie russe pour obtenir des Européens une normalisation avec leur protégé de Damas.
Le format d’Istanbul est-il appelé à se perpétuer ? Ses protagonistes indiquent que ce n’est pas le cas bien entendu. La France et l’Allemagne ont-elles gagné un ticket d’entrée dans les discussions qui vont sûrement rebondir d’une façon ou d’une autre, avec les Américains notamment et un nouveau représentant des Nations-Unies, sur le règlement de la crise syrienne ? En fait, ces deux questions restent totalement ouvertes. La "durabilité" du gel de la situation à Idlib est incertaine, le régime d’Assad s’efforçant déjà, au nom de la lutte contre le terrorisme, de grignoter les marges de la zone démilitarisée. Par ailleurs, les Turcs d’une part et les Américains et leurs alliés d’autre part occupent toujours de vastes zones de la Syrie du Nord et du Nord-Est, les premiers pour contrer les Kurdes, les seconds en soutien aux Kurdes syriens. Il est vraisemblable que les termes du communiqué d’Istanbul vont fournir des arguments à chacun des signataires pour tenter de pousser les autres dans la direction qu’ils souhaitent : les Français et les Allemands pour faire pression en faveur d’un processus politique, les Russes pour faire avancer une contribution anticipée de l’Europe à la reconstruction, les Turcs pour pérenniser le gel dans la province d’Idlib.C’est ainsi que la diplomatie est souvent une forme de judo en costume cravate. Les Iraniens, même si eux ne portent pas de cravate, ont certainement prêté attention à ce qui se passait à Istanbul. Ils ne manqueront pas, dans les semaines qui viennent, de veiller à revendiquer de nouveau leur participation à toute tentative de règlement.
Crédit photo : OZAN KOSE / AFP
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