L’impasse politique est complète. Moscou n’a de cesse de dénoncer le blocage des négociations du groupe de contact trilatéral sur le Donbass (OSCE, Russie, Ukraine) et le peu d’avancée des négociations au format de Normandie (Allemagne, France, Russie, Ukraine), tout en restant arc-bouté sur son interprétation des Accords de Minsk 2. Six ans après leur signature en février 2015, Moscou et Kiev ne sont toujours pas d’accord sur l’ordre d’application des mesures. Les Ukrainiens insistent sur la nécessité d’appliquer en priorité les clauses de sécurité et demandent des aménagements. Les Russes exigent que les clauses politiques, notamment la loi de décentralisation et la loi d’amnistie, interviennent en premier ; ils refusent de changer d’un iota le texte de ces accords qu’ils considèrent comme une victoire personnelle de Vladimir Poutine. Face à la nouvelle escalade militaire, le Président Zelensky en a appelé au Président Poutine, lui proposant d’entamer des négociations directes. En vain.
Il faut rappeler que cette guerre a fait des deux côtés 14 000 morts, dont 3 400 civils et plusieurs centaines d’enfants. Parmi les blessés, on dénombre environ 20 000 soldats et 7 000 civils (9 000 selon d’autres décomptes). Étant donné le ressentiment de part et d’autre de la ligne de contact et l’ampleur des déploiements de force aux frontières, nous ne sommes pas à l’abri d’un incident qui dégénèrerait et qui entraînerait une spirale de la violence, d’autant que la Russie dispose désormais d’un prétexte tout trouvé pour lancer une intervention. En effet, les autorités russes ayant activement distribué des passeports aux habitants des territoires séparatistes (639 000 habitants ont reçu la citoyenneté russe ces dernières années), elles pourraient désormais alléguer vouloir protéger ces nouveaux citoyens russes pour intervenir militairement ou pour reconnaître un État de facto dans le Donbass.
Il faut bien admettre que l’UE est assez démunie face à cette situation, comme face aux atteintes aux droits de l’Homme en Russie et en Biélorussie. Depuis la divulgation, en janvier 2021, du film d’Alexeï Navalny sur les schémas de corruption prêtés à Vladimir Poutine, qui a été vu 116 millions de fois en russe et 86 millions de fois en anglais, la répression s’intensifie nettement. Des représentants de la société civile, notamment les membres de la Fondation de lutte contre la corruption, fondée par Navalny, sont en butte à des intimidations policières et à des poursuites judiciaires.
Les sanctions contre la Russie n’ont pas vraiment l’effet dissuasif recherché car les plus hauts dirigeants russes sont persuadés que rien, sinon une capitulation sur tous les sujets, ne permettra de lever les sanctions américaines, plus extensives et redoutables. De plus, ils n’ont pas renoncé à obtenir la levée des sanctions européennes. Ces dernières années, la chancelière allemande Angela Merkel a joué un rôle majeur dans leur reconduction régulière ; elle a aussi favorisé la cohésion européenne concernant l’attitude à tenir à l’égard de la Russie. De ce point de vue, son départ du pouvoir à la suite des prochaines élections fédérales au Bundestag en septembre 2021 pourrait rebattre les cartes.
Copyright : Aleksey Filippov / AFP
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