"Sahra Wagenknecht et Sigmar Gabriel sont des voix solitaires dans la forêt qui constatent un éloignement dramatique de leurs partis, Die Linke et SPD, par rapport à leurs anciens électeurs", souligne le Tagesspiegel, mais leurs inquiétudes sur la possible disparition de leurs formations ont désormais plus d'écho à l'extérieur de leurs partis. Le quotidien berlinois de centre-gauche note au passage que Sigmar Gabriel a recommandé la lecture de l'entretien accordé par Sahra Wagenknecht à la SZ.
Wolfgang Thierse a déclenché une controverse sur l'identité du SPD
Ce débat, longtemps feutré au sein du SPD, a gagné en intensité avec la tribune publiée dans la FAZ ("combien d'identité peut accepter la société") par Wolfgang Thierse. "Les questions d'appartenance culturelle semblent désormais diviser plus que le thème de la justice sociale. Les questions d'identité ethnique et sexuelle dominent, les débats sur le racisme, le post-colonialisme et le genre deviennent de plus en plus vifs et agressifs", déplore l'ancien militant des droits de l'homme, convaincu que les thèmes liés au Heimat et au patriotisme, à l'Allemagne comme Kulturnation ne doivent pas être abandonnés à la droite. La pandémie vient de montrer que l'État social demeure le cadre d'exercice de la solidarité, souligne l'ancien Président du Bundestag. Certes, la culture nationale homogène, telle que théorisée par Herder, est devenue une "fiction", sur le fond la culture nationale conserve cependant pertinence et cohérence - ce n'est pas une "culture McWorld" - elle est faite de souvenirs communs, de formes artistiques, de convictions et d'expériences partagées. Tout en voulant combattre les discriminations, la "politique identitaire" néglige le fait que la majorité a, elle aussi, des aspirations culturelles légitimes qui ne peuvent être disqualifiées comme "racistes" ou "réactionnaires".
En voulant s'imposer, sans prendre le temps de la discussion, cette Identitätspolitik conduit à prononcer des anathèmes et à exclure du débat public (université, media) ce que Wolfgang Thierse qualifie de "culture politique démocratique" et ceux qui défendent un autre point de vue. Or, marque-t-il, "les arguments rationnels doivent être déterminants et non l'origine ou la position sociale". "Le respect indispensable de la diversité et de l'altérité n’est pas tout, poursuit l'ancien député. Il doit s'inscrire dans la reconnaissance de règles et d'obligations, notamment de l'acceptation des décisions de la majorité, faute de quoi la cohésion sociale est mise en cause". "La critique de l'idéologie de la supériorité de l'homme blanc ne doit pas virer au mythe de sa culpabilité héréditaire", met en garde l'ancien président du parlement allemand, inquiet de l'instrumentalisation du passé. "La purification et la liquidation de l'histoire étaient jusqu'à présent le fait des dictateurs, des régimes autoritaires et des fanatiques religieux. Elles ne doivent pas devenir l'affaire des démocraties", avertit l’ancien opposant au régime de la RDA, qui mentionne le cas d'une rue berlinoise, la Mohrenstraße, récemment renommée.
Les réactions initiales de la direction du SPD à la tribune de Wolfgang Thierse ont été vives. Saskia Esken, co-présidente et Kevin Kühnert, vice-président, ont exprimé leur "honte" et reproché à "certains représentants du parti de donner une image rétrograde du SPD", réponse que Heribert Prantl juge sectaire. L'éditorialiste de la Süddeutsche Zeitung critique l'incapacité des dirigeants du SPD à organiser un débat, il rappelle que Wolfgang Thierse fût l'un des tout premiers politiques à mettre en garde, voici plus de deux décennies, contre l'extrême-droite. L'historien Peter Brandt, fils de l'ancien chancelier, lui a apporté son soutien - Wolfgang Thierse se montre soucieux de la cohésion de la société, écrit-il dans la FAZ. Universitaire et présidente de la commission des valeurs du SPD, Gesine Schwan a fustigé les deux dirigeants ("je voudrais leur dire à tous les deux que ça ne va pas. Vous avez fait une erreur") ainsi que le "poison des identités collectives".
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