Les auteurs d’une étude du think tank SWP jugent pertinente la comparaison Arctique/mer de Chine. Comme en Asie où la Chine a cherché à racheter des aéroports et à construire des ports, elle se montre active vis-à-vis des petits pays, non membres de l’UE (Islande) ou de l’OTAN (Finlande), ce qui suscite la méfiance des autres États de la région. Le fait que la rivalité soit nourrie par les grandes puissances présente un risque pour la stabilité de la région, estime le professeur Sten Rynning. En Asie, un autre grand pays, l’Inde, vient de se doter d'une stratégie arctique, afin de valoriser son expérience scientifique dans l’Himalaya, avec pour possible effet de transporter sur un nouveau terrain sa rivalité avec la Chine.
Le retour des États-Unis
Longtemps, les États-Unis ne se sont guère investis en Arctique, souligne le DLF. L’administration Obama avait échoué à obtenir du Congrès des crédits pour la construction de brise-glaces. En décembre 2016, le Pentagone estimait encore que, malgré des "points de friction" avec le Canada et la Russie sur la question des voies maritimes, l’Arctique demeurait un espace de coopération. L’intérêt de l’administration Trump est resté ponctuel et son attitude peu conséquente, d'après le SWP, qui rappelle l'offre surprenante d’achat du Groenland. Joe Biden semble décidé à regagner de l’influence dans la région, note le DLF, qui mentionne sa décision de stationner des bombardiers B1 sur la base d’Ørland en Norvège, prise peu après son investiture, signe aussi, selon la radio publique allemande, que l'OTAN va miser sur une stratégie mobile, fondée sur la marine et l'aviation plus que sur le déploiement de forces terrestres. Conjointement avec le premier ministre canadien, le Président Biden a aussi annoncé que le NORAD ("North American Aerospace Defense Command") allait être modernisé et que les deux pays allaient engager un dialogue bilatéral sur l’Arctique. Ce que le Global Times considère comme une tentative pour "exagérer la soi-disant présence militaire de la Chine et de la Russie afin de freiner leur influence dans l'Arctique" est reçu avec "soulagement dans les capitales scandinaves, Finlandais, Norvégiens et Suédois misent plus que jamais sur la protection des États-Unis et de l'OTAN", rapporte le DLF.
La coopération va-t-elle laisser la place à la confrontation ?
Longtemps, l'Arctique a été considéré comme une zone de faibles tensions, cela reste vrai aujourd’hui, aussi faut-il préserver le Conseil arctique, qui symbolise cet esprit de coopération, marque Carl Bildt, ancien premier ministre suédois et co-président de l’ECFR. Depuis la crise avec l’Ukraine en 2014, Moscou s’est employé à utiliser sa position géographique privilégiée pour diversifier ses partenariats en associant la Chine, le Japon, l’Inde et des États arabes, tout en maintenant, là où c'était possible, les liens avec des entreprises occidentales, analyse Pavel Luzin, contributeur chez Riddle. Il s’agit pour la Russie d’éviter l’isolement, de mobiliser à son profit besoins et capitaux des puissances montantes, tout en conservant le contrôle des investissements, et de renforcer sa position comme acteur global, dans un contexte interne, politique et économique, de plus en plus difficile. Cette stratégie s’applique aussi à la mise en valeur du gisement gazier LNG-2 de Taymyr - Novatek s’est associé à Total, CNPC, CNOOC, Mitsui et à JOGMEG - au projet "Vostok-oil", qui cherche à attirer des investisseurs indiens, ainsi qu'au développement de la "Route maritime du Nord" auquel l'opérateur Rosatom tente d'intéresser DP World, société basée à Dubaï.
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