Andreï Kortounov juge plausible cet argument, il rappelle l'offensive azerbaïdjanaise victorieuse de l'an dernier au Haut-Karabakh. Moscou entend marquer à V. Zelensky que, dans ce cas, c'est le sort de M. Saakachvili en 2008 qui l'attend et non celui de I. Aliev en 2020. V. Poutine pourrait aussi craindre un désintérêt à l'égard de l'Ukraine de la part des nouvelles générations russes, avance Kadri Liik. L’importance primordiale qu’il accorde à l’Ukraine, illustrée par son article sur "l'unité historique des Russes et des Ukrainiens", amène à conclure qu'il considère que sa mission historique est de trancher la question avant de transmettre le pouvoir à un successeur moins expérimenté, avance Alexandre Baounov. Il s'agit aussi de clore le chapitre ouvert par la perestroïka et les années 1990 et de restaurer symboliquement la Russie dans son statut de grande puissance, 30 ans après l’éclatement de l’URSS, explique le chercheur de la Carnegie.
Comme ce fût le cas pendant la détente (1960-70) et avec la "nouvelle pensée" gorbatchévienne de la fin des années 1980, l'objectif de Moscou est de ramener la confrontation avec l'Occident à un niveau acceptable, pour disposer d'un front interne stable, et conforter la stature internationale du pays, explique Vladimir Frolov. Mais, cette "détente 2.0" rejette toute ingérence dans les affaires internes. La "corbeille humanitaire" des accords d'Helsinki, qui avait permis la promotion de la conception occidentale des droits et libertés, est considérée comme une grave erreur, marque cet expert, la coopération avec l'Occident doit être circonscrite à des thèmes sécuritaires et économiques, la Russie refuse les cadres de dialogue (OTAN/Russie, UE/Russie), dans lesquels elle se sent "seule contre tous", elle privilégie le dialogue bilatéral avec "quelques acteurs-clé". Cette nouvelle stratégie vise à contraindre l'Occident à des compromis en entretenant des "foyers de tension" dans des "zones sensibles" (Moyen-Orient, Afrique, Balkans). Ainsi, un encouragement aux velléités indépendantistes des Serbes de Bosnie menace les accords de Dayton et pourrait rallumer la guerre civile dans ce pays, s'inquiète Vladimir Frolov.
La question de l’architecture européenne de sécurité fera débat entre alliés
La Russie juge possible de discuter avec J. Biden de ces sujets, estime Kadri Liik, il a la capacité de parler au nom de l'Occident, sa priorité étant la Chine, il peut être tenté de rechercher un accord avec Moscou. V. Poutine a éludé les offres de dialogue d'E. Macron sur l'architecture de sécurité européenne, parce qu'il n'a "jamais pensé que lui, la France ou l'UE aient une voix décisive dans ce domaine". De "grands experts français" s'étonnent que le "dialogue stratégique" que le Président français voulait engager avec la Russie n'ait débouché sur aucun résultat tangible, il n'y a pas lieu de s'en étonner, relève aussi Vladimir Frolov. En Ukraine, l'impasse du format "Normandie" et la volonté du Président Zelensky de réduire l'influence politique et médiatique russe mettent en question la stratégie du Kremlin, analyse cet expert.
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