La volonté de l’actuel gouvernement fédéral d’éviter la répétition du scenario de 2015 suscite des commentaires plutôt compréhensifs. L’attitude des autorités polonaises est jugée plus sévèrement, de même que le contact renoué par la chancelière avec A. Loukachenko. Le rôle de la Russie fait l’objet de différentes interprétations.
Une Allemagne partagée entre sa tradition d’accueil et la crainte de la répétition du scénario de 2015
"Quelques centaines de migrants suffisent à créer la panique au sein d'une Union européenne, qui compte 450 millions d'habitants, et dont les États membres reportent depuis des années la nécessaire réforme de l'asile", chaque pays agit à sa guise, déplore la FAZ sous la plume de Thomas Gutschker. La crise actuelle n'est cependant pas comparable à celle de 2015, observe Reinhard Müller, autre commentateur de la FAZ, il s'agit aujourd'hui d'une "guerre hybride menée par Loukachenko, soutenu par Poutine". Le scenario, qui s'est déroulé il y a six ans - l'arrivée quotidienne en Allemagne de dizaines de milliers de réfugiés, qui ne peuvent être expulsés quand bien même ils sont déboutés de leurs demandes d'asile - ne doit pas néanmoins se répéter, explique Reinhard Müller, cela pousse "à l'absurde le droit d'asile". La liberté de circulation au sein de l'UE est un "acquis formidable" qui a pour contrepartie le "contrôle effectif des frontières extérieures", souligne-t-il.
Différentes voix, notamment au sein de l'église évangélique allemande, se sont toutefois élevées en faveur de l'accueil de ces migrants. Wolfgang Schäuble, ancien ministre CDU et ex-Président du Bundestag, suivi par d'autres députés, souhaite leur accorder un séjour temporaire. Gerald Knaus, fondateur du think-tank "European stability initiative", reproche à l'UE de pratiquer "la politique de l'AfD"."Loukachenko et la Russie peuvent constater avec satisfaction que l'UE ne respecte plus ses valeurs", déplore-t-il. Spécialiste des questions de migrations, Petra Bendel regrette que le ministre fédéral de l'Intérieur ne donne pas suite aux offres des villes allemandes, prêtes à accueillir des migrants. L'Allemagne est confrontée à un dilemme, observe Stefan Kornelius, la législation actuelle sur l'asile peut facilement être instrumentalisée par M. Erdoğan, Orbán et Poutine mais, selon lui, la prochaine coalition n’est pas en mesure de s'accorder sur une politique plus restrictive, qui la ferait imploser avant même d'arriver au pouvoir, pas plus qu’elle ne peut donner l'impression de s'en remettre à Ankara ou à Minsk.
Lors d'un débat au Bundestag, le 11 novembre, les trois composantes de la nouvelle coalition ont voulu démontrer leur unité. Ainsi, l'accueil de migrants - les Verts sont favorables à une répartition entre États membres volontaires de l’UE - n'a pas été évoqué en raison de l’opposition du FDP, qui apporte son soutien aux autorités polonaises. Franziska Brantner, porte-parole pour les questions européennes, a dénoncé les "tentatives de chantage" de Loukachenko et plaidé pour une "nouvelle politique de dialogue et de fermeté" avec la Russie. Les trois partis n'ont pas exprimé de position claire sur la question du financement de la construction du mur annoncé par les autorités polonaises. Die Grünen sont réticents à l'envoi sur place d'une mission de Frontex - souhaitée par le SPD et le FDP- en raison des critiques dont l'agence européenne a fait l'objet en Grèce, accusée d'avoir refoulé ("pushback") des candidats à l'asile.
L’actuel gouvernement fédéral soutient la Pologne, accusée de ne pas respecter le droit humanitaire
Olaf Scholz (SPD), actuel ministre des Finances et probable futur chancelier, a déclaré faire confiance au gouvernement polonais, les mesures prises pouvant contribuer à mettre un terme au comportement "honteux" des autorités biélorusses et des passeurs. Tout en estimant que "les murs et les clôtures devraient être détruits là où c'est possible", la nouvelle présidente du Bundestag, Bärbel Bas (SPD) a admis que, "malheureusement, ce n'est pas possible du fait de la politique de Loukachenko". Michael Kretschmer, ministre-président CDU de Saxe, Land frontalier de la Pologne, a approuvé les mesures prises par Varsovie et marqué son opposition à l'accueil des migrants. "Ce que fait la Pologne dans la crise des migrants est juste [...] Cela bénéficie à toute l'UE et en premier à l'Allemagne", a déclaré à Varsovie le ministre fédéral de l'Intérieur Horst Seehofer, qui a qualifié sa visite de "geste de solidarité", remercié son homologue polonais pour sa "ligne claire" et réitéré le refus de Berlin d'accueillir des migrants.
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