Tandis que Grant Rumley et Soner Cagaptay redoutent qu'un refus de livraison des F-16 conduise la Turquie à "poursuivre sa dérive dans l'orbite russe", pour la Nezavissimaïa gazeta, comme pour Aaron Stein, "Erdoğan poursuit ses efforts afin d'obtenir de Biden la vente des F-16". Les critiques du Président turc, lors de son intervention devant l'AGNU, à l'encontre des membres permanents du conseil de sécurité (le sort de la planète ne peut être soumis, selon lui, "à la vanité, aux ambitions et aux caprices" des vainqueurs de la seconde guerre mondiale) ont beaucoup irrité Moscou - il s’agit là de la mise en cause d’un élément essentiel de la doctrine poutiniste - cet activisme du Président turc est, pour la revue Mejdunarodnaïa jizn, la conséquence de ses problèmes internes et une tentative pour détourner l'attention des difficultés économiques, de la hausse de l'inflation et de la perte de soutien de l'opinion alors que les échéances électorales se rapprochent.
La coopération turco-ukrainienne en matière d'armement inquiète Moscou
Participant le 2 novembre à une conférence sur les questions de défense, V. Poutine a appelé à "examiner la situation créée par la présence de drones à proximité des frontières de la Russie", rapporte Kommersant, qui explique que le président russe avait à l'esprit les Bayraktar TB2. Une semaine auparavant, sans qu'il franchisse la ligne de contact, selon Kiev, un drone de fabrication turque, qui venait d'être mis en service dans l'armée ukrainienne, a détruit dans le Donbass une pièce d'artillerie des séparatistes. Cette attaque intervient dans un contexte russo-ukrainien tendu, plusieurs organes de presse comme Politico faisant état de nouvelles concentrations de troupes russes non loin des frontières de l'Ukraine qui, selon CNN, auraient motivé le déplacement, inhabituel, du directeur de la CIA à Moscou. Ce n'est pas la première fois que les drones turcs, ces "Tomahawks du pauvre", compliquent la stratégie de Moscou, note Alexandre Golts, leur emploi par Bakou en 2020, rappelle-t-il, avait détruit "l'équilibre des forces" que la Russie avait tenté de maintenir en approvisionnant en armes Arméniens et Azerbaïdjanais. L'écho médiatique suscité en Russie par cette frappe de drone dans les territoires occupés d'Ukraine est bien supérieur à son importance militaire, observe cet expert des questions de défense, cet incident a en effet été largement exploité par le Kremlin. Cela dit, en utilisant elles aussi cet incident à des buts de propagande et en laissant penser qu'elles pourraient, à terme, disposer d'une nette supériorité sur le plan militaire, les autorités ukrainiennes ont fait preuve, selon Alexandre Golts, d'une "dangereuse légèreté", et auraient été mieux inspirées de s'inspirer du comportement azerbaïdjanais, qui a joué de l'effet de surprise pour engager tout son potentiel de drones contre l'adversaire arménien et s’est assuré d’une supériorité décisive dans son opération militaire.
La coopération entre Ankara et Kiev en matière d'armement inquiète les experts russes. Elle pourrait en effet, écrit Caleb Larson, "détruire l'équilibre fragile" qui existe entre Moscou et Ankara.
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