Or, d'après Konstantin Eggert, "à l'ouest de l'Oder", l'UE n'a pas encore véritablement pris conscience de la manière dont fonctionne le Kremlin, qui ne craint pas les déclarations de fermeté occidentales et ne croit pas l'UE capable d'imposer des "sanctions sérieuses". D’après Vladislav Inozemtsev, directeur du Center for Post-Industrial Studies, différents facteurs se conjuguent pour relativiser le rôle des sanctions et cet économiste libéral de conclure que "l’Occident ne nous aidera pas". Les politologues interrogés par le site indépendant Rosbalt font part de leur scepticisme sur l'opportunité de nouvelles mesures restrictives : Nicolaï Petrov observe que l'Occident dispose de peu de leviers et que les sanctions individuelles n'auront pas d'effet immédiat ; compte tenu d'une opinion russe majoritairement hostile à Alexeï Navalny, la propagande officielle peut présenter de nouvelles sanctions comme le résultat de la "trahison" de l'opposition, avertit Dimitri Orechkine.
"Malgré toutes les pressions exercées par les Anglo-saxons et, sur le plan intérieur, par les Atlantistes, les élites allemandes devraient réussir leur test d'indépendance, il n'y a aucun doute que la majorité des responsables politiques influents n'entend pas renoncer au gazoduc, c'est à dire à la souveraineté et au leadership européen", assure Piotr Akopov. Certes, admet-il, la France a moins besoin de Nord Stream 2 que l'Allemagne, mais elle poursuit avec la Russie d'autres projets énergétiques, "pourquoi les remettre en cause", demande le commentateur de Ria novosti. Le Kremlin mise sur les prochaines échéances électorales européennes, il "fonde beaucoup d’espoir" relève Konstantin Eggert, sur Armin Laschet, nouveau président de la CDU et successeur possible d'A. Merkel, "connu pour ses vues pro-Kremlin", ainsi que sur des sondages qui annoncent un duel serré entre le président de la République et Mme Le Pen, "fidèle alliée de Vladimir Poutine", au deuxième tour de l'élection présidentielle. À partir de l'automne, E. Macron va "se concentrer exclusivement sur les sujets de politique intérieure et sur la campagne pré-électorale", prédit Piotr Akopov.
Les analystes proches du Kremlin vantent les mérites d’une relation pragmatique UE-Russie permettant aux Européens d’affirmer leur autonomie.
Dans son intervention au forum de Davos, le Président Poutine a affirmé que "la Russie fait partie de l'Europe, sur le plan géographique, mais surtout culturel". À cet égard, le manifeste ("l'enlèvement de l'Europe 2.0") publié par le metteur en scène Konstantin Bogomolov appelant à rompre avec le "nouveau Reich moral" que serait devenu l'Occident, suscite un débat animé dans les milieux intellectuels russes. "Le narratif sur les valeurs libérales, les droits de l’Homme et les libertés n’est plus universel, beaucoup ne le partagent plus. C’est devenu un instrument purement politique", explique pour sa part Fiodor Loukjanov. La Russie, note ce politologue proche du Kremlin, en est venu à "rejeter la notion même de standard ou d’arbitre extérieurs", elle adresse une fin de non-recevoir aux demandes d’explication sur ces sujets qu’elle considère comme "politiquement et moralement sans objet". En octobre dernier, devant le club Valdaï, S. Lavrov évoquait déjà une "suspension" du dialogue avec l’UE.
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