Cette visite témoigne de l'importance que Washington accorde à cette région autonome, qui compte 56.000 habitants (que D. Trump avait proposé d'acheter), souligne la Süddeutsche Zeitung (SZ). Il s'agit là d'un signal important envers la Russie et aussi en direction de la Chine, qui courtise les pays nordiques pour leurs ressources, ajoutent Abbie Tingstad et Stephanie Pezard. Washington renforce son dispositif notamment en Norvège, note la SZ, quatre bombardiers B-1 ont été stationnés dans une base aérienne près de Bodø, un sous-marin US a fait relâche dans le port de Tromsø. Les exercices navals de l'OTAN et le renforcement des capacités de défense occidentales risquent aussi d'alimenter la thèse de "l'encerclement" de la Russie, de justifier sa politique de militarisation et de provoquer une escalade au risque de créer des incidents, avertissent Mathieu Boulègue et Duncan Depledge.
Les deux experts de Chatham houseconviennent que l'OTAN n'est pas la structure idoine pour discuter de ce sujet, plusieurs alliés comme le Canada, le Danemark et la Norvège appellent d'ailleurs à la prudence et Moscou y est hostile, l'Alliance doit affirmer sa présence face à la Russie sans revendiquer le premier rôle. Les deux experts de Chatham house préconisent de saisir l'occasion offerte par la présidence russe du Conseil de l'Arctique (2021-23) pour ouvrir un canal de dialogue parallèle avec Moscou sur les questions de sécurité dans cette région. Cette problématique est exclue du champ de compétence du Conseil, rappellent-ils, ce qui fait que, par le passé, ces questions essentielles ont été abordées dans des forums distincts, comme la "table-ronde" mise sur pied en 2011 et les rencontres des chefs d'état-major instituées en 2012, auxquelles le conflit russo-ukrainien a mis un terme en 2014. Or, Mathieu Boulègue et Duncan Depledge jugent primordiale la reprise d'un dialogue entre les Alliés et la Russie sur les sujets militaires afin de maintenir l'Arctique à l'écart des tensions géopolitiques. Sans vouloir institutionnaliser ce dialogue, ils recommandent la rédaction d'un code de bonne conduite ("Arctic Military Code of Conduct" - AMCC), qui définisse des règles du jeu afin d'éviter les erreurs de jugement et une escalade, et renforce la transparence et la prévisibilité en procédant à des échanges d'informations et à l'invitation d'observateurs étrangers lors de manœuvres.
Le programme de la présidence russe du Conseil est adopté, mais Moscou cherche aussi à promouvoir ses objectifs
En 2019, lors de la précédente réunion ministérielle en Finlande, le secrétaire d'État Mike Pompeo, avait brisé un tabou en évoquant les activités militaires russes et chinoises dans l'Arctique, qualifié "d'arène de puissance et de compétition", et il avait refusé de souscrire au communiqué final. Tout en mettant en garde contre une militarisation de l'Arctique, son successeur Blinken ("team player") adopte une approche plus coopérative, soulignent les experts. Moscou a pris la présidence de cette enceinte informelle à l'issue de la XIIème session du Conseil - qui coïncide avec son 25ème anniversaire - et souhaite que l'Arctique demeure une "zone de paix et de coopération", a déclaré Sergey Lavrov, propos approuvés par toutes les délégations, note Kommersant. Cette présidence est en effet importante pour Moscou, l'Arctique est pratiquement la seule région où la Russie et l'Occident continuent à coopérer, analyse le quotidien. La militarisation de l'Arctique a toutefois été abordée lors du dîner informel, le ministre russe a évoqué le déploiement des forces de l'Alliance et ce qu'il considère comme le non-respect de ses obligations au titre de l'acte fondateur Russie-OTAN, note Katerina Labetskaïa, experte de l'IMEMO.
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